Littérature allemande de science-fiction : Partie 1

 

Littérature allemande de science-fiction

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Catégorie:science-fiction

La littérature allemande de science-fiction regroupe toutes les productions littéraires germanophones, qu'elles soient d'origine allemande, suisse ou autrichienne, relevant du genre de la science-fiction. La littérature allemande de science-fiction au sens moderne du terme apparaît à la fin du XIXe siècle avec l'écrivain Kurd Laßwitz, au moment où, en France, Jules Verne a déjà écrit la plus grande partie de ses Voyages extraordinaires, tandis qu'en Grande-Bretagne Herbert George Wells travaille encore à la publication de L'Homme invisible.

À partir de 1949, la création de deux Allemagnes concurrentes a un impact direct sur l'évolution de la littérature d'anticipation des deux côtés du rideau de fer. À l'Ouest, le modèle américain majeur du space opera donne naissance à une série à succès intitulée Perry Rhodan, tandis qu'à l'Est le régime socialiste encadre strictement un genre qui n'a de raison d'être que par ses affinités philosophiques avec le concept socio-historique d'utopie. Enfin, à partir des années 1990, la littérature allemande de science-fiction trouve sa place sur la scène internationale avec les romans de jeunes écrivains nés après-guerre, comme Andreas Eschbach.

Sommaire

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Le terme « Science Fiction » dans la langue allemande [modifier]

La langue allemande contemporaine utilise le terme anglo-saxon de Science Fiction, en conservant sa prononciation d'origine : [ˌsaɪənsˈfɪkʃn̩]. Le mot Science Fiction peut être abrégé en SF, Sci-Fi ou SciFi. Ces différents diminutifs sont parfois connotés : tandis que SF renvoie communément à la science-fiction dans son ensemble, Sci-Fi est utilisé de manière plus péjorative pour désigner un genre commercial de piètre qualité.

Si le terme contemporain de Science Fiction s'est imposé à partir de la fin des années 1950, la langue allemande disposait auparavant de nombreux autres termes spécifiques. Ainsi parlait-on de Zukunftsroman (« roman d'anticipation »), de technischer Zukunftsroman (« roman d'anticipation technique »), de utopischer Roman (« roman utopique »), de utopisch-technischer Roman (« roman utopique technique »), ou de wissenschaftlich-phantastischer Roman (« roman scientifique fantastique »).[1] Entre 1949 et 1990, en République démocratique allemande, le terme courant était wissenschaftliche Phantastik (« fantastique scientifique »), un vocable directement traduit de l'expression russe Научная фантастика.

Histoire du genre [modifier]

Précurseurs du genre [modifier]

Portrait de Johannes Kepler
Portrait de Johannes Kepler

En 1634 paraît de manière posthume le Somnium de l'astronome allemand Johannes Kepler qui distille ses nouvelles idées sur la cosmologie à l’occasion d'un voyage imaginaire de la Terre à la Lune. Si le texte s'apparente au genre de la science-fiction au sens presque moderne du terme et fut effectivement l'œuvre d'un Allemand, il fut cependant rédigé en latin dans sa version originale. Sa première paraphrase allemande, Traum von Mond (Rêve de Lune), fut publiée par Ludwig Günther en 1898, une époque où l'Europe voit naître ses premiers grands récits d'anticipation scientifique.

Au XVIIIe siècle, en 1744, Eberhard Christian Kindermann, un astronome amateur, imagine un voyage sur la première lune de Mars dans un court récit intitulé Die geschwinde Reise auf dem Lufft-Schiff nach der Oberen Welt, welche jüngsthin fünff Personen angestellet […] (Le Rapide Voyage dans le monde supérieur effectué tout récemment par cinq personnes à bord d'un aérostat). Ce texte est généralement considéré comme le premier récit de science-fiction de langue allemande.[2] Le récit de Kindermann se distingue par l'attention toute particulière que l'auteur porte aux aspects techniques de son voyage imaginaire : la carte du ciel, le calcul de la distance qui sépare Mars de la Terre, l'utilisation de la théorie du vide de Franceso Lana-Terzi, datant de 1670. Le style est caractéristique de l'époque baroque tardive avec des allégories tirées de la mythologie gréco-romaine (Fama ou le dieu Bellone) et de nombreuses références religieuses. Le monde de Mars y est présenté comme une utopie religieuse dans laquelle les habitants communiquent directement avec Dieu, sans l'intercession de la Bible.

Classicisme et romantisme allemand [modifier]

Portrait d'E.T.A. Hoffman
Portrait d'E.T.A. Hoffman

En 1755, le philosophe Emmanuel Kant publie une Histoire de la nature et théorie du ciel, inspirée des théories nouvelles d'Isaac Newton. La dernière partie de ce traité est plus particulièrement consacrée aux planètes du système solaire qui, selon Kant, sont toutes nécessairement habitées pour permettre la migration des âmes. Cette thèse ouvre dès lors la voie aux rencontres interplanétaires. Quelques décennies plus tard, à la fin du XVIIIe siècle, l'écrivain allemand Jean Paul (1763-1825) écrit un court récit intitulé Der Maschinenmensch (L'Homme-machine) qui ironise à la fois sur la mécanisation possible de toutes les actions humaines (se réveiller, mâcher, écrire, etc.) et sur l'approche matérialiste de La Mettrie qui avait publié le traité éponyme en 1747.[3]

Inspiré par le roman gothique anglais qui associe le sens du merveilleux à la spiritualité dans une atmosphère sombre mêlée d'angoisse, le romantisme allemand développe des thématiques qui explorent les limites de la rationalité. Ainsi, certains Nachtstücke (Contes nocturnes) d'E.T.A. Hoffmann (1776-1822) évoquent des thèmes apparentés à la science-fiction, comme l'automate à forme humaine et le trafic d'organes humains, par exemple dans L'Homme au sable (1816). Mais le traitement littéraire fantastique de ces éléments fait toujours hésiter le héros hoffmannien entre une interprétation savante des faits et la crainte d'être tout simplement victime d'hallucinations.[4]

Cette période voit également paraître en 1810 un roman d'anticipation de Julius von Voß, un écrivain populaire et très prolifique. Ini. Ein Roman aus dem einundzwanzigsten Jahrhundert (Ini, un roman du vingt-et-unième siècle) raconte l'histoire de Guido, le fils du président des États-Unis d'Europe, qui vit de nombreuses aventures à travers le monde et finit par tomber amoureux de la princesse africaine Ini, alors qu'une guerre éclate entre l'Europe et l'Afrique. Le récit est une parodie du Bildungsroman, un genre littéraire caractéristique de la littérature allemande classique. En 1824, Julius von Voß publie également une pièce de théâtre en cinq actes qui relate un voyage dans le temps présent, passé et futur. Premier acte : Berlin im Jahre 1724 (Berlin en l'an 1724), deuxième et troisième actes : Berlin im Jahre 1824 (Berlin en l'an 1824), quatrième et cinquième actes : Berlin im Jahre 1924 (Berlin en l'an 1924).[5]

Révolution industrielle et Prusse wilhelminienne : 1870-1918 [modifier]

Ce sont tout à la fois les révolutions industrielles du XIXe siècle, la revalorisation de la pensée rationnelle et la foi dans le progrès technique comme instrument privilégié du progrès des sociétés humaines qui permettent à la science-fiction moderne de se développer comme genre littéraire à part entière. En 1878, alors qu'en France Jules Verne arrive au sommet de sa production littéraire, la science-fiction allemande moderne naît avec les premières nouvelles de Kurd Laßwitz (1848-1910). La production littéraire relativement limitée de Kurd Laßwitz, à la fois éditeur, savant et enseignant, culmine avec Auf zwei Planeten (Sur deux Planètes), publié en 1897. Ce roman-fleuve de près de mille pages raconte la découverte d'une station martienne au pôle nord, puis le dialogue difficile entre les civilisations terrienne et martienne, prêtes à entrer en guerre. Entre sa date de parution et son interdiction sous le IIIe Reich, le roman se vendit à 70 000 exemplaires, un chiffre important pour l'époque[6]. L'œuvre de Kurd Laßwitz, composée de trois romans et de nombreuses nouvelles, développe des récits à caractère technique très largement inspirés du néo-kantisme et de l'œuvre du psycho-physicien Gustav Fechner.[7]

Un Zeppelin au-dessus de Manhattan.
Un Zeppelin au-dessus de Manhattan.

Au début du XXe siècle siècle, la naissance des dirigeables de type Zeppelin stimule grandement l'imagination des auteurs d'anticipation. Emil Sandt fut l'un des plus célèbres représentants de cette vague d'écrivains qui se donnaient pour mission culturelle de propager dans toute la population leur enthousiasme pour les plus légers que l'air. Cavete ! (Cavete !) fut l'un des romans les plus populaires de l'ère wilhelminienne et valut à Emil Sandt le titre de « Jules Verne allemand » - un honneur que l'auteur, modestement, refusa.[8] À cette époque d'euphorie généralisée pour l'aéronautique, il n'y aura qu'un satiriste aussi acerbe que l'écrivain autrichien Karl Kraus pour oser affirmer en 1908 : « Je date la fin du monde des débuts de l'aéronautique. »[9]

En 1909, Max Popp rend un hommage appuyé à Jules Verne dans la première biographie allemande du romancier français, Julius Verne und sein Werk. Des großen Romantikers Leben, Werke und Nachfolger (Jules Verne et son œuvre. La vie, les œuvres et les successeurs du grand romancier), inspirée des travaux contemporains de Charles Lemire. Dans la seconde et troisième partie de son ouvrage, Max Popp propose la première grande synthèse littéraire sur le genre de l'anticipation technique à cette époque.[10]


Contemporain de Kurd Laßwitz, Paul Scheerbart (1863-1915) est un utopiste fantasque et antimilitariste qui publie des romans d'anticipation proches des contes philosophiques de Jonathan Swift. Le développement de l'imaginaire cosmique de l'auteur prend le pas sur la description des éléments techniques propres au genre. Ses deux romans les plus célèbres sont Die Große Revolution. Ein Mondroman (La Grande Révolution. Un roman lunaire), daté de 1902, et Lesabéndio. Ein Asteroïden Roman (Lesabéndio. Un roman d'astéroïdes), paru en 1913. Paul Scheerbart brosse le portrait de civilisations lunaire ou extra-terrestre qui s'émerveillent devant le spectacle d'un univers qui chorégraphie le mouvement des planètes et la naissance des étoiles.

Cette même année 1913 paraît Der Tunnel (Le Tunnel) de l'écrivain Bernhard Kellermann (1879-1952). Ce roman connaît un tel succès éditorial[11] qu'il sera adapté à deux reprises au cinéma en l'espace de vingt ans[12]. Le roman décrit de manière saisissante les conséquences économiques et sociales de la construction d'un gigantesque tunnel ferroviaire sous l'océan Atlantique, destiné à relier l'Europe à l'Amérique.

Dans le sous-genre particulier de la nouvelle d'anticipation, Carl Grunert se distingue par la publication à succès d'une trentaine de récits de science-fiction entre 1903 et 1910. Ses recueils les plus marquants furent Feinde im Weltall ? (Des ennemis dans l'univers ?) et Der Marsspion (L'espion de Mars). Carl Grunert multiplie dans son œuvre les clins d'œil à Jules Verne, Kurd Laßwitz ou Herbert George Wells et développe certaines de leurs idées de manière originale.

Dans le domaine des publications périodiques, le roman populaire et anonyme Der Luftpirat und sein lenkbares Luftschiff (Le Pirate de l'air et son aérostat dirigeable) connaît un franc succès éditorial entre 1908 et 1912 avec 165 livraisons paraissant à un rythme hebdomadaire. Justicier solitaire et maître des hautes strates de l'atmosphère, le pirate de l'air à l'œuvre dans le roman est clairement inspiré des héros de Jules Verne, sorte de synthèse entre Robur le Conquérant et le Capitaine Nemo[13]. L'un des auteurs présumés de ce roman à épisodes, Oskar Hoffmann[14], écrivit plusieurs autres romans d'anticipation entre 1902 et 1911 qui mettent en scène la conquête de l'air par des ballons dirigeables ainsi que des ouvrages de vulgarisation sur l'astronomie et la technique.

Le roman à fascicules est représenté à cette époque par un auteur aussi prolixe que populaire, Robert Kraft (1869-1916). Ses innombrables romans (près de 40.000 pages imprimées[15]) balaient tous les genres, avec une prédilection pour les histoires fantastiques, le récit d'aventures et le roman d'anticipation. C'est ainsi que paraissent en 1909 Der Herr der Lüfte (Le seigneur des airs), Die Nihilit-Expedition (À la recherche du nihilit), Im Zeppelin um die Welt (En dirigeable autour du monde), ou bien, en 1910, Im Aeroplan um die Erde (En aéroplane autour de la Terre).

République de Weimar : 1919-1932 [modifier]

Après la défaite allemande de la Première Guerre mondiale, le paysage science-fictionnel de la République de Weimar est marqué par un tenace esprit de revanche qui donne naissance à une pléthore d'œuvres militaristes souvent de piètre qualité littéraire. L'ingénieur allemand, soudain promu défenseur suprême de la nation humiliée, invente des armes nouvelles et extraordinaires, capables de faire oublier à l'ennemi son odieux traité de Versailles. Dans cet esprit paraissent pour la seule année 1922 des romans comme Deutschlands Neubewaffnung und Freiheitskampf (Le réarmement de l'Allemagne et son combat pour la liberté), paru anonymement, Der zweite Weltkrieg (La Seconde Guerre mondiale) de Werner Grassegger, ou bien Der letzte Kampf (Le dernier combat) de Hans Bußmann.[16] À l'opposé, certains auteurs, comme Karl-August Laffert avec Fanale am Himmel (Des fanals dans le ciel) paru en 1925, combattent ce revanchisme forcené par la vision d'un « pacifisme agressif » où la paix est amenée et garantie par les armes.[17]

Hanns Hörbiger
Hanns Hörbiger

Sur le plan scientifique, la cosmogonie glaciaire (Welteislehre) de l'ingénieur allemand Hanns Hörbiger, publiée en 1912, frappe les esprits de l'époque. L'idée d'un univers thermodynamique, où des boules de feu (soleil, étoiles) et des blocs de glace (planètes, astéroïdes) entrent en collision, sert d'arrière-plan scientifique à des romans comme Der Untergang der Luna (La fin de la Lune), écrit par Karl-August Laffert en 1912, ou bien Die Sintflut von Atlantis (Le déluge de l'Atlantide) de Georg Theodor Fuhse, paru en 1928.[18]

Pendant les années 1920 et 1930 sont effectués les premiers essais techniques de fusées à réaction qui aboutissent à la création du premier club aérospatial du monde à Berlin-Tegel, le Verein für Raumschiffahrt (Club d'Aéronautique Spatiale). Cet engouement pour les fusées donne bientôt naissance à un courant littéraire dénommé Weltraumbewegung (Mouvement pour l'espace) dans lequel s'illustrera un écrivain comme Otto Willi Gail (1896-1956). Inspirée par les travaux de l'ingénieur allemand Hermann Oberth[19] vulgarisés par Max Valier, l'œuvre d'Otto Willi Gail est presque entièrement consacrée au voyage dans l'espace, avec de nombreuses considérations scientifiques et techniques, comme par exemple dans Hans Hardts Mondfahrt (Le Voyage dans la Lune de Hans Hardt, 1928) qui peut se lire comme une réponse moderne au roman de Jules Verne De la Terre à la Lune (1865).[20]

L'un des auteurs d'anticipation les plus populaires et les plus prolifiques de cette époque fut sans aucun doute Otfrid von Hanstein dont une douzaine de romans furent rapidement traduits en anglais - à la demande de Hugo Gernsback. Ses œuvres mêlent généralement aux récits d'aventures des enquêtes policières et des anticipations techniques. Ses titres majeurs furent Die Farm des Verschollenen (La ferme du disparu, 1924), Elektropolis (Radiopolis, 1927) ou Mond-Rak I (Jusqu'à la Lune en fusée aérienne, 1929).

La série romanesque d'anticipation en vogue en Allemagne dans les années 1920 s'intitule Phil Morgan, der Herr der Welt (Phil Morgan, le maître du monde). Elle paraît anonymement de 1914 à 1920, avant d'être rééditée dès 1922. Les 170 fascicules de longueur variable qui constituent cette série mettent en scène Phil Morgan aux commandes de son « appareil-phénomène », un véhicule tout-terrain qui lui permet de voyager sur terre, sur mer, dans les airs et même dans l'espace.[21]

La République de Weimar connaît également les débuts littéraires d'un écrivain qui connaîtra un immense succès éditorial, Hans Dominik (1872-1945). Ancien élève de Kurd Laßwitz, Hans Dominik mène de front une carrière d'ingénieur électricien et de journaliste scientifique avant de se consacrer entièrement à l'écriture de romans d'anticipation technique. Au cœur des romans de Hans Dominik, on trouve l'invention scientifique et l'extrapolation technique, avec la figure centrale de l'ingénieur allemand dont la découverte, fort convoitée, promet d'améliorer le sort des citoyens du monde. Hans Dominik utilise efficacement les archétypes littéraires du récit d'anticipation, du roman d'espionnage et de la fiction géopolitique, et invente un rythme nouveau, faisant se succéder rapidement les différentes scènes du récit, alternant fréquemment les points de vue de différents personnages, etc. Ses premiers succès populaires furent Die Macht der Drei (La puissance des trois, 1921), Atlantis (L'Atlantide, 1924) ou Das Erbe der Uraniden (L'héritage des Uranides, 1926).

Science-fiction et nazisme : 1933-1945 [modifier]

L'Allemagne nazie exerça un contrôle idéologique important sur toute la littérature produite à partir des années 1930, par l'intermédiaire de la Reichskulturkammer, créée le 22 septembre 1933. La censure frappe aussi bien les auteurs d'anticipation allemands (comme Kurd Laßwitz, jugé trop démocratique et pacifiste[22]) que la science-fiction d'origine étrangère lorsque l'idéologie n'embrasse pas suffisamment les valeurs du national-socialisme.[23] Cette période de terreur intellectuelle déclenche également une vague d'émigration qui touche le monde naissant de la science-fiction allemande avec, par exemple, la fuite aux États-Unis de l'écrivain Curt Siodmak — qui deviendra plus tard scénariste pour les studios d'Hollywood — et du cinéaste Fritz Lang qui s'était distingué par deux films relevant du genre, son célèbre film dystopique Metropolis en 1927, puis La Femme sur la Lune (Frau im Mond) en 1929.

Politiquement isolée des productions étrangères, la science-fiction allemande des années 1930 et 1940 est dominée par les romans de Hans Dominik (1872-1945), toujours aussi populaires. Par les thèmes qui y sont abordés et les sujets qui y sont développés, l'œuvre de Hans Dominik va à la rencontre de l'idéologie nazie. Si l'auteur est positivement partisan d'une union fédérale des États européens sous domination allemande, il manifeste un souci marqué pour le maintien de l'hégémonie de la race blanche sur le reste du monde. De même, la figure du traître, l'un des éléments-moteurs des intrigues chez Hans Dominik, est toujours un Blanc vendu à une cause étrangère qui meurt finalement dans d'horribles souffrances. Les grands succès de Hans Dominik à cette période sont Atomgewicht 500 (Poids atomique 500, 1934), Lebensstrahlen (Rayons vitaux, 1938) ou Treibstoff SR (Carburant RI, 1940), le dernier roman de Dominik, qui sera envoyé aux troupes allemandes sur le front comme cadeau de Noël, malgré la pénurie de papier et de main-d'œuvre dans les imprimeries à cette époque[24].

Officiellement soutenue par le régime nazi, la théorie de la cosmogonie glacière de Hanns Hörbiger continue de nourrir l'imaginaire des auteurs d'anticipation de cette période[25], tout comme l'énergie atomique du radium ou les ondes cérébrales, mesurées pour la première fois en 1929 par le physiologiste allemand Hans Berger. Dans le domaine de la construction, Egon Hundeicker, avec Alumnit (1934), et Paul Eugen Sieg (1899-1950), avec Detatom (1936), présentent des ingénieurs allemands capables d'inventer un nouveau matériau de synthèse, plus dur que l'acier, mais très léger, qui permet de voyager dans l'espace et d'assurer la suprématie de la technique allemande.

Le concept de Lebensraum, utilisé par Adolf Hitler pour justifier sa politique expansionniste, incite certains auteurs de cette époque à reprendre à leur compte l'ambitieux projet Atlantropa de l'architecte allemand Herman Sörgel : la construction d'un barrage sur le détroit de Gibraltar qui relierait l'Europe au continent africain. Dans Die Brücke des Schicksals (Le pont du destin), écrit par Wolfgang Lindroder en 1937, ou bien Dämme im Mittelmeer (Des barrages sur la Méditerranée), écrit par Walter Kegel la même année, l'asséchement de la Mer méditerranée permet un gain de territoire important et la fusion territoriale de deux continents entiers. L'idée sera reprise en 1938 par Titus Taeschner dans Eurofrika. Die Macht der Zukunft (Eurafrique. La puissance du futur).[26]

Dans le domaine des romans populaires à épisodes, les années 1930 sont marquées par l'immense succès de Sun Koh, der Erbe von Atlantis (Sun Koh, l'héritier de



10/05/2008
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