Bioastronomie - Les chances de trouver des exoplanètes (II)

 

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Des milliards de Terre

Les chances de trouver des exoplanètes (II)

Une évaluation de la NASA indique que la mission Kepler prévue pour 2006 dans le cadre du programme Discovery devrait découvrir 50 exoplanètes terrestres si la plupart d'entre elles sont de la taille de la Terre, 185 exoplanètes si leur taille est 30% plus grande que celle de la Terre et 640 si elles sont deux fois plus grandes que la Terre ! En outre, on s'attend à ce que Kepler trouve quelque 900 exoplanètes géantes gravitant à courte distance des étoiles (< 1 U.A.) et environ 30 exoplanètes géantes orbitant à la même distance que Jupiter (5 U.A.) de leur étoile hôte.

Et ceci est un résultat tenant compte de la technologie actuelle, utilisant un télescope de petit diamètre équipé de photomètre et de CCD. Imaginez le résultat auquel on peut s'attendre le jour où le premier hypertélescope sera opérationnel dans l'espace...

Mais quel serait le résultat si des astronomes d'une lointaine planète étudiaient le jeune système solaire d'il y a 4.5 milliards d'années ? 

L'exoplanète 16 Cygni B est en orbite très elliptique autour d'une étoile solaire G5 autour de laquelle gravite également un soleil de classe G2. Document T.Lombry.

Y découvraient-ils les signes précurseurs de la Terre récemment formée à partir du disque d'accrétion entourant cette jeune étoile jaune ? Pour les astronomes américains Scott Kenyon du SAO et Benjamin Bromley de l'Université de l'Utah, la réponse est oui indubitablement. Leur modèle numérique indique que nous pouvons utiliser les mêmes repères pour localiser des exoplanètes de la taille de la Terre qui seraient actuellement en formation, des jeunes mondes qui, un jour, accueilleront peut-être une vie complexe.

La clef qui nous permettrait de trouver des exoplanètes nouvellement nées consiste non pas à rechercher la planète elle-même, mais l'anneau de poussières autour de l'étoile qui est en quelque sorte l'empreinte digitale de la planète en cours d'accrétion. Selon Kenyon "s'il y a un anneau de poussières, il y a une planète".

A gauche planétogonie du système solaire : des planétésimaux aux planètes avec en périphérie l'interaction d'une planète avec le disque protoplanétaire. lllustration de l'Université de Potsdam. A droite illustration par David A. Hardy du disque protoplanétaire entourant l'étoile Fomalhaut des Poissons. Ce disque s'étend sur environ 160 UA autour de l'étoile et est constitué de grains de poussière assez grands mesurant entre 10 et 100 microns. Il semble contenir au moins une planète en formation. Voici une photographie du disque prise en 2005 par le HST en lumière visible et colorisée pour analyse.

Bien que les planètes soient communes dans l'univers, il est difficile de les détecter car elles brillent trop faiblement par rapport à la luminosité de l'étoile toute proche. Aussi pour les détecter les astronomes cherchent des preuves indirectes de leur existence. Nous avons vu qu'une fois l'exoplanète formée on peut détecter son influence gravitationnelle sur le mouvement de l'étoile hôte. Mais dans les jeunes systèmes exoplanétaires, cette trace n'existe pratiquement pas ou le système est pratiquement opaque, et la solution consiste à détecter le disque protoplanétaire lui-même et la manière dont la planète en cours de formation affecte la circulation du disque de poussière.

Les exoplanètes aussi massives que Jupiter possèdent une forte pesanteur. Cet effet affecte fortement le disque protoplanétaire. Une planète de la taille de Jupiter peut dégager un espace circulaire de plus d'un million de kilomètres de diamètre dans le disque d'accrétion, déformant localement le disque ou créer une série d'anneaux concentriques de poussière comme une pierre jetée dans l'eau. La présence d'une planète géante peut donc expliquer les ondes de matière ainsi que la cavité plus froide que l'on observe dans le disque d'accrétion âgé de 350 millions d'années qui entoure l'étoile Véga.

Modélisation (en haut) et observation submillimétrique (en bas) du disque d'accrétion entourant Véga (gauche) et e Eridani (à droite) en présence d'une exoplanète de 2 Mj. Document NASA-GSFC.

Les images présentées à gauche comparent le nouveau modèle numérique (en haut) aux observations de disques de poussière protoplanétaires (en bas). La simulation montre l'aspect du disque s'il contenait une planète deux fois plus massive de Jupiter gravitant à 8 milliards de km de Véga (à gauche). Les fausses couleurs représentent les émissions micro-ondes émises par la poussière chaude (rouge) et froide (bleu). L'étoile centrale et le carré noir représentent respectivement la position de l'étoile et de la planète. Selon ce modèle, la poussière forme deux zones brillantes de chaque côté de Véga en raison de l'infuence gravitationnelle de la planète.

L'image inférieure gauche présente l'aspect réel du disque d'accrétion de Véga tel qu'enregistré en rayonnement submillimétrique au télescope James Clerk Maxwell d'Hawaii équipé d'une "caméra" micro-ondes SCUBA (Sub-Millimeter Common User Bolometer Array). A droite une image du disque de poussière entourant  e Eridani. Le système d'Eridani est constitué de deux exoplanètes, l'une de 0.86 Mj située à 3.3 U.A., l'autre plus incertaine de 0.1 Mj et gravitant à quelque 40 U.A. de l'étoile. Il se serait formé voici 500 millions à 1 milliard d'années. Il ressemble très fort au système de Véga ou à celui de Fomalhaut. Voici une image du disque de poussière capturé par la Terre simulé de la même manière. Elle fut publiée en 1994 par Dermott dans le magazine Nature.

Les petites exoplanètes de la taille de la Terre possèdent une pesanteur plus faible et affectent donc le disque protoplanétaire plus faiblement, ne laissant que des traces subtiles de leur présence. Plutôt que de rechercher les déformations ou les "sillages", les chercheurs préfèrent observer de quelle manière la lumière du système stellaire est distribuée en infrarouge, cette longueur d'onde révélant la chaleur du disque d'accrétion ainsi que sa distribution spatiale.

Les étoiles entourées de disques de poussière sont plus brillantes en infrarouge que les étoiles sans disque. Plus la poussière est dense et opaque à la lumière visible, plus le disque sera lumineux en infrarouge. Kenyon et Bromley ont ainsi démontré que les astronomes pouvaient utiliser les mesures de brillance faites par spectrographie infrarouge (IRS) non seulement pour détecter le disque protoplanétaire, mais également pour détecter une planète de la dimension de la Terre en formation dans ce disque, phénomène qui devrait produire des quantités observables de poussière. Pour en savoir plus sur la formation des planètes je vous suggère de consulter mes pages consacrées à la formation du système solaire où je développe les différentes théories élaborées depuis les travaux précurseurs de Carl von Weizsäcker.

Un dernier souffle d'oxygène

L'exoplanète HD 209458B a surpris les astronomes. Découverte en 2003 dans la constellation de Pégase grâce au Télescope Spatial Hubble par Alfred Vidal-Madjar et son équipe de l'Institut d'Astrophysique de Paris (IAP), de l'oxygène ainsi que du carbone ont été découverts dans son atmosphère, s'évaporant à un taux si élevé qu'on peut pratiquement dire qu'elle consomme ses dernières bouffées d'oxygène.

HD 209458B est la première exoplanète découverte alors qu'elle transitait devant son étoile et c'est également la première exoplanète ayant une atmosphère détectable.

Pour distinguer cette extraordinaire planète de ses condisciples, les astronomes l'ont surnommée "Osiris". Rappelons qu'Osiris est le dieu égyptien de la lumière qui perdit une partie de son corps, à l'instar de HD 209458B, après que son frère Set, le dieu à face de chacal, l'ait tué et coupé en morceaux pour l'empêcher de revivre. On reparlera de cette légende à propos de la constellation d'Orion.

Osiris orbite autour d'une étoile de type solaire (classe G5) à une distance de 6.6 millions de km seulement, ce qui représente 1/8eme de la distance séparant Mercure du Soleil. Elle boucle sa révolution orbitale en... 3.5 jours seulement ! Vue de la Terre, lors d'un transit son disque couvre 15% de la surface de l'étoile et réduit son éclat d'environ 1.5%, provoquant un "dip" (déclivité) spectaculaire comme on peut le voir sur la courbe lumineuse présentée ci-dessous comparée à celle qu'aurait une planète terrestre à la même échelle (en bleu).

A gauche, courbe lumineuse de l'étoile HD209458 Pegasi obtenue par le HST et analysée par l'équipe de Timothy Brown. Le "dip" (la déclivité, le creux) est typique du transit d'une exoplanète géante. A titre de comparaison, en bleu on a représenté le dip qu'aurait provoqué une planète de la taille de la Terre. A droite, représentation artistique de l'exoplanète HD 209458B, alias Osiris qui gravite à 6.6 millions de km seulement de l'étoile. Elle gravite si près de l'étoile qu'elle s'évapore littéralement sous sa chaleur et l'intensité de son rayonnement. Sa surface est portée à environ 1000°C. Son rayon vaut 1.35 fois celui de Jupiter mais son atmosphère s'étend jusqu'à 4.5 rayons de Jupiter. Documents PlanetQuest et T.Lombry.

Le diamètre d'Osiris est estimé à 1.35 fois le rayon de Jupiter mais son atmosphère s'étend jusqu'à 4.5 rayons de Jupiter ! En effet, située si près de son étoile, les gaz de l'exoplanète sont entraînés vers le sommet de l'atmosphère d'où ils s'échappent comme un tourbillon de poussière à une vitesse supersonique à raison d'au moins 10000 tonnes d'hydrogène par seconde ! Un nuage d'oxygène et de carbone entoure également la planète formant une enveloppe ellipsoïdale en forme de ballon de rugby qui s'étend sur 200000 km.

Bien que l'oxygène soit un indicateur possible de la vie, si la possibilité de trouver de la vie sur Osiris semble excitante, il faut rappeler que ce n'est pas une grande surprise en soit car l'oxygène est également présent dans les planètes géantes de notre système solaire, comme Jupiter et Saturne. Ce qui est en revanche plus étonnant c'est de trouver des atomes d'oxygène et de carbone dans une enveloppe aussi étendue autour de cette exoplanète. 

Sur Jupiter ou Saturne, ces éléments sont toujours combinés au méthane et à l'eau présents dans les couches profondes de l'atmosphère. Dans HD 209458B les produits chimiques se sont décomposés en éléments simples. Sur Jupiter ou Saturne, même dissociés, ces éléments demeurent dans les profondeurs de l'atmosphère et sont indétectables depuis la Terre. Le fait qu'ils soient détectables dans l'atmosphère supérieure de HD 209458B confirme que son atmosphère subit une évaporation intense similaire à un pompage sous vide. Ce phénomène est provoqué par le fait qu'Osiris gravite si près de son étoile qu'elle rôtit et se consume au point que sa surface est portée à environ 1000°C !

A gauche, le système Tau Bootis situé à 49 a.l. est constitué d'une étoile blanche (F7 V) de 1.3 Ms autour de laquelle gravitent deux astres : une exoplanète de 4.3 Mj de classe "hot Jupiter" gravitant à 0.046 UA seulement ainsi qu'une petite étoile naine rouge (Tau Bootis b) de 0.4 Ms gravitant à 245 UA. A droite, OGLE-2005-BLG-390Lb découverte en 2005 dans le Sagittaire. Elle se situe à environ 27710 a.l. Il s'agit de la première "petite" exoplanète à la surface probablement rocheuse et glacée (-220°C). Elle présente environ 5.5 fois la masse de la Terre et disposerait d'une légère atmosphère. Elle orbite à envrion 2.6 UA d'une étoile naine rouge de classe M et de 0.22 Ms. D'autres images sont présentées dans le dossier "Alien worlds". Documents T.Lombry.

Du fait que le mécanisme d'évaporation est si distinctif, les astronomes ont proposé une nouvelle classe de planètes extrasolaires baptisées les " planètes chthoniennes", par référence au dieu grec Khtôn, dieu des Enfers (la racine est également utilisée en français dans le mot "autochtone"), allusion au fait que son atmosphère se vide totalement de ses gaz et s'évapore dans l'espace.

Les planètes chthoniennes seraient donc constituées de noyaux contenant les résidus d'exoplanètes gazeuses géantes évaporées orbitant très près de leur étoile, comme Osiris. La détection d'exoplanètes similaires devrait bientôt se poursuivre au moyen de télescopes interférométriques terrestres ou placés dans l'espace.

La découverte d'un processus si intense d'évaporation est, selon les scientifiques, "fort peu commun", mais peut indirectement confirmer les théories de la formation de notre propre planète. C'est en effet un cas unique qui permet d'observer, mieux encore que sur une étoile en orbite autour d'un astre effondré, directement une évasion hydrodynamique de matière. Selon Vidal-Madjar, on a spéculé sur le fait que Vénus, la Terre et Mars auraient perdu leur atmosphère primitive au début de leur formation. Leur atmosphère actuelle aurait été reconstituée suite aux impacts des astéroïdes et des comètes ainsi qu'au dégazage du sol. Cette découverte apporte une nouvelle bouffée d'oxygène... aux astronomes.

Pour plus d'information

Le projet PlanetQuest (sur ce site)

Institut d'Astrophysique de Paris (IAP)

Lex exoplanètes (Obspm, Java)

The Extrasolar Planets Encyclopaedia (CNRS)
New Worlds Atlas (NASA)

Planet Quest (JPL)

California & Carnegie Planet Search

Transit Search

Illustrations

Alien Worlds (Thierry Lombry)

Extrasolar Visions (John Whatmoug et al)

Extrasolar Planets (Mike Matessa)

The Worlds of David Darling



24/11/2007
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