Colonisation de l'espace - Partie 2
Lois[modifier]
Le traité de l'espace limite déjà l'utilisation de l'espace et des corps célestes à des fins militaires ou l'appropriation des ressources d'une planète[77]. La Lune est par exemple considérée comme res communis.
L'espace et les planètes sont soumis par ce traité au droit international public (article II) alors que les colons sont soumis au droit de la nation propriétaire du vaisseau ou de la base où ils résident (article VIII)[77], comme c'est le cas sur les navires dans les eaux internationales. Le droit de l'espace, régi par l'assemblée générale des Nations unies, règlemente de nombreux aspects de l'exploitation de l'espace et de ses ressources, comme la résolution 47/68 sur les Principes relatifs à l'utilisation de sources d'énergie nucléaire dans l'espace[78], ou portant sur la coopération internationale en matière d'exploration et d'utilisation de l'espace au profit et dans l'intérêt de tous les États[79].
Reproduction[modifier]
La reproduction des humains dans l'espace est encore un sujet tabou pour les agences spatiales, mais il soulève aussi de nombreuses contraintes physiques et biologiques[68] et sera primordial pour la survie au long terme des colonies. La reproduction dans l'espace a déjà été expérimentée de nombreuses fois sur une multitude d'espèces d'insectes, poissons, amphibiens et mammifères avec des succès, mais aussi avec certains échecs qui ont révélé que la pesanteur était un facteur important dans la reproduction.
Par exemple, des expériences ont montré qu'une période de pesanteur 3 heures après la fécondation était nécessaire pour assurer la symétrie bilatérale sur des larves de grenouilles[68]. Des œufs de poulet n'ont pu être fécondés en orbite et des expériences sur des tritons, les Pleurodèle de Waltl, menées en 1996 et 1998 par les spationautes Claudie Haigneré puis Léopold Eyharts à bord de la station Mir lors des missions franco-russes CASSIOPEE puis PEGASE, ont montré l'apparition d'anomalies lors de la fécondation et du développement embryonnaire[68]. Lors d'une expérience soviétique, « 5 rats femelles et 2 mâles sont restés 19 jours en orbite, sans engendrer de naissances après leur retour sur Terre. Mais il n'est pas certain qu'ils aient copulé »[68], la microgravité pouvant gêner l'accouplement dans les positions habituelles aux animaux.
Par contre, le poisson Oryzias latipes s'est reproduit avec succès en 1994[68], avec la naissance de 8 alevins malgré quelques échecs dus à la difficulté des animaux à se positionner lors de l'accouplement. Une gravité artificielle ayant été produite « dans une centrifugeuse à bord de la navette en septembre 1992 », la NASA a pu obtenir « la naissance de 440 têtards parfaitement formés[68] ».
La tentative de concevoir un enfant de manière naturelle a été tentée en 1982 à bord de Saliout 7 par un rapport sexuel entre la cosmonaute Svetlana Savitskaya et un des deux autres occupants masculins de la station, mais aucun enfant n'a été conçu[68]. La possibilité elle-même de pouvoir réaliser un rapport sexuel dans l'espace a d'ailleurs été étudiée officieusement par la NASA qui a toujours dénié les faits lors d'un vol de la navette 1996 selon un scientifique de l'agence qui révélait que l'expérience aurait été un succès[68].
« On constate que 80 % des enfants d'astronautes sont des filles, toutes nations confondues. Et tout aussi curieusement, on peut noter que cette dichotomie se révèle identique pour les enfants des pilotes de chasse, qui attribuent cela au fait qu'ils traversent souvent de puissants faisceaux radar, et que les micro-ondes peuvent avoir un effet létal sur les spermatozoïdes mâles[68] ». S'il était confirmé et sans solution, ce déséquilibre reproductif pourrait tout à la fois favoriser l'expansion des populations spatiales (plus de mères potentielles) et modifier en profondeur leurs structures sociales et familiales : domination démographique et donc politique des femmes, obligation de renoncer à la monogamie...
Taille de la population[modifier]
En 2002, l'anthropologue John H. Moore a estimé qu'une population de 150 à 180 individus autoriserait une reproduction normale pour 60 à 80 générations soit environ 2000 ans[80].
Une population beaucoup plus petite, de deux femmes par exemple, serait viable aussi longtemps que des embryons humains apportés de la Terre seraient disponibles. L'utilisation d'une banque du sperme permettrait également une population initiale plus faible avec une consanguinité négligeable. Quelques problèmes éthiques pourraient néanmoins se poser.
Les chercheurs en biologie ont tendance à adopter la règle du « 50/500 » émise par Franklin et Soulé[81]. Cette règle dit qu'une population de base (Ne) de 50 individus est nécessaire à court terme pour éviter un niveau inacceptable de consanguinité alors qu'à long terme une population Ne de 500 individus est nécessaire pour maintenir une bonne diversité génétique. La recommandation Ne = 50 correspond à une consanguinité de 1 % par génération, ce qui est la moitié du maximum toléré par les éleveurs contemporains d'animaux domestiques. La valeur Ne = 500 essaie d'équilibrer le taux de gain de variation génétique lié aux mutations avec le taux de perte dû à la dérive génétique.
La taille effective de la population Ne dépend du nombre d'hommes Nm et de femmes Nf dans la population selon la formule :
La NASA a estimé qu'une colonie de moins de 100 000 personnes ne pourrait être indépendante et aurait besoin d'un support continuel de la Terre[14].
Autoreproduction des colonies[modifier]
L'autoreproduction est optionnelle mais elle peut permettre un développement beaucoup plus rapide des colonies, tout en éliminant les coûts et la dépendance vis-à-vis de la Terre. Il pourrait même être stipulé que l'établissement d'une telle colonie serait le premier acte d'autoreproduction de la vie terrestre[14].
Des formules intermédiaires incluent des colonies qui ont seulement besoin d'informations de la part de la Terre (science, ingénierie, divertissement, etc.) ou des colonies qui auront seulement besoin de fournitures légères comme des circuits intégrés, des médicaments, de l'ADN ou des outils spécifiques[14].
La création de vaisseaux robots autorépliquants pour accélérer la colonisation a également été évoquée d'un point de vue théorique en réutilisant le constructeur universel de John von Neumann dans le cadre du projet Daedalus[82].
Projets dans le système solaire[modifier]
Stratégie[modifier]
L'emplacement des premières colonies dans le système solaire est un point de controverse fréquent entre les promoteurs de la colonisation de l'espace. Les emplacements de colonies peuvent être sur le sol ou le sous-sol d'une planète, d'un satellite naturel ou d'un astéroïde mais aussi en orbite autour de la Terre, du Soleil, d'un autre objet céleste ou situés à un point de Lagrange. La stratégie d'exploration et de colonisation actuelle est; pour les États-Unis, l'implantation d'une base permanente sur la Lune en vue d'expérimenter de nouveaux systèmes et technologies astronautiques, mais aussi d'utiliser les ressources du satellite naturel de la Terre afin de faciliter l'exploration de Mars par des missions habitées[83],[16], qui serait une première étape. La station spatiale internationale servira à étudier les effets néfastes de longs séjours dans l'espace sur les astronautes et à développer des mesures pour lutter contre ceux-ci. La recherche de planètes extrasolaires habitables est également devenue un objectif officiel. Un des buts déclarés du gouvernement des États-Unis est de rechercher de nouvelles ressources sur d'autres planètes pour faciliter l'exploration du système solaire, mais aussi pour promouvoir ses intérêts scientifiques, sécuritaires et économiques, tout en favorisant la coopération internationale[83]. L'Union européenne[84] et la Russie[85] prévoient la même stratégie, toutes deux privilégiant également la coopération internationale devant les énormes moyens demandés.
Projets en cours ou financés[modifier]
Station spatiale internationale[modifier]
La station spatiale internationale dont la construction a commencé en 1998 permet une présence humaine permanente dans l'espace depuis le 2 novembre 2000, date de la première expédition. Elle est située en orbite terrestre basse à 350 km d'altitude. La construction de la station sera achevée en 2010 et elle sera maintenue en opération au moins jusqu'en 2016. La station qui a un équipage de trois personnes abritera six personnes afin d'utiliser à plein ses capacités de recherche scientifique[86]. La construction est réalisée par une coopération internationale entre 16 nations comprenant les États-Unis, la Russie, le Japon, le Canada, les onze pays européens composant l'ESA et le Brésil. En juin 2008, 163 individus de 16 pays avaient visité la station spatiale, dont 107 de la NASA, 27 de l'Agence spatiale fédérale russe, 12 de l'ESA et 5 touristes spatiaux.
Un des buts principaux de la station est la recherche scientifique en utilisant les conditions spécifiques régnant à son bord, incluant la biologie (recherche médicale et biotechnologies), la physique (mécanique des fluides, science des matériaux, mécanique quantique), l'astronomie (incluant la cosmologie), la météorologie[87],[88] et les nanotechnologies[20]. Au-delà de la recherche programmée, la vie quotidienne à bord de la station a permis d'apprendre beaucoup du quotidien des astronautes dans un tel environnement. Par exemple, l'équipage de la station utilise un temps universel coordonné situé à équidistance entre ses deux centres de contrôle de Houston et Moscou, et crée des nuits artificielles en couvrant les fenêtres de la station, le soleil se levant et se couchant 16 fois par jour[89] ou se repose ou fait des expériences dans la partie la plus silencieuse de la station non prévue à cet effet, le véhicule automatique de transfert européen Jules-Verne[20].
La partie médicale de la recherche concerne en grande partie l'adaptation humaine à l'espace et l'étude des effets d'une absence de gravité prolongée sur le corps humain en vue de futures missions de longue durée[87]. Le projet officiel de la NASA est d'utiliser la station spatiale internationale comme support de ses prochaines missions sur la Lune et Mars[16]. Nicolai Sevastyanov, président de la Corporation spatiale Energia, propose d'utiliser la station comme plateforme d'assemblage de futurs vaisseaux lunaires, mais aussi de dock de réception de l'hélium 3 extrait sur la Lune dans le cadre d'une coopération internationale[90].
Chaque vol de la navette spatiale coûte 1,3 milliard de dollars, coût de développement compris, soit 173 milliards de dollars au total pour tout le programme de 1981 à 2010 [91] pour 131 vols, dont 29 pour la construction de la station spatiale internationale pour laquelle l'ESA a estimé le coût à 100 milliards d'euros soit 157 milliards de dollars.[92].
Projets étudiés par les agences spatiales[modifier]
La Lune[modifier]
De par sa proximité, la Lune est l'endroit où une colonisation humaine est la plus proche dans l'échelle du temps. Elle bénéficie également d'une très faible vitesse de libération qui permet un échange plus facile de matériaux avec la Terre ou d'autres colonies spatiales, voire l'installation à très long terme d'un ascenseur spatial lunaire. Si la Lune a des quantités insuffisantes en hydrogène, en carbone et en azote, elle possède beaucoup d'oxygène, de silicium et de métaux[31]. Comme pour Mars, la faible gravité lunaire, représentant un sixième de celle de la Terre, posera des problèmes pour le retour sur Terre ou la santé des futurs colons. Comme la face visible est en partie protégée du vent solaire par la Terre, on suppose que c'est dans les mers de la face cachée qu'on trouve les plus hautes concentrations d'hélium 3 sur la Lune[93]. Cet isotope est très rare sur Terre, mais a un grand potentiel en tant que carburant dans les réacteurs à fusion nucléaire.
La NASA a suivi le projet lancé par le président George W. Bush concernant un avant-poste lunaire situé sur l'un des pôles en 2024[94],[95], avec un financement assuré jusqu'à cette date, mais celui-ci a été annulé par le président Barack Obama en février 2010 dans sa demande de budget de 2011[96]. L'avant-poste aurait abrité 4 astronautes qui se seraient relayés sur une période de 6 mois et qui auraient utilisé les ressources locales[97]. L'agence spatiale voulait « étendre la sphère économique de la Terre »[94].
L'Agence spatiale européenne prévoit une base permanente en 2025 dont la construction commencerait vers 2020[17]. L'Agence spatiale fédérale russe prévoit une base sur la Lune peu après 2025[85] et l'Agence d'exploration aérospatiale japonaise, après avoir annoncé une base construite avec l'aide de robots pour 2025[98] a reculé la construction de celle-ci à 2030[99]. Nicolai Sevastyanov, président de la Corporation spatiale Energia prévoit l'installation d'une base lunaire russe en 2015 pour extraire de l'hélium 3 de manière industrielle en 2020, en dépit du fait que cela nécessitera une installation minière très importante[93]. L'académie chinoise des sciences dans un rapport de stratégie de développement aux décideurs politiques à suggéré l'implantation d'une base sur la Lune pour 2030[100]. La Chine a aussi des projets pour l'exploitation de l'helium 3 lunaire [101].
Mars[modifier]
Mars est la cible privilégiée, avec la Lune, des futurs projets de colonisation et d'exploration des agences spatiales avec des missions humaines dès les années 2020 par la NASA[16] et des projets de base martienne plusieurs fois étudiés[102]. L'idée d'une base sur Mars a été développée par l'astronaute des missions Apollo et sénateur Harrison Schmitt et la NASA dès la fin des années 70 avec une date d'établissement programmé pour avant les années 2000, ce qui avait intéressé momentanément le président Jimmy Carter[102]. Le projet avait été abandonné pour des raisons politiques et la priorité accordée à la navette spatiale, puis reprit et plusieurs fois abandonné au cours des décennies suivantes, abordant même le projet au très long terme et très théorique d'une terraformation de Mars[102]. Le programme actuel de l'agence spatiale ne parle plus de base martienne mais seulement d'une exploration humaine, avec une utilisation des ressources locales pour soutenir la mission[16].
La surface de Mars est égale à celle de la surface continentale de la Terre et elle contient de grandes réserves d'eau à ses pôles[103] et possiblement dans le pergélisol, voire le mollisol[104], ce qui faciliterait sa colonisation pour certains scientifiques regroupés dans la Mars Society[25]. Mars contient du dioxyde de carbone en quantité dans son atmosphère et de nombreux minerais dont du fer[105]. Mars est considéré par la Mars Society comme l'objectif prioritaire d'une colonisation par l'espèce humaine, et l'indépendance économique nécessaire à la colonisation peut selon eux venir du fait qu'elle serait une base de départ parfaite pour l'exploitation minière des astéroïdes[25]. L'attrait de Mars est également scientifique, parce que les chercheurs pensent que la vie extraterrestre a pu exister à un moment de son histoire comme suspecté sur la météorite martienne ALH 84001[106] et qu'elle puisse toujours être présente sur la planète comme sous la forme entre autres de points noirs détectés près des pôles qui apparaissent tous les printemps[107], hypothèse rejeté par d'autres scientifiques et la NASA[108].
Cependant l'atmosphère très ténue de Mars, les basses températures et les radiations élevées imposeront des systèmes de support de vie similaires à ceux pour l'espace avec l'avantage de pouvoir utiliser les ressources locales pour les développer[24]. De plus, les effets à long terme de la faible gravité martienne qui représente un tiers de la gravité terrestre sont inconnus et pourraient rendre impossible le retour sur la Terre d'humains nés sur Mars ou y ayant passé une longue durée comme c'est le cas en impesanteur[62].
Europe, Callisto, et autres lunes joviennes[modifier]
Europe, Callisto et Ganymède sont les trois plus grandes lunes de Jupiter. Elles sont recouvertes de glace d'eau et sont une cible pour des missions habitées de la NASA au très long terme[16].
Callisto a été désignée en priorité comme base avancée autour de Jupiter dans les années 2045 par une étude de la NASA en 2003[109] du fait de sa faible exposition aux radiations de Jupiter. La base occupée par des humains mais aussi des robots permettrait d'explorer cette lune, produire du carburant pour un retour sur Terre mais également pour des missions vers les autres satellites de Jupiter dont Europe[109] qui possède peut-être, comme Callisto, des océans sous sa couche de glace et peut-être également la vie[16].
Une colonisation d'Europe a été étudiée par le projet Artemis, une association privée créée pour la colonisation de la Lune de manière économiquement viable. La colonie serait située à au moins six mètres sous la couche de glace pour supporter les niveaux intenses de radiations[110]. Le projet compte sur un progrès futur des technologies pour réussir mais a été accueilli avec scepticisme par la NASA[110].
Habitats spatiaux[modifier]
D'après les études théoriques réalisées par Gerard K. O'Neill et la NASA[14] en 1975-1977, des habitats spatiaux situés dans l'espace, appelés colonies spatiales, colonies orbitales ou stations spatiales, pourront servir un jour à accueillir des humains de manière permanente. Ils seront de véritables villes ou mondes autonomes, de taille variable, de plusieurs milliers à plusieurs millions d'individus. Pour O'Neill, ces habitats spatiaux sont la meilleure méthode de colonisation de l'espace, plus viables que la colonisation des planètes. Le principal désavantage des colonies situées dans l'espace est le manque de matières premières qui devront être importées d'autres planètes ou astéroïdes, leur avantage est l'absence de gravité pour des coûts de transport beaucoup moins onéreux[111]. Les habitats spatiaux pourront être situés en orbite terrestre ou sur les points de Lagrange pour être proches de la Terre[14].
Comparée à d'autres emplacements, l'orbite terrestre possède de nombreux avantages et un inconvénient. Les orbites proches de la Terre peuvent être atteintes en quelques heures alors qu'il faut des jours pour aller sur la Lune et des mois pour atteindre Mars. L'impesanteur rend la construction de colonies relativement plus facile, les astronautes l'ont démontré en déplaçant des satellites de plusieurs tonnes à la main. Enfin la pseudo-gravité est contrôlée à n'importe quel niveau selon la rotation de la colonie. Ainsi les zones d'habitation peuvent être à 1 g. On se sait pas encore quelle est la gravité minimale pour rester en bonne santé mais 1 g permettra assurément une croissance optimale pour les enfants des colons[14].
Une autre possibilité d'emplacements sont les cinq points de Lagrange Terre-Lune. Bien qu'il faille quelques jours pour les atteindre avec les moyens de propulsion actuels, ils bénéficient d'un accès continu à l'énergie solaire à l'exception de rares éclipses. Les 5 points de Lagrange Terre-Soleil n'auront même pas d'éclipse mais seuls L1 et L2 sont atteignables en quelques heures, les autres demandant des mois de voyage mais certains comme L4 ou L5 seraient cependant plus stables[14]. Cependant le fait que les points de Lagrange aient tendance à récolter les poussières et les débris comme les nuages de Kordylewski et requièrent des mesures de stabilisation, cela les rendrait moins favorables à l'installation de colonies qu'initialement prévu.
Le concept d'habitats spatiaux géants n'a jamais été développé par la NASA et n'a jamais dépassé l'étude théorique, le besoin d'envoyer un million de tonnes en orbite autour de la Terre en 6 ou 10 ans étant impossible sans un moyen de transport peu coûteux à 55 dollars par kg comme envisagé par l'étude de l'époque avec des développements en navette spatiale de la fusée Saturn V. L'étude avait néanmoins pris en compte tous les paramètres pertinents, y compris des précurseurs comme l'impact sur la couche d'ozone des plus de 2 000 lancements nécessaires[14].
Projets imaginés par d'autres scientifiques[modifier]
Mercure[modifier]
Mercure peut être colonisée en utilisant la même technologie ou équipement que pour la Lune avec en plus l'avantage d'une gravité égale à celle de Mars et d'un champ magnétique d'un cinquantième de celui de la Terre, offrant une première protection, selon le professeur en planétologie et ancien directeur du Jet Propulsion Laboratory Bruce C. Murray[112]. Les colonies seront implantées aux pôles pour éviter les températures extrêmes qui règnent sur le reste de la planète avec en plus, l'avantage de la présence de glace d'eau[113]. L'intérêt économique de Mercure réside dans des concentrations de minerais bien plus élevées que sur toutes les autres planètes du système solaire[114].
Vénus[modifier]
Vénus possède un environnement parmi les plus hostiles du système solaire, ce qui ne la favorise pas comme planète à coloniser, même à long terme, mais des projets ont néanmoins été évoqués par les scientifiques tel que des installations dans sa haute atmosphère[115]. Vénus possède tout de même les avantages d'être la planète la plus proche de la Terre et d'avoir une gravité très proche de celle de notre planète.
Phobos et Déimos[modifier]
Phobos et Déimos, satellites naturels de Mars, sont probablement adaptés pour la production d'habitats spatiaux ou pour établir une colonie. Phobos possède peut-être de l'eau sous forme de glace[116]. Jim Plaxco de la National Space Society, une organisation qui soutient la colonisation de l'espace, souligne que grâce au faible excédent de vitesse nécessaire pour rejoindre la Terre, cela permettrait de livrer du carburant et d'autres matériaux à la zone Terre-Lune, mais aussi aux transports autour du système martien. Ceci rend ces emplacements avantageux d'un point de vue économique, car ils sont aisément atteignables depuis le reste du système solaire et ils ont potentiellement de grandes ressources énergétiques[117]. Leonard M. Weinstein du Langley Research Center de la NASA propose lui l'installation d'un ascenseur spatial sur Phobos afin de rendre plus économique un commerce spatial entre le système Terre-Lune et le système Mars-Phobos [118].
Astéroïdes[modifier]
La colonisation des astéroïdes peut se faire aussi bien sur des astéroïdes géocroiseurs que sur ceux de la ceinture principale. Les géocroiseurs ont l'avantage de s'approcher de la Terre de manière régulière, parfois à l'intérieur de l'orbite lunaire, ce qui signifierait des coûts et temps de transport réduits. L'orbite de ces astéroïdes peut les amener très loin de la Terre, certains à plus de 2,3 UA de distance[119].
L'avantage des astéroïdes pour la colonisation est leur matière première abondante en fer, nickel ou eau et leur multiplicité. Leur économie serait donc basée sur l'extraction minière à destination de Mars ou la Lune dont l'approvisionnement serait plus simple et moins coûteux à cause de leur faible gravité que depuis la Terre, avantage qu'ils partagent avec la planète naine Cérès[25]. Les cibles potentielles ne manquent pas, on estime à 750 000 le nombre d'astéroïdes supérieurs à 1 km de diamètre dans la ceinture principale[120]. La colonisation supposera la construction d'une base à leur surface ou plus probablement creusée à l'intérieur de l'astéroïde, ce qui permettrait la construction d'un habitat spatial de grande étendue.
(33342) 1998 WT24 est un bon exemple d'astéroïde géocroiseur économiquement exploitable de par la nature son orbite ou (433) Éros de par sa composition riche en fer.
Cérès[modifier]
Cérès, planète naine située dans la ceinture d'astéroïdes, a été désignée comme une base principale idéale pour l'exploitation minière des astéroïdes[121]. Riche en eau sous forme de glace, la théorie d'un océan dans son manteau rend possible la découverte d'une vie extraterrestre[122] et est une matière première potentielle importante pour les futurs colons. Sa localisation stratégique et sa faible gravité rend l'approvisionnement à destination de Mars ou la Lune plus simple et moins cher comme c'est le cas pour les autres astéroïdes[25].
Géantes gazeuses[modifier]
Selon une étude de la NASA, les colonies situées à proximité de Saturne, Uranus et Neptune auront à leur disposition de l'hélium 3 à exporter car il est présent en abondance dans les géantes gazeuses[123] et il sera très demandé par les futurs réacteurs à fusion des autres colonies et des vaisseaux. Jupiter est moins disposée à une extraction minière en raison de sa haute gravité, de sa vitesse de libération élevée, de ses violentes tempêtes et de ses radiations.
Titan[modifier]
Titan, la plus grande lune de Saturne, a été désignée par l'astronauticien Robert Zubrin comme une bonne cible pour la colonisation[124], parce qu'il s'agit de la seule lune dans le système solaire à posséder une atmosphère dense et à être riche en composés carbonés[125].
Objets transneptuniens[modifier]
La colonisation des milliards d'objets transneptuniens incluant la planète naine Pluton a été évoquée comme lieu de colonisation, mais au très long terme au vu des distances nécessitant une dizaine d'années de voyage avec les technologies actuelles, bien que de nouveaux projets de propulsion nucléaire encore au stade théorique pourraient permettre un voyage aller-retour en 4 ans[126].
En 1994, Carl Sagan évoque y construire des habitats spatiaux comme la Sphère de Bernal où les colons vivraient grâce à des réacteurs à fusion pour des milliers d'années avant de se déplacer vers d'autres étoiles[127]. Freeman Dyson en 1999 favorise la ceinture de Kuiper comme foyer futur de l'humanité, prédisant que cela pourrait se produire dans plusieurs centaines d'années[128].
Études théoriques sur une colonisation au-delà du système solaire[modifier]
La colonisation de tous les sites exploitables du système solaire prendrait des dizaines ou des centaines d'années et celui-ci ne contient aucune planète aussi hospitalière que la Terre. Il y a des centaines de milliards d'étoiles dans notre Galaxie, la Voie lactée, avec des cibles potentielles pour la colonisation spatiale. Au vu des distances écrasantes entre les étoiles, le sujet commence à dépasser le domaine de la science pour entrer dans celui de la prospective et de la science-fiction. Mais même à ce niveau, des travaux ont été accomplis par des scientifiques pour explorer les diverses possibilités, mais aucun de ceux-ci n'a dépassé le stade théorique.
Détermination des destinations[modifier]
Depuis le début des années 1990, de nombreuses exoplanètes ont été découvertes (464 au 6 juillet 2010), certains systèmes planétaires comprenant de 4 à 5 planètes[129],[130]. La technologie actuelle permet seulement de détecter des géantes gazeuses, mais certaines sont situées dans la zone habitable de leur étoile et pourraient posséder des lunes favorables à la colonisation ou pouvant abriter la vie. La recherche d'une planète tellurique comme la Terre est l'objectif des programmes Terrestrial Planet Finder de la NASA et Projet spatial Darwin de l'ESA prévus pour les années 2020. La détermination de l'habitabilité d'une planète sera de la plus haute importance avant de lancer des expéditions dans un lointain futur. Le catalogue HabCat, constitué pour le programme SETI, recense 17 129 étoiles pouvant abriter des planètes habitables[131]. L'idéal est de trouver une planète orbitant dans la zone habitable d'un jumeau solaire.
Parmi les meilleurs candidats identifiés jusqu'ici, vient l'étoile double Alpha Centauri, une des plus proches de la Terre et qui peut abriter un système planétaire stable[132]. Alpha Centauri figure au sommet de la liste de recherche du Terrestrial Planet Finder[133]. Tau Ceti, située à environ 12 années-lumière de la Terre, a une grande quantité de comètes et d'astéroïdes en orbite autour d'elle qui pourraient être utilisés pour la construction d'habitats humains.
La découverte, le 24 avril 2007, de Gliese 581 c et Gliese 581 d, super-Terres situées dans la zone habitable de leur soleil Gliese 581[134], à 20,5 années-lumière du système solaire, renforce les espoirs de trouver une destination habitable et un jour accessible aux technologies humaines.
Transport interstellaire[modifier]
Un vaisseau interstellaire réclame un système de propulsion permettant d'acquérir une vitesse bien supérieure à celle des vaisseaux interplanétaires existants si l'on veut atteindre l'étoile cible en un temps raisonnable. À titre d'exemple, l'objet construit par l'homme le plus éloigné de la Terre et s'en éloignant le plus vite, la sonde Voyager 1 lancée en 1977 et ayant acquis une vitesse de 17,37 km/s, soit 3,5 UA/an[135],[136], a seulement atteint les limites du système solaire et mettrait plus de 72 000 ans à rejoindre l'étoile la plus proche, Proxima Centauri.
Le projet Orion, mis en place dans les années 1950, est la première étude de conception d'un véhicule spatial mû par propulsion nucléaire pulsée. L'idée est proposée par le mathématicien Stanislaw Ulam et le projet est mené par une équipe d'ingénieurs comprenant quelques célébrités comme les physiciens Theodore Taylor ou Freeman Dyson. La vitesse de croisière atteignable par un vaisseau Orion à fusion est de 8 à 10 % de la vitesse de la lumière (0,08 à 0,1 c). Un vaisseau à fission pourrait atteindre de 3 à 5 % de la vitesse de la lumière. À 0,1 c, un vaisseau Orion à fusion mettrait 44 ans pour atteindre Proxima Centauri, l'étoile la plus proche[137]. Le projet perd son soutien politique à cause des inquiétudes au sujet des contaminations provoquées par la propulsion et est définitivement abandonné suite au traité d'interdiction partielle des essais nucléaires de 1963.
La première amélioration du concept Orion est proposée en 1978 par la British Interplanetary Society. Le projet Daedalus est une sonde interstellaire automatique envisagée vers l'étoile de Barnard qui atteindrait 12 % de la vitesse de la lumière grâce à un système de propulsion fondé sur la fusion explosive de pastilles de deutérium ou tritium déclenchée par confinement inertiel. Néanmoins, ce projet ne prévoit pas de systèmes de ralentissement et ne permet donc qu'une exploration express d'un système planétaire et encore moins une colonisation.
En 1989, l'US Navy et la NASA améliorent encore Daedalus avec le projet Longshot, une sonde de 396 tonnes. L'objectif est d'atteindre en 100 ans le système triple Alpha Centauri, plus proche voisin du Soleil (distant de 4,36 al) et de s'injecter en orbite autour de Alpha Centauri B. Le moteur fonctionnerait pendant la totalité du transit accélérant (puis décélérant) en permanence le véhicule.
Prospective[modifier]
L'humanité est donc encore loin d'un vaisseau habité interstellaire et plus encore d'un vaisseau colonisateur qui devrait avoir des systèmes de support de vie pour un voyage qui durerait au minimum une cinquantaine d'années pour atteindre les étoiles les plus proches. L'hypothèse la plus vraisemblable est la construction d'un vaisseau à génération ou une arche spatiale comme celle imaginée par Robert Goddard[10] qui voyagerait bien en deçà de la vitesse de la lumière, avec un équipage se renouvelant sur plusieurs générations avant que le voyage ne soit terminé. Cela pourrait être accompli par une colonie du système solaire déjà autosuffisante dans un habitat spatial et qui serait dotée d'un moyen de propulsion. L'hypothèse d'un vaisseau dormant dans lequel la plupart ou la totalité de l'équipage passerait le voyage sous une forme de cryonie (improprement appelée animation suspendue ou hibernation), et donc nécessitant un système de support de vie moins important, n'a pas été développée par les scientifiques car il n'est pas encore possible de ramener à la vie un humain placé en cryonie[138].
Pour l'astrophysicien Nicolas Prantzos, même si la colonisation d'autres systèmes planétaires est estimée impossible par certains scientifiques à cause des difficultés techniques aujourd'hui insurmontables, il pourrait émerger dans deux ou trois siècles au moins, trois types de civilisations : une colonisant des planètes semblables à la Terre grâce à la terraformation, une autre colonisant des astéroïdes et des comètes, une troisième voyageant à travers les étoiles à bord de vaisseaux mondes[139].
Justification et opposition à la colonisation de l'espace[modifier]
Justification[modifier]
En 2001, le site d'actualité de l'espace SPACE.com a demandé à Freeman Dyson, J. Richard Gott et Sid Goldstein pour quelles raisons des humains devraient vivre dans l'espace. Leurs réponses étaient[140] :
- répandre la vie et sa diversité, l'art, l'intelligence et la beauté dans l'Univers ;
- assurer la survie de l'espèce humaine ;
- améliorer l'économie et sauvegarder l'environnement, cela incluant :
- créer des ressources à partir de centrales solaires orbitales, de l'extraction de sources fissibles sur les astéroïdes et de l'hydrogène qui compose à plus de 90 % l'atmosphère externe de certaines planètes du système solaire ;
- protéger l'environnement terrestre en déplaçant les populations et l'industrie dans l'espace pour limiter leurs impacts sur la Terre ;
- permettre l'accès aux nouveaux loisirs comme le tourisme spatial ;
- importer des ressources inépuisables vers la Terre comme l'hélium 3 sur la Lune pour la fusion nucléaire.
Expansion de l'humanité[modifier]
Dès 1798, l'économiste Thomas Malthus déclare dans son Essai sur le principe de population :
- « Les germes de l'existence contenus sur ce point de la Terre, avec assez de nourriture et d'espace pour s'étendre, pourraient remplir des millions de mondes en quelques milliers d'années[141]. »
Dans les années 1970, Gerard O'Neill suggère de construire des habitats spatiaux qui pourraient abriter 30 000 fois la capacité de la Terre à supporter la population humaine en utilisant juste la ceinture d'astéroïdes, et que le système solaire dans son ensemble pourrait accueillir les taux de croissance actuels de la population pour des milliers d'années[15]. Le promoteur de la colonisation de l'espace Marshall Savage, en reprenant la théorie malthusienne de croissance exponentielle de la population humaine, a estimé en 1992 qu'une population de 5 trillions (5×1018)[142] de personnes vivant dans tout le système solaire était atteignable pour l'an 3000, la majorité de cette population vivant dans la ceinture d'astéroïdes[143]. Le professeur en planétologie à l'université d'Arizona John S. Lewis suggère que les ressources gigantesques du système solaire pourraient permettre d'héberger la vie de 100 billiards (1017 ou 100 millions de millards) de personnes. Il estime que la notion de manque de ressources « est une illusion née de l'ignorance[144] ».
Pour l'anthropologue Ben Finney qui a, entre autres, participé au projet SETI et l'astrophysicien Eric Jones, la migration de l'humanité dans l'espace est en continuité avec son histoire et sa nature, qui est une adaptation technologique, sociale et culturelle pour conquérir de nouveaux territoires et environnements[145].