Bioastronomie - La contamination extraterrestre - Les raies moléculaires (V)
http://www.astrosurf.com/luxorion/bioastro-contaminatioet5.htm
La contamination extraterrestre
Les raies moléculaires
Quittons les planètes et allons au-delà du système solaire. Depuis 1960 environ, la radioastronomie récolta un franc succès auprès des exobiologiste qui comprirent qu'il leur était dorénavant possible de sonder l'univers sur les traces d'éventuelles formes prébiotiques de vie. Nous avons déjà entrevu son potentiel à travers les différents programmes SETI. Pour ceux qui ne croient pas aux "petits hommes verts", la question qui se pose maintenant est tout à fait concrète. Quelles sont les traces d'une chimie organique dans l'espace ?
Molécules de cyanocobalamine ou vitamine B12 cristallisée. C'est un hydrate de carbone complexe Document T.Lombry. |
L'arôme de la cosmochimie
Grâce au moment dipolaire des molécules asymétriques, les radioastronomes peuvent détecter leur présence dans la Voie Lactée sur les raies millimétriques et tracer les lignes d’isodensité des nuages qu’ils observent. En moins d'un demi-siècle, les radioastronomes ont ainsi détecté une centaine de raies moléculaires dans l'espace et des milliers de nuages moléculaires en infrarouge. Parmi ces molécules bon nombre sont passionnantes pour l'exobiologiste.
Nous savons que les vieilles étoiles éjectent dans l'espace les composants lourds qu'elles ont synthétisés durant toute leur vie. Il en est de même pour les supernovae qui créent en une fraction de secondes la plupart des éléments du tableau de Mendéléev. Parmi les éléments fabriqués lors de la nucléosynthèse, il y a le carbone. Les atomes d'hydrogène étant très abondants dans l'univers, le carbone libéré peut rapidement interagir.
Plus de la moitié des raies moléculaires découvertes dans l'espace sont en relation avec les processus prébiotiques, dont le monoxyde de carbone (CO) qui est l’espèce la plus abondante après l’hydrogène moléculaire (H2), l'acide cyanhydrique (HCN), le formaldéhyde (HCHO) ou le formamide (NH2CHO) qui conduisent au monde vivant.
Nous ne pouvons pas affirmer que ces molécules interagissent dans le milieu interstellaire pour produire des polymères ou des composants aromatiques réactifs à base de benzène (C6H6), mais la séquence hydrogène-azote-carbone vers l'HCN et l’HCHO ne nous permet pas d'affirmer qu'elle est impossible.
Les biochimistes ont découvert qu’en se complexifiant, ces chaînes carbonées “s’aromatisaient” (elles sont odorantes) et les plus compactes se stabilisaient. Cela permet aussi de dire qu’il ne faut pas nécessairement une atmosphère calme pour porter la vie. Il nous manque seulement un maillon dans notre histoire : une macromolécule capable d'en créer une autre à l'image de son code génétique, indépendamment du milieu qui l'entoure.
Les atomes C,H,O,N peuvent former des molécules organiques qui semblent être le premier maillon d'une chaîne qui conduisit à l' "oeuf électrique" de Miller. Le fait le plus troublant et qui incite les professionnels à continuer leurs recherches, est le milieu dans lequel elles existent qui est fortement hostile alors que ces molécules sont très fragiles. Le milieu interstellaire est carrément glacé et n’est pas très dense. Les molécules évoluent dans des nappes gazeuses dont les températures oscillent entre 10 et 100 K, plus de 160° sous zéro. A de si basses températures il relève du prodige que la matière ne soit pas inerte. On y dénombre entre 100 et 100000 molécules par centimètre cube, contre 1019 dans l’air. La fréquence des rencontres est donc très rare, tout au plus une tous les mille ans.
Ces découvertes ont remis à l’ordre du jour l’hypothèse de la panspermie de Svante Arrhénius reprise par Fred Hoyle, il est vrai dans une version quelque peu “électrisée”.
Nous savons que dans l’espace, les photons éjectés des étoiles peuvent frapper les atomes ou les molécules et arracher leurs électrons. La matière porte alors une charge électrique et est ionisée. Jusqu’à présent les astronomes considéraient que la chimie interstellaire ne pouvait se passer de ce mécanisme. Dans un milieu aussi raréfié et glacé, l’énergie thermique ambiante est incapable de créer seule la moindre réaction chimique. L’agitation moléculaire est considérée comme un phénomène marginal qui n’intimide même pas la force de répulsion des molécules neutres. Or il faut bien expliquer l’existence de l’hydrogène moléculaire, H2. Paradoxalement à de si basses températures la moindre libération d’énergie est capable de briser cette liaison chimique. Comment donc dame Nature a-t-elle pu préserver cette réaction ?
En 1990 Ian Smith et Bertrand Rowe de l’Université de Rennes (CNRS) ont découvert qu’en présence d’un radical (des poussières carbonées telles la suie, les silicates, la glace ou les benzènes), des molécules neutres se constituaient et ce, d’autant plus rapidement que la température était basse, entre 10 et 40 K. Ils trouvèrent dans leurs ballons des molécules organiques telles que NH3, C2N2, C2H4, C2H6, bref des complexes prébiotiques neutres. Le phénomène trouva une explication. Les poussières carbonées étaient tellement froides qu’elles présentaient une disparité dans la distribution de leur charge électrique. Lors d’une collision avec deux molécules, le froid leur donnait le temps de trouver la bonne configuration spatiale leur permettant de réaliser une réaction chimique.
La question qui préoccupe les biochimistes et les radioastronomes est à présent de savoir si la lenteur de ces réactions est compatible avec l’effondrement gravitationnel des nuages protostellaires. En effet, la durée de l’effondrement est lié à la densité des poussières et des gaz. Mais en quelques millions d’années, les nombreuses collisions et la chaleur ambiante peuvent très bien démanteler ces molécules prébiotiques. A terme, le rayonnement intense de la jeune étoile devrait détruire celles qui subsistent. Comment peut-on préserver ces frêles bâtons de vie afin de leur assurer un avenir ? Sans preuve de l’existence de nuages moléculaires prébiotiques dans l’Univers la question reste encore en suspend. Certaines voies de recherches (E.Herbst, 1994) semblent toutefois indiquer que les réactions chimiques entre des molécules neutres ralentiraient la formation des longues chaînes.
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Quoi qu’il en soit, à l'actif des exobiologiste et des radioastronomes il y a donc cette liste de molécules interstellaires, enrichies par on ne sait quel hasard. Les radioastronomes en découvrent de nouvelles à chaque fois qu’ils sondent le milieu interstellaire dans les longueurs d'onde millimétriques, que ce soit la nébuleuse d'Orion perdue dans les bras de la Voie Lactée ou le grand nuage du Sagittaire au centre de la Galaxie. Mieux encore, le formaldéhyde, bien que centré sur la fréquence de 4830 MHz (6.2 mm) est, à la fréquence de 1660 MHz (1.8 cm), tout aussi abondant que l'hydroxyle OH qui dessine toute la Voie Lactée.
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