Bioastronomie - La faculté d'adaptation - Introduction (I)
La faculté d'adaptation Introduction (I) Dans les années 1980, le Pr Cyril Ponnamperuma, alors directeur du Département d'Exobiologie du centre Ames de la NASA, m'avait convaincu de l'intérêt qu'il y avait d'étudier la biodiversité des créatures vivant dans les milieux extrêmes pour tenter de compendre de quelles manières une éventuelle forme de vie extraterrestre pourrait se développer. Son argument était simple : il suffisait de consulter la liste des milieux extrêmes où la vie est soi-disant impossible mais où elle prolifère pour se rendre compte que cette liste ne fait que croître. Cela implique donc que les organismes, parfois complexes, peuvent s'adapter à des conditions que nous jugeons mortelles ou préjudiciables à toute forme de vie. Du même coup, cela décuple ou centuple l'éventail des niches écologiques extraterrestres potentielles. Fasciné par cette perspective, depuis je n’ai jamais cessé d’étudier le sujet. |
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Les conséquences de cette hypothèse sont en effet fascinantes : connaissant les conditions extrêmes de l'espace où l'apesanteur, l'absence d'oxygène, le vide, le froid intense, les rayonnements ionisants, les turbulences ou la chaleur extrême règnent en maître, paradoxalement l'univers peut alors regorger de vie. Peut-être pas au milieu de l'espace vide et glacial, mais on pourrait éventuellement en découvrir sous le permafrost de Mars, dans les crevasses glaciaires d'Europe ou près des cryovolcans de Titan.
Reste à bien cerner les limites de la vie et de quelles manières elle s'adapte aux environnements jugés hostiles, trop chaud, trop froid, trop acide, ou supportant de très fortes pressions, des rayonnements ionisants, bref comment elle survit dans des lieux à l'image des affres de la damnation... Voyons cela en détail.
Les conditions extrêmes de survie Plus chaud : 121°C, Strain121 (fumeurs du Pacifique) Plus froid : -15 C°, Cryptoendoliths (Antarctique) Radiation : 5 MRad (50 kGy) ou 5000x l'endurance humaine, Deinococcus radiodurans Gravité : 1 million de g, Escherichia coli (dans une centrifugeuse) Profondeur : 3.2 km sous la terre, 12 km sous la mer Acide : pH 0.0 (la plupart des organismes vivent dans un milieu 100000x moins acide) Basique : pH 12.8 (la plupart des organismes vivent dans un milieu 1000x moins basique) Espace : 6 ans de survie dans le vide pour Bacillus subtilis retrouvé sur un satellite de la NASA Pression : 1200x la pression atmosphérique ou 12 km d'eau Salinité : 30% ou 9x la salinité du sang humain, Haloarcula Plus petit organisme : < 0.1 micron ou 500x plus petit que l'épaisseur d'un cheveux, picoplancton |
Nous savons que l'univers ne contient en moyenne que trois atomes au mètre cube. Dans une atmosphère gazeuse ou dans l'eau, nous avons plus de 1024 atomes au mètre cube. Dans ce milieu dense, les atomes ont beaucoup plus d'occasions de se combiner en molécules que dans l'espace. La terre ferme humide est plus propice encore. Dès que les premiers organismes se sont constitués ils ont conquis tous les milieux propices à leur évolution. Mais peuvent-ils réellement survivre dans des milieux extrêmes ?
En observant les millions de formes de vie qui évoluent sur Terre - on dénombre entre 5 et 30 millions d'espèces - a priori leur existence n'est due qu'au hasard, associée à la loi du plus fort, c’est la sélection naturelle.
Si la vie n'est pas possible autour des étoiles bleues qui diffusent trop de rayonnements ultraviolets destructeurs, autour des étoiles binaires et variables où les formes de vie seraient à la merci des marées gravitationnelles et des écarts de température, la vie semble particulièrement bien adaptée sur les planètes en orbite autour des étoiles de la Séquence principale qui comprend les spectres des classes A jusque M, des jeunes étoiles géantes blanches jusqu'aux naines rouges très âgées. Car même si l'atmosphère est chargée de gaz sulfureux ou engendre des pressions titanesques, une forme de vie rudimentaire peut parfaitement s'y adapter. Cette symbiose sera d'autant plus parfaite que l'évolution aura modifié ces organismes.[1]
La vie telle que nous la connaissons dispose de tous les atouts pour s'adapter à un environnement jugé hostile. En effet, l'impossibilité pour certains organismes de supporter certaines substances toxiques sera contrecarrée par une tolérance d'autres organismes. Bien que la liste des critères qui permettent la vie soit restreinte, l'expérience que connaît la Terre depuis sa formation tend à ignorer cette liste. Dans l'esprit de Robert Shapiro[2], chimiste et généticien à l'université de New York, la variété des niches biologiques a conduit à tant de formes de vie que ce phénomène traduit une adaptation continue des populations à l'écosystème, naturel ou artificiel. Si une forme d'énergie est disponible la vie jaillira. Bien sûr dans une situation limite, à Resolute Bay ou à Agadir par exemple, la diversité des espèces est bouleversée car leur complexité ne leur permet plus de survivre dans un écosystème désertique glacé ou torride. Le catalogue de la création est volumineux, mais il n'est rien en regard du potentiel d'organismes qu'il peut créer, ici ou ailleurs. | |
Robert Shapiro |
Edward O.Wilson nous rappelle que pour chaque homme il existe 500000 insectes ! |
C'est une véritable leçon de symbiose naturelle que nous offre la biosphère. C’est aussi une bonne leçon d'écologie. Le biologiste américain Edward O. Wilson[3], connu en autre pour ses recherches sur les fourmis, estime qu’il existe aujourd’hui 1.4 millions d’espèces vivantes, mais nous en connaissons si peu que leur nombre peut être 10 ou 100 fois supérieur. Il existe 751000 espèces d’insectes, 281000 espèces d’animaux et 248000 espèces de plantes, sans parler des centaines de milliers de virus, bactéries, champignons et autres protozoaires !
Mais ça c'est le décompte actuel. Selon les scientifiques, en raison de l'impact de l'homme sur l'environnement, si nous ne changeons pas nos habitudes, dans 50 ans, nous aurons exterminé un million d'espèces, y compris de nombreux mammifères supérieurs (baleines, ours, tigres, singes, etc) !
Bien sûr, au cours de l’évolution, des milliers d’espèces ont périodiquement disparu. Les causes peuvent être nombreuses : concentration de gaz toxique, chute de météorite, dose létale de rayonnement ionisant, éruption volcanique et autres tremblements de terre. Si nous prenons conscience de ces risques, nous découvrons que depuis 3 milliards d’années, traversant avec plus ou moins de succès ces cataclysmes, la vie su faire preuve de ténacité.
Toutefois, les dinosaures ont disparu et la Terre a déjà connu cinq extinctions majeures. Mais celle à laquelle nous assistons aujourd'hui est la plus rapide et la plus grave que connut la Terre depuis qu'elle porte la vie. Si nous ne prenons aucune mesure pour enrayer ce processus, nous pourrions assister à la 6eme extinction... celle de l'homme ! Prenons en bien conscience. Nous reviendrons sur cette véritable hécatombe lorsque nous parlerons des problèmes écologiques, de la perte de biodiversité et de développement durable. Mais revenons à l'essentiel, la vie.
La variabilité de son adaptation est stupéfiante et s’illustre chaque jour sous nos yeux lors de la multiplication des animaux vivants en colonies, l’éclosion des plantes à fleurs ou la naissance des vertébrés.
Dans ce chatoiement de couleurs et de formes, l’appel désespéré des bébés nous signale que paradoxalement la vie reste un phénomène rare que nous devons protéger. Si l’apparition de la vie reste un mystère, cette passionnante aventure nous dévoile des phénomènes insoupçonnés, signes d’une évolution miraculeusement adaptée. Cette faculté d'adaptation des espèces à des relents de science-fiction mais puisqu’elle lie tous les êtres vivants sur Terre, elle est aussi très ancienne, très riche et très variée. Elle nous conduit à reposer les critères de survie d’une éventuelle forme de vie extraterrestre.
Nous savons que tout a débuté sur Terre il y a moins de quatre milliards d’années, au fond des mers, près des volcans ou dans la tiédeur des lagons réchauffés par la chaleur du Soleil. Selon les dernières études la vie serait apparue rapidement. Des molécules simples se sont agencées dans un ordre précis et s’organisèrent pour survivre. En s'enchaînant et se complexifiant, elles devinrent autonomes et capables de se reproduire. La première forme de vie était née.
Ce processus physico-chimique a-t-il une chance de se reproduire ailleurs dans l’univers ? Les astrobiologistes n’ont pas encore de réponse précise à nous donner. Depuis que les astronomes étudient la constitution des comètes, des météorites ainsi que les molécules présentent dans l'espace, on se demande de plus en plus si la vie ne serait pas apparue dans l'espace et apportée sur Terre par l'un de ces vecteurs. Aujourd'hui la question reste ouverte car nulle part dans la banlieue de la Terre nous n'avons trouvé d'organisme vivant, ou les preuves que nous possédons nous laissent perplexe (principalement celles provenant de Mars). Tous les biologistes en revanche sont d’accord pour reconnaître qu’aux frontières de la vie, du sommet de l'atmosphère aux fonds abyssaux, la vie peut se développer. Loin de ressembler à une chimère, la vie qui peuple ces milieux extrêmes nous force à revenir à l’essentiel.