La colonisation de l'espace
La colonisation de l'espace
http://www.astrosurf.com/luxorion/colonisation.htm
Les voyages interstellaires (V)
Mais on peut rêver... tout en gardant les pieds sur terre. Si les moyens de propulsions semblent promus à un bel avenir, le coût, l’encombrement et les performances des composants électroniques suivent la même évolution : les prix diminuent de moitié tous les 2 ans selon la loi de Moore et une tendance, militaire, voudrait que cela diminue ainsi chaque année. Ainsi, dans les années 1960, un mégabyte de mémoire coûtait 1 million de dollars. Au tournant de l'an 2000 il coûtait moins de 20 $ et aujourd'hui ca ne se vend même plus car pour ce prix on vous offre... 10 GB de mémoire ![13]
Les mémoires des ordinateurs doublent de capacité tous les 18 mois tandis que le poids de l’électronique embarquée a chuté d’un facteur 10 en l’espace de 30 ans. Un ordinateur des années 1960 tient à présent à l’aise dans le processeur d’un ordinateur domestique. Une carte de processeurs fabriquée aujourd'hui est aussi puissante que les plus gros ordinateurs construit voici 10 ans.
Sur ces prouesses technologiques se greffe le prix des charges utiles. En l'an 2000, la mise en orbite de transfert géostationnaire d’un kilo coûtait entre 12 et 30000$[14]. Même avec de nouveaux lanceurs plus performants et moins chers, ce prix peut encore difficilement tomber sous les 10000$; l’espace se vend à prix d’or ! Tous ces facteurs contribuent à rendre l’exploration spatiale très coûteuse. En revanche, ils incitent les constructeurs à mettre au point des techniques toujours plus performantes et d’un poids plus faible à budget constant. A titre de comparaison, le coût de la seconde d’observation au télescope du CfA d’Hawaii revient à moins d'un euro.
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Toutes ces considérations permettent déjà d’estimer la masse d’un vaisseau voulant explorer le centre de la Galaxie. Ainsi que nous l’avons vu, Daedalus, qui permettrait d’atteindre le centre de la Voie Lactée en une quarantaine d’années pèse 54000 tonnes dont 450 sont consacrées aux moyens de survie individuels (nourriture, eau, etc). Les projets les plus ambitieux envisagent de construire en orbite des vaisseaux interstellaires pesant 1040 tonnes, poids nécessaire pour effectuer une exploration de la Voie Lactée à vitesse relativiste compatible avec l’espérance de vie humaine !
Il y a enfin les projets démesurés de G.San qui imagine des colonies spatiales de 20 km de longueur et 12 km de diamètre capables de traverser la Voie Lactée à 900 km/s...
A n’en pas douter, si la colonisation de l'espace devient une priorité, d'ici quelques centaines à un bon millier d'années compte-tenu des problèmes techniques à surmonter, nous maîtriserons le vol relativiste. Il est probable que nous aurons en même temps solutionné ses difficultés, en particulier les problèmes de la propulsion et du vol en état d’hibernation.
Si l’on en croit les modèles théoriques que nous venons de citer, le premier saut en-dehors du système solaire devrait se réaliser aux alentours de 2100 dans le cadre d’un projet similaire à Daedalus. Dès que les vaisseaux et les systèmes de propulsion seront au point, les premiers colons iront explorer la Galaxie. Cette vague d’émigration devrait commencer vers 2260. Ce jour là les vols relativistes devront être maîtrisés.
Si on évalue les difficultés qui devront être surmontées pour franchir ce seuil technologique (car il faut tenir compte des contraintes imposées par la théorie de la relativité), ces dates paraissent bien optimistes voire carrément surréalistes. Quelques millénaires de plus sont certainement à prévoir pour mener à bien un projet aussi ambitieux qu'une colonisation de la Galaxie.
Car non seulement le vol relativiste impose ses propres contraintes (problème de transformation de l'énergie, masse embarquée, problèmes de cryogénie, de sécurité, etc) mais il faut également tenir compte des problèmes socio-économiques et politiques face auxquels de tels programmes sont très vulnérables. On ne pourra jamais investir des milliards de dollars ou d'euros dans un programme spatial si la moitié du monde est en guerre ou crêve de faim.
En revanche, il est possible qu'un consortium de grandes sociétés privées déjà impliquées dans les voyages touristiques circumterrestres ou l'exploration lunaire prennent la relève dans le cadre de mission plus modestes.
En attendant, la Lune, Mars et, si le budget le permet, certains astéroïdes et quelques lunes de Jupiter ou Saturne seront habitées. Le grand saut sera pour beaucoup plus tard. Cela étant, le jour venu les voyages sidéraux dureront des centaines d’années et les générations se succéderont sans connaître la chaleur d’une planète réchauffée par une étoile. Les explorateurs perdront le souvenir de leurs racines terrestres et le plaisir d’un gentil foyer.
Mais un jour futur, leur vaisseau-mère et sa flottille d’explorateurs accosteront en douceur dans les parages d’un îlot de verdure et décidés à conquérir leur Terre promise, ils coloniseront un nouveau monde et fonderont là-bas une nouvelle civilisation.
Equilibre ou expansion ?
Une sonde de Von Neumann de la taille d'un vaisseau spatial. Document Charles Ofria. |
La colonisation de la Galaxie n'est pas une fin en soi. Il est probable que nos problèmes démographiques se retrouveront sur d'autres planètes à une échelle décuplée. Nous ne pourrons jamais conserver notre espace vital si la population s'accroît ne fut-ce que linéairement. Nous devrons toujours trouver de nouvelles planètes à coloniser. Pour cela nous devons tout d'abord trouver des planètes habitables.
La solution la plus efficace consiste à envoyer dans toutes la Galaxie des sondes dites de "Von Neumann". Ce sont des vaisseaux spatiaux intelligents, moitié sondes d'exploration moitié robots conçus pour explorer les système stellaires et capables de fabriquer des usines qui reproduiraient des copies d'eux-elles par milliers. Chaque sonde repartirait ensuite explorer d'autres systèmes stellaires et chacune nous signalerait tous les mondes propices à la vie. Cette technologie peut être plus ou moins sophistiquée, utilisant soit des sondes spatiales similaires à nos sondes d'exploration actuelles, soit des nanosondes ou des hybrides biomécaniques équipés de haute-technologie.
Pendant que ce catalogue sera en cours d'élaboration, les premiers vaisseaux interstellaires habités pourront s'envoler à la conquête des exoplanètes habitables les plus proches. En quelques centaines de milliers d'années ce sont des trillions de sondes de Von Neumann qui exploreront ainsi toute la Voie Lactée à une vitesse qui atteindra finalement une fraction de celle de la lumière.
On a calculé qu'en l'espace d'un demi-million à quelques dizaines de millions d'années nous aurons atteint l'extrémité de la Voie Lactée et la population ne fera que croître. Nous pourrons faire le saut vers la galaxie d'Andromède ou M33 et nous disséminer à travers tout l'Univers. Mais un jour ou l'autre le taux de croissance de la population devra être réduit d'un facteur 10 ou 100. Cette stagnation de la population est inévitable, quelle que soit l'extension des colonies. C'est une question de temps bien sûr, mais aussi socio-économique.
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De nos jours sur Terre, en fonction de l’importance que l’on accorde à l’alimentation du bétail, les économistes et les démographes ont calculé que notre planète pouvait alimenter entre 3 et 40 milliards d’individus, sachant que 90% des ressources que l’on donne à un maillon de la chaîne alimentaire, au bétail en l’occurrence, est à jamais perdu.
Pour vivre, nous devons cultiver, exploiter le sol, nourrir le bétail, faire des réserves. Si notre consommation s'accélère, au bout d'un certain temps les stocks se réduiront à une peau de chagrin. A ce moment là de deux choses l'une : soit la prospection de nouvelles ressources sera encouragée soit ce sera le scénario catastrophe[16]. Mais la recherche d'une ressource est liée au développement des sciences et des techniques. Si les problèmes démographiques, politiques ou écologiques s'emballent, nos descendants feront comme les sociétés polynésiennes : ils seront condamnés à vivre sur leur îlot galactique alors que le monde regorge d'archipels luxuriants. Cela n'intéressera plus personne d'aller voir là haut ce qui se passe. On critiquera les dépenses énergétiques, le peu de scrupules des gouvernements et on posera la question de la croissance démographique.
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Il est donc impératif de discuter des ressources d'énergie et de la politique scientifique pour toutes ces raisons. Si la croissance des populations est contrôlée ou si notre technologie le permet, la curiosité incitera nos descendants à explorer les galaxies.
En conclusion, la colonisation de l'univers comme finalité perd son sens. Doublement quand on sait que le milieu galactique est très hostile et qu'il est hasardeux de s'y aventurer. On ne peut pas non plus toujours vivre en autarcie, isolé dans un vaisseau spatial. Quelques hommes s'y risqueront malgré tout, tout comme il y a trois millions d'années, Lucy explora la vallée voisine de son berceau. Jetant un oeil au ciel, elle n'imaginait pas qu'un jour ses petits enfants lui feraient un signe d'entre les nuages.
Faites de beaux rêves...
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[13] Concernant l’évolution des ordinateurs, lire IEEE Computer, nov. 1989. Consulter également les sites Histoire de l'informatique et Comment Ca Marche. [14] En 1978, le physicien américain Peter J.Vajk passionné par le problème de colonisation spatiale avait prédit que le prix du kilo mis en orbite puis rapatrié au sol à bord d’une navette spatiale reviendrait à 700 dollars… L’état de l’économie américaine a réévalué ce prix à la hausse ! Toutes les études de prospectives se sont toujours trompées; trop de facteurs dynamiques modifient les données de départ. [15] Valeurs adaptées des rapports de l’International Space University corrigés par Thomas O.Paine, ancien administrateur de la NASA et de E.M.Carus-Wilson eds, “Essays in Economic History”, vol.2, Edward Arnold, London, 1962. [16] Lire à ce sujet les oeuvres des économistes Malthus, S.Cole, G.0'Neill ou les rapports du Cercle de Rome. |
Les contraintes de la vie dans l'espace (II)
Il fut une époque où les ingénieurs de la NASA, épaulés par les présidents Kennedy, Eisenhower puis Nixon, pensaient que le temps était venu pour coloniser l'espace proche. Beaucoup de travaux ont été réalisés dans ce sens mais aucun d'eux n'a abouti faute d'une stratégie à long terme et de financements. Il est toutefois intéressant d'étudier ce passionnant sujet pour comprendre combien cette démarche est complexe tout en étant prometteuse, bien que parfois les projets soient peu réalistes voire chimériques.
Selon les projets les plus avancés de W.von Braun, R.Bussard, G.San ou G.O’Neill, la première étape de cette colonisation sera la mise en orbite à proximité du Soleil d’immenses plates-formes habitables capables d’accueillir de quelques centaines à plusieurs millions d'âmes. Ces stations orbitales auront probablement une forme cylindrique, plus facile à protéger des rayonnements nocifs qu'une station en forme de roue. Leur dimension sera comprise entre cent mètres et plusieurs kilomètres d'envergure.
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Jusqu'au programme Apollo il était très difficile de se faire une idée objective de l'aspect que pourrait avoir une colonie spatiale. Les artistes étaient plus préoccupés par l'aspect artistique et pratique de leur invention que par son aspect financier ou sa conception même. Si les colonies spatiales dessinées par Rick Guidice, les scénaristes de films ou les artistes du Ames Research Center de la NASA présentent un quelconque intérêt, c'est principalement pour les solutions originales qu'ils ont apporté à la survie en milieu clos et aux problèmes d'écologie, la distribution des compétences techniques, les loisirs, la structure porteuse, les modes de fonctionnement et bien sûr sur l'esthétique de ces cités du futur. La plupart des concepts sont basés sur l'ouvrage "High Frontier" de Gerard O'Neill[6] disponible auprès du Space Studies Institute, l'institut sans but lucratif qu'il fonda dans les années 1960.
Il ne sera pas question d'être claustrophobe où d'avoir le mal de l'espace dans ces habitats d’un nouveau type. Les missions spatiales soviétiques et américaines de longues durées ont déjà permis de bien comprendre les mécanismes qui provoquent ces symptômes. L'apesanteur qui règne dans un vaisseau spatial est un obstacle à notre développement et nous n'y sommes pas préparé tant biologiquement que physiologiquement parlant.
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Si l’état d’apesanteur fait rêver, il faut savoir qu’il provoque une décalcification osseuse, une perte de poids, une atrophie musculaire et un excès de sang dans le cerveau. On sait aussi que le fonctionnement de l'hypophyse qui assure la production des hormones de croissance doit être régulier. En apesanteur les cosmonautes souffrent également de déshydratation et leur système immunitaire s'affaiblit. A l'heure actuelle les cosmonautes effectuant des vols de plusieurs mois passent la moitié de leur journée à faire des exercices musculaires afin de compenser tous ces effets négatifs. Si cela est envisageable pour une petite équipe d'hommes, pour plusieurs centaines de cosmonautes il faudra prévoir un système de gravité similaire à celui de la Terre.
Se greffe sur ces problèmes celui plus préoccupant des radiations. Toute activité en dehors de l'enceinte protectrice de la colonie signifie une exposition directe aux rayonnements corpusculaires solaires et aux rayons cosmiques. Nou savons que les éléments lourds (protons ou ions) peuvent endommager les chaînes d'ADN et sont à l'origine de mutations génétiques pouvant évoluer en cancer. Les ingénieurs et les médecins doivent donc considérer très sérieusement ce problème si nous envisageons travailler dans le vide de l'espace ou même sur une colonie implantée sur la Lune ou sur Mars.
A l'heure actuelle nous connaissons les effets de ces rayonnements sur l'organisme, nous savons comment les arrêter mais les chercheurs constatent que si certaines cellules mutantes deviennent malignes, d'autres ne développent pas de cancer. La réaction des cellules est souvent inattendue. On ignore en fait comment et pourquoi un cancer se déclenche. Une voie de recherche consiste actuellement à traiter directement les gènes. Si nous savions sous quelles conditions se développe un cancer, nous pourrions mieux protéger les travailleurs et les touristes de l'espace.
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Le jour ou l'espace proche, la Lune ou Mars deviendra un lieu de vie pour quelques centaines ou milliers de personnes, dans ces colonies la vie devra autant que possible être proche des conditions terrestres. Dans un premier temps, l’environnement sera similaire à celui que l’on connaît déjà dans les stations de recherche en milieux extrêmes, offshores ou polaires. Ensuite un environnement plus spacieux et un décor plus naturel y seront reproduits avec des moyens économiques.
Beaucoup plus tard, si les colonies spatiales et les hôtels orbitaux voient le jour, les visiteurs et les touristes trouveront là haut des villes de banlieue, une végétation terrestre, éventuellement des cours d'eau et même une petite faune. Des usines préfabriquées auront pour mission de gérer les cultures intensives et l'élevage. La température sera régulée et l'atmosphère sera tout à fait respirable. Le cycle du jour et de la nuit pourra être imité au moyen d'écrans protecteurs qui cacheront la lumière du jour une partie du temps. L'énergie ne manquera pas. Le Soleil est une source inépuisable et les centrales solaires fourniront toute l'énergie de la population[7].
Plusieurs ingénieurs considèrent que les colonies spatiales pourront être construites à partir de la Lune. Des mines pourraient y extraire la matière première, le fer, l'aluminium et les oxydes. L'extraction sera d'autant plus facile que le sous-sol lunaire n'a pas été remué et brassé comme le sont les plaques tectoniques terrestres. Certains composés viendront de la Terre, comme l'hydrogène pour produire de l'eau. D'autres viendront des astéroïdes, en particulier le carbone, l'iridium ou le titane.
Ainsi que le dit O’Neill[8], “vers 2074 plus de 90% de la population humaine pourrait vivre dans des colonies spatiales, disposant virtuellement de ressources illimitées d’énergie propre pour l’usage quotidien, une abondance et une variété de nourriture et de biens, libre de voyager et indépendant des gouvernements supranationaux”.
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Mais son rêve restera malheureusement une fiction pour longtemps. La date butoir de 2074 qu'il s'était fixé sera vraisemblablement repoussée de cent à deux cents ans, faute de moyens et surtout en raison des événements socio-économiques qui frappent la plupart des pays du monde. N'oublions pas par ailleurs notre écosystème qui subit actuellement la plus importante modification climatique depuis un million d'années. Ces problèmes entraveront certainement les rêves constellés d'étoiles de nos promoteurs. La réalité est malheureusement plus... terre-à-terre.
Les voyages interstellaires (III)
Les voyages interstellaires[9] proprement dit, comme ils sont relatés dans les romans de science-fiction et les films à grands spectacles restent encore utopiques. Les principaux problèmes se rapportent au moyen de propulsion, à la protection face aux radiations cosmiques et aux collisions avec les astéroïdes. La protection peut facilement être réalisée au moyen de panneaux de protections épais de quelques centimètres, des canons lasers directionnels et des boucliers de plasma.
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Le mode de propulsion est un moyen plus complexe à maîtriser. Il tout d’abord préciser que le but d’un moteur fusée n’est pas de pousser le vaisseau “contre quelque chose”. Le meilleur rendement d’une fusée se produit dans le vide plutôt que dans l’atmosphère d’une planète. En effet, dans le vide les gaz peuvent être éjectés à grandes vitesses et sans résistance du milieu. En outre le mouvement du vaisseau n’est pas contrecarré par le retard pris par la dynamique des gaz.
Il existe fondamentalement six types de propulsions "classiques", par opposition aux solutions exotiques (trou de ver, etc) :
- La propulsion chimique (à pergol liquide)
- La voile solaire (pression de radiation)
- La propulsion à plasma (électromagnétique ou laser)
- La propulsion électrique (effet hall ou à grille)
- La propulsion nucléaire (thermique ou au moyen de bombes atomiques)
- La propulsion à l'antimatière.
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Documents NASA, Pat Rawlings, Bill Gleason et PSU
En astronautique le rapport poids/poussée reste un problème crucial. Nous savons tous que plus une voiture est lourde pour une certaine puissance, plus son inertie sera difficile à vaincre; les accélérations seront plus lentes et sa vitesse de croisière sera plus difficile à atteindre. En astronautique, l’accélération est d’autant plus forte que la vitesse d’éjection de la matière est élevée. Si on songe explorer la Voie Lactée en l’espace de quelques dizaines d’années à une vitesse relativiste, il faut garantir une vitesse de croisière suffisante.
Mais pour garantir cette vitesse de croisière et pouvoir la modifier lors des approches planétaires, deux formules doivent être considérées : l’impulsion ou la poussée spécifique (1) et la quantité d’énergie émise (2).
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La première formule intéresse la logistique car elle détermine la quantité de matière à embarquer. La vitesse d’éjection se trouvant au dénominateur de l’équation (1), plus la vitesse d’éjection est élevée, plus le rendement sera efficace et moins on puisera dans le stock de propergols. Mais l’équation (2) vient tempérer notre ardeur. En effet, à poussée constante, si la vitesse d’éjection de la matière est maximale, la quantité d’énergie émise sera aussi maximale.
Lors d’une manoeuvre, qu’il s’agisse d’un décollage, d’un atterrissage ou d’un changement de cap, l’énergie développée par les moteurs n’est pas totalement emportée par la matière éjectée. Une partie doit être dissipée et il est à craindre qu’au-delà de quelques milliers de degrés, le réacteur nucléaire se consumera...
Une solution consiste à mettre au point des systèmes de confinement constitués de parois de plasma et de conduits magnétiques à supraconducteurs. Seul inconvénient, l’énergie requise pour contrôler ces dispositifs est très importante et nécessite une installation qui, aujourd’hui, reste très volumineuse.
Rapport de masse et vitesse finale
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Nous connaissons les avantages et les désavantages des moteurs chimiques, à pergol liquide depuis avant-guerre. Leur principal défaut est de nécessiter des réservoirs très encombrants s’il s’agit de fusées à étages et un haut niveau de sécurité. Techniquement la poussée spécifique est limitée à une dizaine de minutes, le mélange idéal hydrogène-fluorine n’offrant qu’une poussée spécifique de 528 secondes.
Certains carburants exotiques tel l’hélium métastable permettrait d’augmenter cette poussée d’un facteur 4, mais pas supérieur.
Performances des propulseurs (IV)
Comment fonctionne le moteur d'une fusée ou d'une navette spatiale ? Ce genre de vaissseau pesant extrêment lourd et devant s'extraire de l'attraction terrestre dans une atmosphère dense, il est indispensable de trouver une technologie hybride pouvant à la fois fonctionner dans l'atmosphère et capable de propulser le vaisseau dans le vide.
On pense immédiatement aux réacteurs qui équipent les avions-fusées comme le X-15, le X-43A ou des prototypes de longs-courriers. Mais ils sont inadaptés à un vol de longue durée et leur réservoir sont réduits au stricte nécessaire.
Il faut donc développer une technologie spatiale particulière, ce que toutes les agences ont réussi à maîtriser au bout de quelques années d'essais et d'erreurs.
Les moteurs les plus puissants servent à extraire le vaisseau spatial de l'attraction terrestre. Il s'agit de propulseurs chimiques, à poudre, et ne fonctionnent que quelques minutes, le temps de traverser l'atmosphère. Ils sont ensuites relayés par des moteurs cryogéniques fonctionnant avec de l'hydrogène et de l'oxygène liquide ou de l'hydrazine lorsque le vaisseau atteint l'espace.
L’avantage des moteurs à propulsion chimique est d’avoir un énorme rapport poussée/poids qui est idéal pour arracher une fusée de la surface d’un astre comme la Terre. Malheureusement l’accroissement de la poussée spécifique est limité. Si nous désirons atteindre ne fut-ce que 0.1% de la vitesse de la lumière (300 km/s) nous devons obtenir une poussée spécifique de 30000 secondes. Actuellement nous sommes au mieux 42 fois en-dessous de cette valeur ! Nous devons donc nous orienter vers d’autres carburants.
Fusée à poudre et hydrazine
Aujourd'hui la navette spatiale utilise plusieurs types de carburants et de moteurs en fonction de la phase de vol. Pour s'arracher de la Terre dont l'attraction est relativement forte (9.81 m/s2), la navette doit pouvoir accélérer très rapidement, en d'autres termes disposer d'un maximum de "puissance" en un minimum de temps et maintenir cette poussée durant quelques minutes, le temps d'atteindre l'exosphère. Mais cela nécessite de stocker le carburant à bord du vaissseau ce qui n'est pas toujours possible. Il y a donc un compromis que les ingénieurs doivent trouver entre d'un côté le poids et le volume d'ergols (carburant et comburant) à embarquer et de l'autre la poussée ou l'impulsion recherchée.
A l'heure actuelle le meilleur rapport poussée/poids est assuré par les carburants chimiques (les fusées à poudre ou SRM - solid rocket motor - dont le carburant est constitué d'un mélange de butadiène, d'acide acrylique, de perchlorate d'ammonium, d'aluminium et de nitrate de potassium). Ce mélange offre une impulsion spécifique de l'ordre de 265s, ce qui est plus de 2.5 fois supérieur aux performances de la nitroglycérine. Mais ce carburant occupe énormément de place. Avantage, cette "poudre blanche" est capable d'arracher pratiquement n'importe quel vaisseau à l'attraction terrestre. Ce carburant est utilisé dans les deux fusées d'appoint qui sont attachées au réservoir principal de la navette.
Le gros réservoir extérieur contient de l'hydrogène (LH2) et de l'oxygène liquide (LOX) car ce type d'ergol réduit d'environ mille fois le rapport de masse tout en offrant une vitesse d'éjection presque deux fois supérieur aux carburants chimiques. Cet ergol cryogénique est conduit aux moteurs à raison de 178000 litres d'hydrogène et 64000 litres d'oxygène par minute !
Bien évidemment, comme pour la poudre son inconvénient est sa consommation. A ce taux, au bout de quelques minutes tous les réservoirs extérieurs de la navette sont vides. Inutiles, ils sont abandonnés pour gagner du poids et ils retombent dans l'océan où le tank externe est récupéré puis reconditionné pour un prochain vol.
Propulsée par son impulsion initiale, la navette peut enfin quitter l'atmosphère mais elle subit encore son attraction car elle n'a pas atteint les 9.81 m/s2 nécessaires pour s'affranchir de la force gravitationnelle terrestre.
A consulter sur CAPCOMESPACE : Le Space Transportation System STS
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Lorsque les réservoirs son pratiquement vides et la navette arrivée dans l'espace à près de 28000 km/h (7.8 km/s), les ordinateurs de bord coupent ses moteurs principaux (les moteurs cryogéniques SSME ou Space Shuttle Main Engines) et enclenchent les moteurs à hypergols (les OMS localisés dans les deux grosses "bosses" situées près de la dérive verticale arrière et les RCS situés sur les OMS et de chaque côté de l'Orbiter). Ceux-ci fonctionnent à l'hydrazine, un composant de la famille H2N-NH2, c'est-à-dire du monométhilhydrazine (MMH) ou du diméthilhydrazine asymétrique (UDMH) ou encore un mélange des deux appelé aérozine.
Ce carburant équipait déjà les capsules Apollo, le module lunaire et équipe aujourd'hui les satellites ainsi que la navette pour assurer les petites corrections orbitales. L'hydrazine utilise comme comburant (oxydant) du tetro et peroxyde d'azote (N2O4). Son principal avantage est sa fiabilité : il brûle (ou plutôt détonne) spontanément dès qu'on l'injecte dans la chambre de combustion.
Techniquement ce type de moteur à hypergol est également plus simple à construire car il ne nécessite pas de chambre pressurisée, pas de turbopompe, ni d'allumeur, etc. En revanche, l'hydrazine est corrosif, toxique et même cancérigène... Si vous avez déjà marché sur le tarmac d'un aéroport vous devez certainement vous rappeler son odeur caractéristique.
En principe la charge utile embarquée à bord de la navette est dimensionnée par rapport à l'altitude de la mise en orbite avec un maximum de 104% du taux de puissance nominale, sachant que chaque moteur développe une poussée de 1734803 Newtons (1 N=0.981 Kg) au niveau de la mer mais durant quelques minutes seulement. Globalement, au décollage la navette spatiale développe une poussée globale de 1360 tonnes dont 2x 1315t durant 2m2s pour les fusées à poudre et 3x 170 tonnes durant 8m30s pour les moteurs cryogéniques à hypergol liquide.
En cas d'urgence les moteurs de la navette sont capables de fonctionner à pleine puissance, "full power" ou puissance militaire, ce qui signifie dans le jargon de la NASA à 109% de la puissance nominale !
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Les moteurs du futur
Aujourd'hui les propulseurs électriques (ioniques)[10] sont 5 à 10 fois plus performants que leurs homologues chimiques. Le principe consiste à ioniser un gaz en le chauffant fortement. Les ions sont alors accélérés à grande vitesse par le champ magnétique avant d’être expulsés dans le vide. Ils conviennent dans des environnements gazeux à faible pression et bien sûr dans le vide. Ils ne peuvent donc convenir pour arracher une fusée à l’attraction planétaire ou la faire atterrir. Ce type de moteur équipe actuellement avec succès les nouvelles sondes Deep Space du programme New Millenium de la NASA.
Les propulseurs à plasma, dits lasers, offrent une poussée trois fois supérieure à celle des meilleurs pergols mais nécessitent une puissance considérable. De plus, ils demandent deux impulsions : la première vaporise le propergol tandis que la seconde transforme ce gaz en plasma. Sa dilatation brusque provoque un choc en retour qui exerce une force sur le vaisseau. Mais il convient de l’amortir si l’on veut préserver le bien être de ses occupants.
Quant aux voiles stellaires, elles utilisent la pression de radiation exercée par le Soleil ou les étoiles (flux de protons, leptons, etc) sur un grand film aluminisé déployé dans l’espace. Elles permettraient d’atteindre quelques kilomètres par seconde et de modifier une trajectoire. Elles ne conviendraient que pour l’approche d’un système planétaire à faible vitesse.
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Un autre projet promu à un bel avenir est le RamJet de Robert Bussard, chercheur au Laboratoire scientifique de Los Alamos. Il s’agit d’un vaisseau atteignant 500 m de longueur et muni à l’avant d’une immense parabole magnétique pour collecter la matière interstellaire. Le flux d’ions est ensuite dirigé vers un réaction à fusion qui l’éjecte à grandes vitesses. Bussard calcula qu’un vaisseau d’une masse de 1000 tonnes, rencontrant une densité de protons de l’ordre de 109/m3 et utilisant un moteur à fusion 100% efficace, pourrait accélérer presque indéfiniment à 1 g. D’une vitesse initiale de l’ordre de quelques dizaines de km/s, le RamJet pourrait approcher la vitesse de la lumière en moins d'une année !
A lire : Vasimr, moteur magnétoplasmique à impulsion spécifique variable
Un moteur à plasma fabriqué par Ad Astra Rocket
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La propulsion nucléaire telle qu’elle est présentée dans le film "Deep Impact" de M.Leder sortit en 1998 remonte à une idée qui germa dans l’esprit de Theodore Taylor durant l’âge d’or du nucléaire, en 1958, alors qu’il travaillait lui aussi à Los Alamos. Freeman Dyson sera son coéquipier ainsi que quelques autres ténors.
Baptisé ORION, il s’agissait d’un programme de recherche très sensible qui resta longtemps entre les mains du Département de la Défense américain, puis il fut transféré à l’US Air Force pour finalement revenir à la NASA. Le projet ORION consistait en un vaisseau spatial de 125 m de longueur à propulsion nucléaire. Des explosions nucléaires répétées de bombes à fission devaient donner une impulsion suffisante au vaisseau pour franchir les espaces interstellaires. Mais le principal problème était le stockage du combustible, l’amortissement des chocs et le risque potentiel qu’encourait l’équipage; une erreur et c’était Hiroshima !
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Techniquement parlant ORION devait produire une poussée spécifique de l’ordre de 2 à 6000 secondes avec une évolution possible au fil des générations jusqu’à 20000 secondes. Chaque impulsion nucléaire devait produire une énergie de 0.01 à 10 kT et devait se répéter toutes les 1 à 10 secondes.
Le projet bien que très ambitieux resta marginal. Il coûta 11 millions de dollars (de 1965) et occupa 40 personnes à temps-plein durant 7 ans. Mais il fut abandonné par manque d’intérêt des politiques, de la forte compétition qu’offrait les fusées conventionnelles et surtout par la signature en 1963 du moratoire international qui interdisait les explosion nucléaires dans l’espace pour la sécurité des missions spatiales. Aujourd’hui ORION repose au Musée américain Smithsonian de l’Air et de l’Espace. Selon Taylor, ce projet a vécu : “nous avons beaucoup mieux qu’ORION” disait-il à un journaliste en pensant à la propulsion électrique des sondes Deep Space.
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Si l’explosion de bombes dans l’espace est bannie, la fusion contrôlée est une autre solution pour effectuer les approches planétaires à vitesse réduite, en utilisant les propulseurs ioniques puis chimiques. C’est la solution adoptée pour le projet de vaisseau spatial Daedalus imaginé par Alan Bond[11], ingénieur chez Rolls-Royce, et ses collègues de la British Interplanetary Society dans les années 1970. Daedalus est propulsé par de l’hélium-3 qui, par fusion nucléaire, pourrait produire une poussée spécifique de 106 secondes, une énergie nécessaire pour propulser le vaisseau de 54000 tonnes vers l’étoile de Barnard à 12% de la vitesse de la lumière. Mais le projet ne vit jamais le jour. Seule consolation, en 1988 des ingénieurs et des étudiants du MIT construisirent un petit Daedalus de 35 kg, mais il ne s’envola jamais.
La propulsion à l'antimatière
Pour atteindre une vitesse voisine de celle de la lumière, le vaisseau doit disposer d’une poussée spécifique aussi grande que possible, de l’ordre de 3x107 secondes. La propulsion à l'antimatière permet de l’obtenir en annihilant des micros grains de matière et d’antimatière. Selon le physicien Robert L.Forward[12] qui travailla sur cette idée, près de la moitié de l’énergie d’annihilation pourrait être transférée à la propulsion. Quand on se rappelle l'énergie que peut dégager une bombe atomique par simple fission ou fusion nucléaire, on peut imaginer la puissance de cet type de propulsion.
La réaction produit des rayons gamma qui se déplacent à la vitesse de la lumière. Correctement canalisés par des conduits à supraconducteurs, le vaisseau pourrait ainsi naviguer à travers l’univers à une vitesse voisine de celle de la lumière.
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Seuls désavantages, aujourd’hui la production d’antimatière, des antiprotons par exemple, coûte énormément d’argent - plusieurs milliards de dollars pour un milligramme -, un système de confinement très complexe et beaucoup d’énergie. Avantage, ce type de propulsion produit 1000 fois plus d’énergie que la fission nucléaire et 100 fois plus que les réacteurs à fusion. 10 milligrammes d’antiprotons pourraient ainsi remplacer l’énergie produite par 200 tonnes de carburant liquide (1.8 x1012 J). Mais nous sommes encore loin du temps où nous pourrons réserver notre ticket dans une boutique de la NASA pour un vol à l'antimatière vers la nébuleuse de la Lagune !
Document PSU
Les voyages interstellaires (V)
Mais on peut rêver... tout en gardant les pieds sur terre. Si les moyens de propulsions semblent promus à un bel avenir, le coût, l’encombrement et les performances des composants électroniques suivent la même évolution : les prix diminuent de moitié tous les 2 ans selon la loi de Moore et une tendance, militaire, voudrait que cela diminue ainsi chaque année. Ainsi, dans les années 1960, un mégabyte de mémoire coûtait 1 million de dollars. Au tournant de l'an 2000 il coûtait moins de 20 $ et aujourd'hui ca ne se vend même plus car pour ce prix on vous offre... 10 GB de mémoire ![13]
Les mémoires des ordinateurs doublent de capacité tous les 18 mois tandis que le poids de l’électronique embarquée a chuté d’un facteur 10 en l’espace de 30 ans. Un ordinateur des années 1960 tient à présent à l’aise dans le processeur d’un ordinateur domestique. Une carte de processeurs fabriquée aujourd'hui est aussi puissante que les plus gros ordinateurs construit voici 10 ans.
Sur ces prouesses technologiques se greffe le prix des charges utiles. En l'an 2000, la mise en orbite de transfert géostationnaire d’un kilo coûtait entre 12 et 30000$[14]. Même avec de nouveaux lanceurs plus performants et moins chers, ce prix peut encore difficilement tomber sous les 10000$; l’espace se vend à prix d’or ! Tous ces facteurs contribuent à rendre l’exploration spatiale très coûteuse. En revanche, ils incitent les constructeurs à mettre au point des techniques toujours plus performantes et d’un poids plus faible à budget constant. A titre de comparaison, le coût de la seconde d’observation au télescope du CfA d’Hawaii revient à moins d'un euro.
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Toutes ces considérations permettent déjà d’estimer la masse d’un vaisseau voulant explorer le centre de la Galaxie. Ainsi que nous l’avons vu, Daedalus, qui permettrait d’atteindre le centre de la Voie Lactée en une quarantaine d’années pèse 54000 tonnes dont 450 sont consacrées aux moyens de survie individuels (nourriture, eau, etc). Les projets les plus ambitieux envisagent de construire en orbite des vaisseaux interstellaires pesant 1040 tonnes, poids nécessaire pour effectuer une exploration de la Voie Lactée à vitesse relativiste compatible avec l’espérance de vie humaine !
Il y a enfin les projets démesurés de G.San qui imagine des colonies spatiales de 20 km de longueur et 12 km de diamètre capables de traverser la Voie Lactée à 900 km/s...
A n’en pas douter, si la colonisation de l'espace devient une priorité, d'ici quelques centaines à un bon millier d'années compte-tenu des problèmes techniques à surmonter, nous maîtriserons le vol relativiste. Il est probable que nous aurons en même temps solutionné ses difficultés, en particulier les problèmes de la propulsion et du vol en état d’hibernation.
Si l’on en croit les modèles théoriques que nous venons de citer, le premier saut en-dehors du système solaire devrait se réaliser aux alentours de 2100 dans le cadre d’un projet similaire à Daedalus. Dès que les vaisseaux et les systèmes de propulsion seront au point, les premiers colons iront explorer la Galaxie. Cette vague d’émigration devrait commencer vers 2260. Ce jour là les vols relativistes devront être maîtrisés.
Si on évalue les difficultés qui devront être surmontées pour franchir ce seuil technologique (car il faut tenir compte des contraintes imposées par la théorie de la relativité), ces dates paraissent bien optimistes voire carrément surréalistes. Quelques millénaires de plus sont certainement à prévoir pour mener à bien un projet aussi ambitieux qu'une colonisation de la Galaxie.
Car non seulement le vol relativiste impose ses propres contraintes (problème de transformation de l'énergie, masse embarquée, problèmes de cryogénie, de sécurité, etc) mais il faut également tenir compte des problèmes socio-économiques et politiques face auxquels de tels programmes sont très vulnérables. On ne pourra jamais investir des milliards de dollars ou d'euros dans un programme spatial si la moitié du monde est en guerre ou crêve de faim.
En revanche, il est possible qu'un consortium de grandes sociétés privées déjà impliquées dans les voyages touristiques circumterrestres ou l'exploration lunaire prennent la relève dans le cadre de mission plus modestes.
En attendant, la Lune, Mars et, si le budget le permet, certains astéroïdes et quelques lunes de Jupiter ou Saturne seront habitées. Le grand saut sera pour beaucoup plus tard. Cela étant, le jour venu les voyages sidéraux dureront des centaines d’années et les générations se succéderont sans connaître la chaleur d’une planète réchauffée par une étoile. Les explorateurs perdront le souvenir de leurs racines terrestres et le plaisir d’un gentil foyer.
Mais un jour futur, leur vaisseau-mère et sa flottille d’explorateurs accosteront en douceur dans les parages d’un îlot de verdure et décidés à conquérir leur Terre promise, ils coloniseront un nouveau monde et fonderont là-bas une nouvelle civilisation.
Equilibre ou expansion ?
Une sonde de Von Neumann de la taille d'un vaisseau spatial. Document Charles Ofria. |
La colonisation de la Galaxie n'est pas une fin en soi. Il est probable que nos problèmes démographiques se retrouveront sur d'autres planètes à une échelle décuplée. Nous ne pourrons jamais conserver notre espace vital si la population s'accroît ne fut-ce que linéairement. Nous devrons toujours trouver de nouvelles planètes à coloniser. Pour cela nous devons tout d'abord trouver des planètes habitables.
La solution la plus efficace consiste à envoyer dans toutes la Galaxie des sondes dites de "Von Neumann". Ce sont des vaisseaux spatiaux intelligents, moitié sondes d'exploration moitié robots conçus pour explorer les système stellaires et capables de fabriquer des usines qui reproduiraient des copies d'eux-elles par milliers. Chaque sonde repartirait ensuite explorer d'autres systèmes stellaires et chacune nous signalerait tous les mondes propices à la vie. Cette technologie peut être plus ou moins sophistiquée, utilisant soit des sondes spatiales similaires à nos sondes d'exploration actuelles, soit des nanosondes ou des hybrides biomécaniques équipés de haute-technologie.
Pendant que ce catalogue sera en cours d'élaboration, les premiers vaisseaux interstellaires habités pourront s'envoler à la conquête des exoplanètes habitables les plus proches. En quelques centaines de milliers d'années ce sont des trillions de sondes de Von Neumann qui exploreront ainsi toute la Voie Lactée à une vitesse qui atteindra finalement une fraction de celle de la lumière.
On a calculé qu'en l'espace d'un demi-million à quelques dizaines de millions d'années nous aurons atteint l'extrémité de la Voie Lactée et la population ne fera que croître. Nous pourrons faire le saut vers la galaxie d'Andromède ou M33 et nous disséminer à travers tout l'Univers. Mais un jour ou l'autre le taux de croissance de la population devra être réduit d'un facteur 10 ou 100. Cette stagnation de la population est inévitable, quelle que soit l'extension des colonies. C'est une question de temps bien sûr, mais aussi socio-économique.
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De nos jours sur Terre, en fonction de l’importance que l’on accorde à l’alimentation du bétail, les économistes et les démographes ont calculé que notre planète pouvait alimenter entre 3 et 40 milliards d’individus, sachant que 90% des ressources que l’on donne à un maillon de la chaîne alimentaire, au bétail en l’occurrence, est à jamais perdu.
Pour vivre, nous devons cultiver, exploiter le sol, nourrir le bétail, faire des réserves. Si notre consommation s'accélère, au bout d'un certain temps les stocks se réduiront à une peau de chagrin. A ce moment là de deux choses l'une : soit la prospection de nouvelles ressources sera encouragée soit ce sera le scénario catastrophe[16]. Mais la recherche d'une ressource est liée au développement des sciences et des techniques. Si les problèmes démographiques, politiques ou écologiques s'emballent, nos descendants feront comme les sociétés polynésiennes : ils seront condamnés à vivre sur leur îlot galactique alors que le monde regorge d'archipels luxuriants. Cela n'intéressera plus personne d'aller voir là haut ce qui se passe. On critiquera les dépenses énergétiques, le peu de scrupules des gouvernements et on posera la question de la croissance démographique.
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Il est donc impératif de discuter des ressources d'énergie et de la politique scientifique pour toutes ces raisons. Si la croissance des populations est contrôlée ou si notre technologie le permet, la curiosité incitera nos descendants à explorer les galaxies.
En conclusion, la colonisation de l'univers comme finalité perd son sens. Doublement quand on sait que le milieu galactique est très hostile et qu'il est hasardeux de s'y aventurer. On ne peut pas non plus toujours vivre en autarcie, isolé dans un vaisseau spatial. Quelques hommes s'y risqueront malgré tout, tout comme il y a trois millions d'années, Lucy explora la vallée voisine de son berceau. Jetant un oeil au ciel, elle n'imaginait pas qu'un jour ses petits enfants lui feraient un signe d'entre les nuages.
Faites de beaux rêves...
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