A quoi ressemblera le monde en 2050 ?
L’Histoire n’est jamais linéaire. Elle réserve toujours des surprises, parfois bonnes, souvent mauvaises. Mais elle est d’abord ce que nous en faisons.
Les enfants nés aujourd’hui auront 43 ans en 2050. C’est demain : il faut 15 ans pour mener à bien un projet comme le TGV, entre la prise de décision politique et l’inauguration de la première liaison, 20 ans pour conduire un projet comme celui du Tunnel sous la Manche, beaucoup plus pour faire évoluer les mentalités.
A quoi ressemblera demain ?
S’il suit son cours actuel -ce qui n'est évidemment pas souhaitable-, on peut, sans être devin, nourrir quelques certitudes et entrevoir quelques mouvements majeurs pour le monde de 2050 :
• L’Asie (Chine, Inde, Indonésie…), par sa démographie, sa croissance économique, sa puissance militaire, sa capacité de recherche, sera devenue le “centre“ du monde, poursuivant un mouvement historique de glissement des centres vers l’Ouest, entamé au début du XXe siècle, avec le passage de relais de l’Europe à l’Amérique du nord.
• La croissance, à marche forcée, vers le modèle occidental, de la zone asiatique, augmentée de quelques pays d’Amérique Latine comme le Brésil, s’accompagnera d’une destruction systématique de l’environnement (disparition de plus de 50% de la faune et de la flore existantes aujourd'hui) et d’une pollution qui aura aggravé durablement et, sans doute de manière irréparable, les dérèglements climatiques déjà sensibles aujourd'hui. La concentration des populations sur les zones côtières amplifiera les conséquences dramatiques des catastrophes naturelles de tous ordres.
• S’il est probable que nous saurons nourrir l’ensemble de la population du globe, il est également probable que les matières premières, énergétiques ou non, tirées du sol et du sous-sol de la planète, auront été surexploitées, au point d'être épuisées ou en voie d’épuisement rapide, conduisant le monde à des changements brutaux de modèles économiques et à des conflits armés pour le contrôle des matières premières.
• Deux mouvements contradictoires modèleront nos sociétés : le développement de l'individualisme, d'une part, et celui des religions messianiques –la religion musulmane et sans doute, en réaction, la chrétienté-, les nationalismes -notamment pan-arabe, ou islamique, chinois, hindou, etc- et autres particularismes (régionaux, raciaux, sociaux, communautaristes).
• La montée en puissance de nouvelles nations conduira évidemment à la prolifération d’armes de toutes sortes (atomiques, chimiques, biologiques) et multipliera les occasions de conflits locaux ou régionaux brutaux.
• Des puissances nouvelles, transnationales, auront réduit, l’autorité et la capacité des Etats, transformant le monde en un maelstrom réellement multi-polaire : entreprises multinationales, ONG, groupes d’opposition violente, terrorismes de tous poils, mafias, souvent dotés de forces armées privées, redoutablement équipées, contrôleront de vastes zones où aura disparu toute autorité légale, au sens où nous l'entendons aujourd'hui.
• Environ 80% de la population, vieillissante, de la planète (en tout 8 à 10 milliards d’hommes), après un vaste mouvement d’émigration des campagnes vers les villes, sera concentrée dans des zones urbaines, n’occupant pas plus de 20% de sa surface habitable de la planète. Ces urbanisations monstrueuses seront un collage de zones verticales, protégées, sécurisées, fortifiées peut-être, réservées aux populations riches, cernées de vastes zones horizontales de misère.
• En l’absence d'instances régulatrices globales, la toute-puissance du marché et l'autonomie d'une sphère financière dévoreuse de profits auront accru les disparités économiques, régionales d’une part, individuelles d’autre part : moins de 20% de la population détiendra plus de 80% des richesses du monde. A l’aisance insolente de quelques-uns s’opposera la pauvreté criante de l’immense majorité.
• Ces disparités économiques, tout comme les changements climatiques, entraîneront le déplacement forcé, l'émigration de centaines de millions de personnes, qui chercheront asile dans les zones les plus sûres, au risque de conflits violents avec les populations des zones d'accueil.
• La résistance aux changements des puissances traditionnelles les conduira à mener des guerres préventives avec les puissances montantes, Etats ou autres et à connaître, en retour, un développement de la violence civile, des guérillas urbaines et des actions terroristes.
• Le concept de démocratie sera battu en brèche par des tenants de régimes forts, territoriaux ou non, certainement militarisés, s’appuyant sur des idéologies fondées sur les religions, les nationalismes, les différences raciales, le besoin de sécurité. Des formes d'organisation sociale, autonomes des Etats et des autres puissances, tenteront de se développer en réseau, principalement hors des centres urbains. Elles s'apparenteront à des mouvements de résistance passive ou active.
• Les intérêts divergeants des pouvoirs traditionnels (Etats, groupes d'Etats ou Etats entre eux) et des pouvoirs nouveaux (énumérés ci-dessus) ralentiront ou empêcheront l'émergence ou le développement d'organisations de régulation, de gouvernements planétaires ou autres instances gardiennes de l'intérêt général. Les institutions internationales actuelles, dévoyées de leurs objectifs premiers pour défendre les intérêts égoïstes des nations les plus puissantes, sans moyens et sans légitimité, perdront en influence.
• Bien sûr, la science aura fait des progrès. Mais ceux-ci, conduits par des intérêts privés plus que publics, seront-ils tournés vers la recherche fondamentale, vers celle du bien commun ou vers la recherche fondamentale du profit immédiat, insouciante de l’intérêt général et de tout humanisme (développement de l'eugénisme, d'organismes génétiquement modifiés, de substances propres à rendre dociles les populations, etc) ?
Voilà ce qu’on peut prévoir à peu près certainement (à cela s’ajoute l’imprévisible, dont on peut espérer qu'il aura meilleure mine).
Mais est-ce ce monde, vers lequel nous allons à coup sûr, si nous ne changeons rien, que nous voulons réellement, pour les plus jeunes d’entre nous et pour les enfants des autres ?
Si oui, ne changeons rien. Si non, il est temps de retrousser nos manches. Et vite.
PS - Ce texte est la réédition amendée d'un post déjà publié ici le 26 décembre 2006. Il se terminait ainsi : “La campagne électorale qui débute mettra-t-elle ces dangers au cœur du débat, montrera-t-elle à quel point les enjeux environnementaux et financiers en sont la clé, leur cherchera-t-elle des solutions ou s'acharnera-t-elle à les maquiller ?“ La réponse est claire, non ?