FDLS2004 : Exoplanètes telluriques et forme de vie

 

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FDLS2004 : Exoplanètes telluriques et forme de vie

Par Rémy Decourt, Flashespace

Si dès le début des années soixante-dix quelques scientifiques se sont intéressés à la problématique de la vie dans l'Univers, ce n'est qu'avec la découverte des premières planètes extrasolaires que l'on a sérieusement commencé à se pencher sur la probabilité de découvrir des mondes au-delà de notre Système Solaire abritant ou offrant les conditions propices à l'émergence d'une forme de vie, aussi insignifiantes soient-elles.

Aucune vie n'étant possible sur les étoiles, il était ainsi nécessaire de prouver que des planètes existent ailleurs dans l'Univers pour ne plus exclure d'emblée que des formes de vie ne puissent s'y être développées. La première fut détectée en octobre 1995 quand Michel Mayor et son équipe du Département d'Astronomie de l'Université de Genève ont découvert une planète évoluant autour de l'étoile 51 Pegasus.

 Aujourd'hui, plus de 130 objets de ce type ont été recensés un peu partout dans la Galaxie. Toutefois, aucune de ces planètes n'évolue à l'intérieur d'un système planétaire similaire à notre Système Solaire, ce qui pose un autre problème. D'aucuns se demandent si nous ne sommes pas une singularité ! Autre inconvénient pour les scientifiques, les exoplanètes détectées ressemblent plus à des naines brunes qu'à des planètes à proprement parler et évoluent près de leur étoile. C'est-à-dire des objets similaires à Jupiter mais beaucoup plus massifs où toute forme de vie est impossible, du moins sous la forme que nous la concevons, car une surface solide est nécessaire pour qu'elle puisse se développer.

Mais les scientifiques supposent qu'autour de ces planètes tournent vraisemblablement un ou plusieurs satellites, et par analogie avec le Système Solaire, on peut penser que ces petites lunes sont susceptibles d'offrir des niches biologiques à la vie. L'exploration du Système Solaire a montré que des lunes sont susceptibles d'abriter ou d'avoir abrité la vie comme Europe ou favoriser l'émergence d'une chimie organique complexe à l'échelle planétaire comme sur Titan. Et n'oublions pas les objets ayant pu participer à la chimie prébiotique de la Terre primitive comme les comètes. Bref, l'on peut raisonnablement penser qu'il existe d'autres Terres ou d'autres Titan ailleurs que dans le Système Solaire.

Bien que nos possibilités de recherches en dehors du Système Solaire soient somme toutes assez limitées, les scientifiques visent deux objectifs. D'abord, détecter de petites planètes telluriques orbitant dans la zone d'habitabilité de leur étoile. Autour de chaque étoile, il existe théoriquement une zone où les conditions physiques (température en particulier) sont compatibles avec l'existence de vie, du moins telle que nous la connaissons. Ensuite, situer dans cette zone une ou des planètes dont la température soit suffisamment élevée pour que l'eau puisse exister à l'état liquide à leur surface, mais également suffisamment basse pour que la planète ne soit pas une fournaise. La position de cette zone d'habitabilité, ainsi que son extension, dépendent fortement des caractéristiques de l'étoile centrale (masse, température de surface, dimensions).

Pour cela l'Agence spatiale européenne la NASA et le CNES développent plusieurs missions aux concepts novateurs et audacieux pour découvrir des planètes telluriques dans un premier temps et, dans la mesure du possible tentent de déterminer si elles sont habitables, voire habitées.

Pour cela, il faudra rechercher les signatures spectrales de la vie. On essayera de caractériser la composition de son atmosphère par spectroscopie infrarouge en détectant des traces de CO2, ce qui doit révéler l'existence d'une atmosphère. Les autres éléments découverts renseigneront alors sur le niveau biologie de la planète en question. Ainsi la présence H2O et de O3 indique une habitabilité de type terrestre, de CH4 + O2 indiquerait un équilibre chimique, qui peut être un indice de présence de vie biologie.

Pourquoi il est important de s'investir dans la recherche des planètes extrasolaires

Bien que toute science et recherche ait ses détracteurs, il nous semble important de consacrer des moyens à la recherche d'autres planètes situées au-delà du Système Solaire. Cette science, qui fait partie de l'exobiologie représente de fait un pan nouveau pour l'astronomie du 21ème siècle et intéresse plusieurs disciplines telles que la planétologie, l'astrophysique stellaire et la physique de la matière dense.


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La découverte en grand nombre de ces planètes va vraisemblablement nous faire prendre conscience que nous ne sommes pas une singularité dans l'Univers. Elle va surtout permettre aux scientifiques de mieux comprendre les processus de formation de ces objets à l'intérieur des disques de poussières et de gaz autour des étoiles récemment formées.

Notons que leur présence en abondance peut être une des explications de la matière noire, cette fameuse masse dont nous ignorons la nature, vraisemblablement différente de la matière ordinaire. Toutefois, ces planètes extrasolaires ne représenteraient au plus qu'un faible pourcentage de la masse manquante. Or, l'on sait que plus de 90 % de la masse totale de l'Univers est invisible mais aussi inconnue des astronomes. Elle serait constituée d'une matière invisible qui n'est perceptible que par son influence gravitationnelle sur la matière visible.

Parmi les autres objectifs, citons l'objectif exobiologique qui vise à découvrir si l'apparition de la vie est une fatalité lorsque les conditions de gravitation, température et humidité sont réunies, ou si c'est une exception.

Enfin, au-delà des aspects philosophiques et religieux, cette traque de planètes similaires à notre bonne vieille Terre enflamme notre imaginaire au car elle peut nous amener à répondre à cette question : Sommes seuls dans l'Univers ?

 

L'interview de Jean Schneider (octobre 2004)
   
 

Jean Scheinder, chercheur à l'Observatoire de Paris et membre du Laboratoire de l'Univers et de ses Théories (LUTH) répond à nos questions.

Il est également le responsable de l'Encyclopédie des Planètes Extrasolaires, un site web sur l'actualité des exoplanètes découvertes.

Jean Scheinder, chercheur à l'Observatoire de Paris


Flashespace
Concrètement, quand pourra-t-on détecter une planète tellurique très semblable à la Terre ?

Jean Schneider
En 2007, avec l'observatoire spatial du CNES Corot. Cet instrument sera capable de détecter des planètes telluriques très proches de leur étoile à des distances plus courtes que l'orbite de Mercure autour du Soleil. Cela s'explique par le fait qu'il est plus facile de détecter de petits objets à proximité de leur étoile que, par exemple, dans la zone d'habitabilité plus éloignée.

Son lancement est prévu en 2006 au moyen d'une fusée russe Soyouz. Il s'agit d'une mission à deux objectifs : étudier la structure interne des étoiles et rechercher les planètes extrasolaires autour des plus proches d'entre elles.

Flashespace
Justement, cette zone d'habitabilité est-t-elle clairement "identifiable" ?

Jean Schneider
Oui, par le passé nous avons déjà détecté des planètes orbitant à l'intérieur de cette zone autour de leur étoile parent. Il s'agissait de corps de type jovien, c'est-à-dire des planètes gazeuses bien plus massives que Jupiter.

Flashespace
A partir de là, seront-nous capables de détecter une forme de vie sur une planète tellurique orbitant dans cette zone ?

Jean Schneider
En théorie oui, en utilisant la technique de l'analyse de la signature spectrale de l'exoplanète observée. Par exemple, une preuve de vie exoplanétaire est attendue via l'étude spectrale IR, sensible à la présence d'ozone, liée à la présence d'oxygène, et donc à une chimie particulière qui est au moins dans un cas connu propice à la vie.

Flashespace
Le Système Solaire est-il une singularité dans l'Univers ?

Jean Schneider
On ne sait pas. Il est bien trop tôt pour trancher sur la question. Ce n'est pas parce que nous ne détectons pas de système solaire similaire au nôtre que nous pouvons affirmer que nous sommes uniques. Nos moyens de détection et d'observation, tant spatiaux que terrestres, ne sont pas suffisamment puissants pour 'voir' de tels systèmes solaires.

Flashespace
Merci pour vos réponses et votre éclairage sur ce sujet passionant.

 

Les missions dédiées aux exoplanètes
   
  L'Agence spatiale européenne, la NASA (PlanetQuest) et le CNES développent plusieurs missions aux concepts novateurs et audacieux pour découvrir des planètes telluriques dans un premier temps et déterminer si elles sont habitables, voire habitées.

Premier lancement en 2005.

 
Mission Lancement Opérateur
     
COROT

2006 / Rockot

CNES

Kepler

2006 / Delta II

NASA

Darwin

2014 / Ariane 5 ESA
Terrestrial Planet Finder TPF-C 2014
TPF-I 2020
NASA

  COROT

En collaboration avec le CNES, l'ESA participe à la mission Corot (2006), un petit télescope spatial conçu pour la détection et l'étude des vibrations des étoiles (Sismologie stellaire) et la recherche des planètes extrasolaires en particulier les planètes telluriques.

Le lancement de cette mission ambitieuse est en principe prévu en 2005 sur une fusée Rockot pour fonctionner au moins trois ans sur une orbite polaireCorot (2005 / Rockot) à 850 km d'altitude. Ce télescope spatial équipé de quatre détecteurs CCD récoltera des informations inédites sur le fonctionnement interne des étoiles et détectera, peut-être, des planètes telluriques gravitant autour de ces astres en mesurant la fluctuation d'intensité lumineuse reçue.

Corot doit ausculter la structure interne des étoiles, jusqu'à présent mal connue, grâce à la mesure de leurs oscillations. En effet, on sait que les astres vibrent tels des instruments de musique, et que la fréquence de ces vibrations recèle des indications sur leurs caractéristiques internes : instabilité hydrodynamique, mélange, rotation différentielle etc.

Parallèlement, l'observatoire spatial doit examiner les uns après les autres des champs de plusieurs milliers d'étoiles, à la recherche d'exoplanètes. Si plus d'une centaine de ces objets ont été détectés ces dernières années, il s'agit exclusivement de planètes géantes gazeuses, au moins de la masse de Jupiter ou de Saturne, voire plus. Les scientifiques souhaitent cette fois découvrir des petites planètes de type terrestre, recouvertes d'une croûte, et d'une masse maximale de deux fois et demie celle la Terre. Ces planètes seraient susceptibles d'abriter de l'eau sous forme liquide, et d'être ainsi potentiellement habitables.

Avec plus de 30 000 étoiles dans la ligne de mire de Corot, la découverte de quelques dizaines d'exoplanètes est probable. Une ou deux d'entre elles pourraient être telluriques, et présenter ainsi des indices d'activité biologique.
  Kepler

Kepler a été retenu comme mission du programme Discovery de la NASA. Il s'agit d'un télescope spatial spécialement conçu pour la détection de planètes extrasolaires de la taille de la Terre évoluant autour des étoiles les plus proches dans notre Voie Lactée. Avec Kepler, les scientifiques souhaitent observer près de 100000 étoiles au cours des quatre années de la mission. Ils s'attendent à détecter 500 planètes de type terrestre et jusqu'à 1000 planètes de type jovien.

Quand une planète passe devant son étoileKepler (2006 / Delta II), elle bloque une petite fraction de la lumière émise par l'astre. Si, cet 'assombrissement' est provoqué par une planète extrasolaire, de tels transits sont récurrents et Kepler sera en mesure de détecter et confirmer l'existence de cette planète. En mesurant 'sa' signature, les scientifiques seront en mesure de déterminer la taille et l'orbite de la planète.

Le lancement de Kepler est prévu en octobre 2007 au moyen d'une fusée Delta II. Le télescope doit fonctionner au moins 4 années, les responsables de la mission ayant d'ores et déjà proposés et présentés un plan pour poursuivre l'activité opérationnelle de Kepler 2 années supplémentaires.

Le Porgramme Discovery

Le programme Discovery de la NASA permet aux scientifiques d'envisager toutes sortes de missions ou de moyens novateurs susceptibles d'approfondir nos connaissances du Système Solaire et/ou aptes à résoudre les énigmes qui résistent aux moyens d'investigation traditionnels comme les observatoires terrestres. Les missions qui s'inscrivent dans ce programme sont à faibles coûts et mettent en œuvre des technologies nouvelles, voire innovantes.

Aujourd'hui, dix missions s'inscrivent dans le programme Discovery. Mars Pathfinder, Near, Lunar Prospector ont brillamment accompli leur tâche tandis que Stardust, Genesis, Deep Impact et Messenger sont en activité. Enfin, Dawn et Kepler sont en cours de développement et seul un échec est à déplorer. La sonde Contour qui n'a pas réussi à quitter l'orbite terrestre à la poursuite de la comète Encke.
  Darwin

Il s'agit de la mission européenne la plus ambitieuse jamais conçue par l'ESA pour découvrir des planètes comparables à la Terre. La mission est si innovante que l'Agence doit auparavant maîtriser et valider certaines technologies en orbite. Pour cela elle développe le second démonstrateur technologique du programme Smart qui sera lancé en 2006. LISA Pathfinder (Smart-2) prévu en 2006 testera le concept d'interférométrie spatiale, technologie nécessaire à Darwin.

Darwin est une flottille de huit véhicules spatiaux conçus pour découvrir des planètes comparables à la Terre et analyser leurs atmosphères afin d'y déceler éventuellement la signature chimique de la vie. Sur ces huit véhicules, six emporteront des télescopes d'au moins 1,5 m de diamètre. Le septième combinera la lumière provenant des six premiers et simulera un miroir aux dimensions beaucoup plus grandes que celles d'un simple télescope. Le huitième communiquera avec la Terre et le reste de la flottille.

Son lancement est prévu peu après 2014 au moyen d'une fusée Ariane 5 qui doit placer la flottille sur une orbite la menant autour du point de Lagrange L2. Il faudra environ 5 années aux engins pour rejoindre leur position orbitale. Les premières données sont donc attendues vers 2020. Darwin doit fonctionner au moins 5 ans.

LISA Pathfinder

LISA Pathfinder, est conçu pour éprouver et valider les technologies de pointe requises essentiellement pour la mission LISA, une mission particulièrement complexe prévue en 2012 ou 2013, mais également à Darwin. LISA Pathfinder se composera d'un seul satellite emportant deux masses maintenues librement en apesanteur à l'intérieur du satellite ainsi qu'un système de mesure de distance par laser pour surveiller le mouvement des masses. Il embarquera également une charge utile fournie par la NASA.

Il sera équipé de petits propulseurs capables de générer des poussées très faibles et donc idéales pour les missions spatiales qui requièrent des trajectoires très précises. Le défi est de positionner le vaisseau spatial avec une précision de l'ordre du nanomètre (milliardième de mètre) par rapport aux masses, afin de démontrer qu'elles suivent des trajectoires purement inertielles, non perturbées par les forces externes.

  Terrestrial Planet Finder
 
La mission TPF de la NASA est également un projet ambitieux qui consiste à placer sur orbite deux engins spatiaux distincts. Un coronographe de recherche planétaire (TPF-C) et un Interféromètre de recherche planétaire (TPF-I).

Les deux engins seront mis à poste par un lanceur lourd. Arianespace et son lanceur Ariane 5 sont sur les rangs pour remporter ce contrat. Le lancement du coronographe n'est pas prévu avant 2014 et l'iinterféromètre vers 2020.

Coronographe de recherche planétaire
(TPF-C, Terrestrial Planet Finder Coronagraph)

Un télescope optique de taille moyenne, semblable au 4 à 6 mètres à l'étude actuellement et devant être lancé aux alentours de 2014. Le coronographe à bord utilisera un disque central et d'autres techniques spécialisées pour arrêter le rayonnement d'une étoile et en observer la périphérie, permettant ainsi la détection et la caractérisation de planètes en orbite autour de l'astre.

Interféromètre de recherche planétaire
(TPF-I, Terrestrial Planet Finder Interferometer)

Ensemble de plusieurs vaisseaux spatiaux emportant des télescopes infrarouges de 3 à 4 mètres et évoluant en formation selon un arrangement précis, devant être lancé avant 2020, dont le projet est conduit en commun avec l'ESA. Le rayonnement infrarouge, ou rayonnement thermique, sera recueilli par les télescopes et combiné selon un procédé appelé l'interférométrie, ce qui permettra de simuler un télescope beaucoup plus grand. L'ensemble sera capable de détecter et d'étudier individuellement des planètes orbitant autour d'une étoile observée par TPF-C, ou d'en découvrir d'autres.

En travaillant de manière coordonnée, ces deux observatoires seront capables de détecter et d'analyser le spectre de planètes extrasolaires orbitant autour de 150 étoiles dans un rayon de 45 années-lumière autour du Soleil. Si ces planètes découvertes évoluent dans la zone d'habitabilité de leur étoile, TPF essayera d'identifier les signatures chimiques de la vie ou d'une activité biologique.
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05/10/2007
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