Bioastronomie - La contamination extraterrestre - La nature d'ALH84001 : des débats contradictoires (III) - Les cristaux de magnétite et l'olivine
http://www.astrosurf.com/luxorion/bioastro-contamin-alh84001-3.htm
La contamination extraterrestre
La nature d'ALH84001
Traces d'olivine (jaune, vert, rose et noir), minéral commun des roches basaltiques et de pyroxène (rayures) que l'on retrouve dans les météorites SNC et la croûte de l'astéroïde Vesta. Doc LPI. |
Les cristaux de magnétite et l'olivine
Selon McKay et son équipe, ALH84001 contient des grains de cristaux de magnétite similaires en forme et dimension à ceux produits par certaines bactéries terrestres.
Des analyses effectuées par C.K.Shearer et son équipe en 1996 et publiées dans Meteorites and Planetary Sciences, 34, tendent à démontrer que la météorite a pu se former à haute température condamnant toute forme de vie et donc toute trace de métabolisme biologique.
Selon Shearer la météorite contient des grains d'olivine qui se concentrent près des globules carbonatées qui sont brisées et dispersées. A.H. Treiman démontra en 1998 dans Meteorites and Planetary Sciences que l'olivine ainsi que le pyroxène et les oxydes de fer s'étaient formés au-dessus de 900°C où ils étaient en équilibre chimique.
Par ailleurs la différence de composition en isotopes de l'oxygène, dans l'olivine d18O = 5.1 pour mille alors que dans le pyroxène d18O = 4.6 pour mille, indique une température d'équilibre supérieure à 700°C. Ces hautes températures semblent donc incompatibles pour assurer en même temps la formation de l'olivine et des carbonates.
Bactérie magnétotactite terrestre. Doc Iowa State University. |
Selon Shearer, ces faits suggèrent que l'olivine s'est formée pendant ou après que les globules aient été perturbées par un choc ultérieur et supportent l'idée que la magnétite trouvée dans les globules carbonatées s'est formée par un processus à haute température, et donc sans intervention biologique.
Shearer pense que l'olivine s'est formée lors d'un choc thermique suffisamment long et chaud pour former des cristaux d'olivine de 40 microns et homogénéiser leur composition chimique mais tout de même suffisamment court ni trop chaud pour ne pas émousser les globules carbonatées de même dimension qui semblent coupées au rasoir à l'échelle microscopique. Mais A.H. Treiman, R.P.Harvey et H.Y.McSween Jr ne sont pas de cet avis.
Il y a tout d'abord la question de la vitesse de déplacement des éléments dans les minéraux. Le calcium, le magnésium et le fer se déplacent plus rapidement dans les minéraux carbonatés que dans tout autre pyroxène ou olivine (coefficient de diffusion à 800°C de 10-17 m2/s dans les carbonates contre 10-18 m2/sec dans l'olivine et 10-21 à 10-24 m2/sec dans le pyroxène). Ensuite étant donné que l'on retrouve des globules carbonatées intactes près des grains d'olivine ou de pyroxène, les deux éléments ne seraient pas associés et l'olivine ne se serait donc pas obligatoirement formée après les carbonates. Au contraire conclut A.H.Treiman en 1998, les indices semblent démontrer que l'olivine, les pyroxènes et les oxydes métalliques se sont formés avant la formation des globules carbonatées.
Cristaux de magnétite trouvés sur la météorite ALH8001 comparés à ses homologues terrestres. Document LPI/CASS. |
E.R.D.Scott et son équipe considèrent également qu'il y a des différences considérables entre les cristaux de magnétite découverts sur la météorite ALH84001 et les magnétites des magnétosomes (MV-1) ainsi que l'illustre la photographie présentée à droite. Ils se demandent par ailleurs comment ces cristaux de biogéniques auraient pu pénétrer ALH84001, une question embarrassante qui semble être la clé de notre énigme.
En 2003, D.C.Golden et son équipe appuyaient également l'hypothèse inorganique de la magnétite trouvée sur ALH84001.
Mais d'autres questions encore plus importantes se posent.
L'origine des molécules organiques
Enfin le magazine Science du 16 janvier 1998 posa une 3eme question : quelle est l’origine des molécules organiques contenues dans ALH84001 ? Selon Jeff Basa du Scripps Institution, la météorite ALH84001 contiendrait la même proportion d’acides aminés que celle que l’on retrouve dans les êtres vivants sur Terre.
De nouveaux indices indiqueraient que les acides aminés incriminés auraient été contaminés par du matériel biologique terrestre durant leur séjour en Antarctique. Par ailleurs McKay et son équipe confirmèrent en l'an 2000 que des fragments de la météorite avaient été infectés par des bactéries terrestres qui se développaient en Antarctique
Une autre équipe découvrit que le rapport des isotopes du 13C/12C de l’échantillon était identique à celui des composés biologiques terrestres. Pour sa part Tim Jull de l’Université d’Arizona découvrit que la majorité du carbone organique présent dans la météorite contenait des isotopes du 14C à courte période, un élément qui se forme dans l’atmosphère terrestre. En corollaire ils firent une découverte plus importante encore, à savoir que le matériel organique analysé n’était âgé que de 5000 à 12000 ans... Cela signifie donc que les éléments organiques découverts dans la météorite furent contaminés après leur arrivée sur Terre, bien que les PAH soient peut-être d’origine martienne.
Cette biocénose terrestre vivant dans des météorites martiennes rend plus difficile la reconnaissance des microbiotes martiens et les composés organiques qui proviendraient de Mars
Il reste cependant une zone d’ombre concernant l’origine des autres éléments organiques trouvés sur la météorite car tous les composés carbonés de l’échantillon, qu’ils soient organiques ou non, ne se consument pas à la même température. Cela signifie déjà que 20% du carbone organique total de l’échantillon ne contient pas de 14C et est donc d’origine extraterrestre. Cela dit en 1998, McKay et ses collègues reconnaissaient dans The Planetary Report, Vol.18, p11, q u’ils n’avaient “pas encore toutes les réponses [...] L’histoire de cette roche est seulement plus complexe et nous défie plus que prévu”. Le débat reste donc ouvert.
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Pour sa part J.A.Barrat et son équipe confirment le fait que la météorite ALH84001 ne contiendrait pas de bactéries par une étonnante comparaison. Dans Science, 280, publié en 1998, ils ont expliqué avoir découvert en 1994 dans des fragments du météorite de Tatahouine tombé en Tunisie en 1931 des globules contenant des grains de calcite en tout points similaires à ceux trouvés dans ALH84001. Ces grains, qui sont trop petits pour être analysés avec précision, pourraient également être des bactéries fossilisées et ils ne sont pas non plus associés à des minéraux siliceux hydratés. Autour de ces masses on trouve par contre de nombreux objets tubulaires de 70-80 nm de largeur sur 100-600 nm de longueur, ainsi que des objets sphériques d'environ 70 nm de diamètre.
Le problème est qu'on trouve également ces objets dans des fissures superficielles de la météorite qui, rappelons-le, est restée à l'air plus de 63 ans avant d'être découverte, objets qui sont enchâssés entre les cristaux de pyroxène et de chromite, mais également dans les graviers, les balles de fusil et les vieilles pièces de monnaie... Cette calcite est donc clairement en relation avec un traitement naturel que subit le substrat et présente des formes très similaires aux "bactéries" de McKay et son équipe. Reste à leur faire subir un test d'activité biologique et vérifier si l'environnement terrestre et principalement les conditions météos peuvent altérer la composition des météorites (outre la formation de rouille et l'inclusion de métaux comme le strontium ou des éléments des terres rares, phénomène connu). Nous avons qu'une action photochimique est envisageable mais que l'eau intervient peu comme facteur d'altération.
Depuis cette découverte, les scientifiques de la NASA semblent avoir découvert des microbes fossiles dans au moins deux autres météorites martiennes, Nakhla et Shergotty, les deux SNC à l'origine de cette dénomination et âgées d'environ 1.3 milliards d’années.
Si les scientifiques confirment que des fossiles microbiens existent réellement dans ces météorites, cela signifie que la vie a existé sur Mars durant la plus grande partie de son histoire et qu’il pourrait encore y en avoir aujourd’hui.
Les biomarqueurs signent la vie
Comme on le voit, tous les arguments avancés par les uns et les autres au sujet l'origine de la météorite ALH84001 et des structures qu'elle contient sont sujets à débat, depuis la forme des globules carbonatées jusqu'aux différentes réactions chimiques qui se seraient produites au fil du temps.
Cette controverse démontre qu’il demeure toujours difficile de reconnaître ce qui constitue exactement l’indice d’une forme de vie. C’est pour cette raison que la NASA travaille actuellement sur les “biomarqueurs”, des signes reconnaissables de la vie, afin de savoir quelle forme, quelle chimie et quelles structures minérales sont à la base des êtres vivants