La foudre en boule
La foudre en boule
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Le phénomène de la foudre en boule 1, ou du moins un phénomène aux caractéristiques semblables est rapporté dès le 17ème siècle. Arago en regroupe nombre de témoignages, et l'on parvient même à en produire de premières photographies [2].
Il reste cependant mal connu et son existence reste longtemps contestée par les physiciens [3]. Alfred Hands par exemple, les réduit à l'imagination ou des illusions, des citant explications de reflet sur des assiettes métalliques ou de petite trombe [4]. Le phénomène est aussi parfois interprété comme des météores au comportement étrange 2. A l'image de la chute des pierres de L'Aigle pour ces mêmes météores, la foudre en boule commence cependant à être plus sérieusement considérée à partir des années 1950s, lorsque des personnalités scientifiques ont l'occasion de les observer de près, lorsque certaines de ces boules lumineuses pénètrent chez eux.
Pouvant varier de la taille d'une balle de golf à celle d'un ballon de football, voire plus, la foudre en boule s'observe surtout pendant les orages (90 % des cas), et sur une durée courte (en moyenne 6 s, mais peut atteindre plusieurs mn). La "boule" peut avoir des mouvements variés, indépendants du vent et de la gravité.
La revue Forces Aériennes Françaises fit paraître dans son n° 235 un article important de l'ingénieur général Barbé, de la Météorologie Nationale. Dans cet article sont présentés les résultats d'une étude portant sur plus de 300 cas de foudroiement d'avions en vol survenus pendant la période 1949-1966. Pendant cette période, le phénomène de déplacement d'une boule de feu à l'intérieur de l'avion, phénomène qui avait particulièrement frappé les aviateurs à la fin de la 2nde guerre mondiale, a été plus d'une fois signalé et présenté par M. Barbé comme une manifestation de foudre globulaire. Qu'il s'agisse d'un vol dans un cumulus, dans des nuages de grêle, ou dans un cumulus avec plus faible, le phénomène faisait son apparition avec quelques variantes allant d'une boule de feu orange à une boule bleue d'un diamètre de 15 cm [5].
Pendant un orage, des témoins observent une boule de feu ressemblant de très près à la foudre, d'une taille variable d'environ plusieurs dizaines de centimètres de diamètre. Sa luminosité est très vive. Contrairement à la foudre, cette boule lumineuse reste stable pendant plusieurs secondes et de déplace de manière erratique, le long des conduits de fils électriques, le plus souvent. Puis, brusquement, elle disparaît en laissant derrière elle une odeur d'ozone. Elle peut, entre-temps, incendier des dépôts de carburant ou brûler des ouvrages, sinon exploser et tuer des personnes qui se trouvent à proximité, comme ce fut le cas pour le physicien Raichman, à Leningrad en 1753. D'autres témoignages indiquent que la foudre globulaire traverse les vitres, les murs ou les rideaux sans causer le moindre incendie ou dommage.
Le plus étonnant est que la foudre globulaire reste insensible au vent, semble osciller, tourner sur elle-même comme une toupie, changer de direction.
Un phénomène "impossible"
Kapitza (organisateur des recherches nucléaires soviétiques) met sur pied une théorie et dresse un programme de recherches sur ce phénomène déroutant. Les américains, croyant à une recherche militaire dont le but serait de détruire des avions en vol grâce à un phénomène équivalent, s'attelent aussi aux recherches, et en 1965, des efforts considérables sont entrepris pour retenir toutes les hypothèses possibles sur ce phénomène et donner aux recherches une orientation quelconque [8]. Pour Kapitza, la foudre globulaire serait une décharge provoquée par des ondes de radiofréquence émises lors de l'orage et localisées par réflexion sur des obstacles naturels. Il calcule que, pour qu'un tel phénomène puisse subsister au moins quelques s — comme c'est fréquemment le cas — il faudrait qu'il renferme plus d'énergie par cm3 que n'en contient dans un égal volume le plasma complètement déshabillé du nuage atomique. Il conclut que c'est impossible, à moins que des principes de la physique ne soient révisés ou qu'il existe une forme d'énergie encore inconnue. Pour que la foudre globulaire — ou "plasmoïde" — puisse subsister, il faut qu'elle soit entretenue par un apport continu d'énergie. Cet entretien ne pourrait être qu'électromagnétique. Il faudrait donc que, par un phénomène de résonance, ou par "un guidage d'ondes", elle reçoive l'énergie nécessaire à son entretien.
En 1968, parce que nombre de témoignages d'ovnis évoquent des boules lumineuses, le phénomène est aussi examiné par le Symposium américain sur les ovnis [9], puis par le Comité Condon [10].
En 1971, 600 études sur le sujet sont été recensées dans le monde entier et un Comité International pour l'étude de ce phénomène est créé. Pour une majorité des physiciens, ce phénomène serait un des sous-produits de l'orage. En 1995, Claude Gary écrit : D'une façon générale, la plupart des physiciens s'accordent à penser que la foudre globulaire est un plasma fortement ionisé. Cette hypothèse s'appuie évidemment sur le fait que la foudre globulaire est toujours associée aux manifestations orageuses (...) Il est vrai qu'à peu près tout ce que l'on sait sur la foudre en boule résulte de témoignages, sur la validité desquels subsiste toujours un certain doute. Mais il existe un si grand nombre de descriptions à peu près concordantes que le fait ne peut plus être contesté. L'attitude qui consiste à rejeter ou à nier des phénomènes simplement parce qu'ils ne s'inscrivent pas dans les schémas ou modèles physiques connus ne relève à notre sens pas d'une épistémologie saine [11].
Le Dr. Paul Koloc, lui, théorise qu'un plasmoide en forme de tore peut être accidentellement créé lors d'un éclair de foudre et rester stable entre quelques secondes et quelques minutes [12].
Le professeur émérite Robert Crompton, de l'Université Nationale d'Australie, après avoir collecté 30 à 40 cas australiens sur une période de 10 ans, avoue ne pas parvenir à expliquer tous les cas rapportés par une même théorie. Pour lui, 2 théories se dégagent : [13]
- En se basant sur la physique des décharges électriques, la foudre frapperait et voyagerait lentement à travers des chemins conducteurs dans le sol. Un champ électrique élevé serait alors créé dans les airs alors que la foudre se déplace dans le sol, la foudre en boule se formant à partir de l'électricité se déchargeant dans ce champ.
- En se basant sur la chimie, la foudre frapperait une surface contenant de la silice et du carbone en proportions de 1 pour 2. La chaleur extrême de la foudre convertirait alors ces éléments chimiques en dioxide de carbone et nanoparticules de silicone, qui se gonfleraient en surface sous la forme d'une boule. La boule miroite alors que le silicone s'oxyde dans l'air, générant de la chaleur et de la lumière. Cette théorie semble plus probable 3 mais explique difficilement comment une foudre globulaire peut traverser les murs d'une maison ou d'un avion.
Exemples
La foudre en boule sera une des explications avancées pour expliquer les Foo Fighters (qui aurait eu, alors, une prédilection pour les bombardiers alliés entre 1943 et 1945).
La foudre en boule ou autre phénomène atmosphérique bizarre est également l'hypothèse d'explication qui vient tout de suite à l'esprit de Philip Klass lorsque celui dit lit dans le Wall Street Journal une critique favorable de Incident à Exeter de John G. Fuller, une affaire contenant de nombreux signalements de boules lumineuses près de lignes à haute tension en 1965.
On peut également se demander si la foudre en boule et les feux follets ne sont pas assimilables au même phénomène pour au moins une partie des observations.
Enfin, on note nombre de témoignages (et videos) où de petites boules de lumières en déplacement sont observées à côté de sites de crops circles.
Références :
- "Globular Lightning", Science, 1881
- "Star of Bethleheim, Globular Lightning", Science, 20 décembre 1887
- "A Fireball", Science, 29 avril 1892
- "Electrical Phenomena on Mountains", Science, 20 janvier 1893
- "Ball Lightning", Science, 28 janvier 1910
- "Ball Lightning", Science, 26 juin 1924
- "A Peculiar Lightning Phenomenon", Science, 22 décembre 1929
- "Observations of Lightning", Science, 3 octobre 1930
- Frazer, Calvin: "Ball Lightning Still Natures Riddle", Modern Mechanics, novembre 1931, pp. 98-101,195
- "Ball Lightning Phenomena", Science, 27 octobre 1933
- Fouchet, Jacques: "Le mécanisme complexe de l'éclair et le mystère de la foudre en boule", La Nature, 1964, 81.
- Claudon, Julien et Mouette, Josselin, La Foudre en Boule, École Normale Supérieure de Lyon, Département des Sciences de la Matière
- Greenwood, B.: "Ball Lightning Bibliography", Project 1947, 2001-2003
- Questionnaire de foudre en boule, TORnado and storm Research Organisation
- Formulaire de signalement de boule de feu, International Meteor Organization
- Anomalous Luminous Phenomena
- "Historical Mysteries: Ghostly lights as common as dew in Dixie"
- "Spooklights: Where to Find Them", About.com
- "ignis fatuus: The Foolish Fire", About.com
- Turner, David J., "The Missing Science of Ball Lightning", JSE, vol. 17, n° 3, pp. 435–496, 2003
- Wessel-Berg, Tore, "Ball Lightning and Atmospheric Light Phenomena: A Common Origin?", JSE, vol. 18, n° 3, pp. 439–481, 2004
- Ball lightning en anglais, Kugelblitz en allemand, foudre en boule ou globulaire en français
- Les fameuses bradytes de Flammarion
- Cette 2nde théorie reçu un soutien lorsque des chercheurs français réussirent à recréer des nanoparticules de silicone dans un laboratoire en utilisant de l'électricité. Un synchrotron confirma la présence des nanoparticules
- Peinture d'un artiste inconnu (Imp. Lemercier et Cie, Paris) in Desbaux, Emile: La Physique Populaire, Bibliothèque Camille Flammarion, Paris, 1891, p. 424-425. Domaine public, disponible auprès de l'Agence Martienne et de la Mary Evans Picture Library
- "A Remarkable Lightning Photograph", The Daily Picayune de New Orlean (Louisiane), lundi 3 décembre 1894
- Driscoll, Charles B.: "Ball Lightning" in "The World and All", The Winona Republican-Herald de Winona (USA), 5 juillet 1932
- Hands, A.: English Mechanic, 13 août 1909
- Phénomènes Spatiaux, revue du GEPA
- Gravure, 1845 < W. De Fontvielle, Eclairs et tonnerres, Hachette, 1874, p. 57
- Gravure de F. Pojet, 1901
- Lyttle, W. B. & Wilson, C. E.: "Survey of Kugelblitz Theories For Electromagnetic Incendaries", DTIC Report AD 370246, december 1965 < Ravnitzky, Michael < CUFON
- McDonald, J. E.: "Atmospheric Electricity", "Misapplications Of Atmospheric Physics In Past UFO Explanations", "Prepared Statement", UFO Symposium, 1968
- Altschuler, M. D.: "Ball Lightning" in "Atmospheric Electricity and Plasma Interpretations of UFOs", Scientific Study of Unidentified Flying Objects, Université du Colorado / USAF, 1968
- Gary, C.: La foudre, des mythologies antiques à la recherche moderne, Masson, 1995 < Lecomte, Michael: "Les 'foudres pensives'", Des énigmes et des hommes (Mary Kingsley, Un souvenir peu ordinaire, Le mythe de la foudre en boule)
- Koloc, P. M. (Prometheus II, Ltd): "The PLASMAK™ Configuration and Ball Lightning", International Symposium on Ball Lightning, juillet 1988 (Tokyo, Japon)
- Salleh, Anna: "Ball lightning bamboozles physicist", ABC Science online, 20 mars 2008
- Yatsumitsu Ohuchi, lycéen de Nagano, 1991
- Sankt Gallenkirch, 1978, Autriche