Télomères et télomérase

 

Télomères et télomérase

La longue molécule d’ADN portant nos gènes est constituée de paires de base formant l’ADN : adénine, guanine, cytosine ou thymine, quatre "lettres" (AGCT) de l’alphabet du vivant. Elle est organisée sous la forme de chromosomes, de forme et de nombre variables selon les espèces.

Les télomères, ainsi baptisés du grec telos (fin) et meros (partie), désignent l’extrémité de ces chromosomes et sont constitués de séquences répétées. Dès les années 1930, les chercheurs ont suspecté que les télomères jouent un rôle de protection des chromosomes, et contribuent ainsi au maintien de l’intégrité du matériel génétique. Mais il a fallu attendre les années 1980 pour en comprendre le mécanisme. Depuis, de très nombreuses équipes travaillent sur la question.

Vieillissement cellulaire : nous avons l’âge de nos télomères

Caryotype humain. Les chromosomes, par paire, possèdent des bandes de coloration caractéristiques.

Caryotype humain. Les chromosomes, par paire, possèdent des bandes de coloration caractéristiques.

Au cours du développement de l’embryon, un grand nombre de divisions cellulaires assure la formation de l’organisme.

L’activité de l’enzyme télomérase est nécessaire à cette prolifération : composée d’une protéine et d’un ARN, cette molécule reconstitue l’extrémité des chromosomes.

A la naissance, et dans la plupart des tissus, on observe une réduction d’expression de la télomérase. La longueur des télomères va dès lors limiter le nombre de divisions possibles.

Lorsqu’un seuil-limite est atteint, c’est-à-dire que l’extrémité du chromosome a été "rongée" par les divisions successives, un signal antiprolifératif se déclenche et la cellule entre en sénescence.

Le prix à payer en est le vieillissement. Toutes les cellules ne connaissent pas ce destin.

Chez certains micro-organismes unicellulaires, comme les protozoaires ou les levures, l’activité télomérase ne faiblit pas et des cellules-filles peuvent avoir des chromosomes de même longueur que les cellules-mères.

Vers un marqueur universel ?
L’activité de la télomérase est étroitement liée au cycle de vie de notre organisme. Depuis sa découverte, la recherche a montré que des variations de la fonction télomérase sont observables dans les cancers, les pathologies cardiovasculaires, certains syndromes de vieillissement prématuré, des maladies génétiques rares et des troubles liés au stress, comme le stress hémodynamique. Dès lors, le dosage de l’activité télomérase dans nos tissus pourrait devenir un jour un marqueur prédictif et pronostique de notre santé.

Les cellules souches échappent au vieillissement

Les télomères (en jaune) sont des structures nucléoprotéiques qui protègent l'extrémité des chromosomes contre la dégradation.

Les télomères (en jaune) sont des structures nucléoprotéiques qui protègent l'extrémité des chromosomes contre la dégradation. L'action de la télomérase (en vert) permet l'addition d'ADN télomérique à l'extrémité des chromosomes et la synthèse de novo de télomères.

Un type cellulaire connaît une activité télomérase remarquable : les cellules-souches. On sait qu’une cellule souche se divise typiquement en deux cellules-filles, une qui conserve sa capacité de se renouveler à l’identique, une autre qui entame un processus de différenciation pour former tel ou tel tissu fonctionnel de l’organisme.

L’autorenouvellement de la cellule souche est notamment assuré par le maintien de son activité télomérase, et donc de l’extrémité terminale des chromosomes. On parvient aujourd’hui à obtenir des cellules souches multipotentes à partir de cellules somatiques adultes, déjà différenciées (cellules iPS pour induced Pluripotent Stem cells). La compréhension de l’action de la télomérase va jouer un rôle de premier plan dans la mise au point des thérapies cellulaires, à la condition de pouvoir maîtriser le risque prolifératif.

Des maladies rares liées aux anomalies des télomères
Plusieurs maladies rares sont associées à un dysfonctionnement des télomères. Ainsi, la dyskératose congénitale classique est due à deux mutations dans les gènes (DKC1, TERC) codant pour les composants du complexe télomérase. On retrouve ces anomalies dans des formes d’anémie aplasiante, de myélodysplasie ou du syndrome de retard mental avec hypoplasie cérébelleuse et pancytopénie (syndrome de Hoyeraal-Hreidarsson).

Télomères et cancers

Si le ralentissement puis l’arrêt de la division cellulaire provoquent le vieillissement de l’organisme, le phénomène inverse peut être délétère : le cancer est en effet défini par l’immortalisation acquise de cellules, dont la prolifération forme la tumeur primitive, puis les métastases colonisant les autres tissus. Il a été montré que dans ces cellules tumorales, plusieurs mécanismes concourent à la réactivation de la télomérase et donc au rallongement de l’extrémité des chromosomes. De même des équipes françaises ont identifié certains polymorphismes du gène de la télomérase (hTERT) comme un facteur de susceptibilité aux cancers du poumon et à certaines tumeurs cérébrales. Les chercheurs travaillent à au développement d’inhibiteurs ciblés de la télomérase en vue de bloquer le processus prolifératif.

Prix Nobel 2009 pour les télomères
Le Prix Nobel 2009 a été attribué à Elizabeth H. Blackburn, Carol W. Gleider, qui était son étudiante dans les années 1980, et Jack W. Szostak pour le rôle déterminant de ces chercheurs dans la compréhension des télomères et la découverte de la télomérase. À cause de leur importance dans le maintien de l’intégrité du génome et de leur rôle dans le contrôle de la prolifération cellulaire, les télomères et la télomérase représentent un acquis scientifique majeur en biologie et médecine. En travaillant en amont sur une question très fondamentale, la stabilité de fragments linéaires d’ADN chez les ciliés et la levure, les trois chercheurs ont mis en évidence une enzyme et des mécanismes biochimiques ayant aujourd’hui des applications très concrètes dans le domaine médical. Cette aventure incroyable, dont ils n’imaginaient certainement pas la portée au début des années 1980, est un remarquable exemple de l’importance de la recherche fondamentale et des systèmes modèles.

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30/10/2013
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