L'Échec d'une prophétie : dissonance cognitive

 

L'Échec d'une prophétie

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L'échec d'une prophétie
Auteur Leon Festinger, Henry Riecken, Stanley Schachter
Genre Essai
Version originale
Titre original When Prophecy Fails
Éditeur original Harper-Torchbooks
Langue originale Anglais
Pays d'origine États-Unis
Date de parution originale 1er janvier 1956
ISBN original 0061311324
Version française
Traducteur Sophie Mayoux, Paul Rozenberg
Éditeur PUF
Collection Psychologie sociale
Date de parution 1er juillet 1993
Type de média Broché
Nombre de pages 272
ISBN 2-13-045619-7

L'Échec d'une prophétie (When Prophecy Fails) est un essai américain considéré comme un classique de la psychologie sociale qui parut en 1956. Les auteurs, Leon Festinger, Henry Riecken et Stanley Schachter, ont cherché à analyser comment les individus réagissaient suite à la réfutation d'une croyance à laquelle ils adhéraient fortement. Pour cela ils ont suivi le parcours d'un groupe d'ufologistes persuadés de l'imminence de la fin du monde.

Dissonance cognitive [modifier]

L'ouvrage signale l'un des tout premiers cas publiés de dissonance cognitive. Cette théorie, élaborée par Leon Festinger, permet d'expliquer les conséquences psychologiques de la non confirmation d'espérances ou d'attentes importantes chez un individu. Avant le début de l'étude, Festinger et ses associés lurent un article dans leur journal local intitulé « La prophétie de la planète Clarion lance un appel à la ville : Fuyez cette inondation ». Une ménagère de Chicago, Marion Keech, avait reçu de mystérieux messages chez elle sous forme d'« écriture automatique » provenant d'extraterrestres de la planète Clarion. Ces messages lui révélèrent que le monde serait englouti par une grande inondation avant l'aube du 21 décembre. Le groupe de croyants, menés par Keech, s'était fortement impliqué dans cette croyance ce qui indiquait un haut degré de conviction. Ils avaient quitté leurs emplois ou les cours, leurs conjoints, et distribué argent et biens pour préparer leur départ à bord de la soucoupe volante qui devait les sauver, eux, le groupe de vrais croyants.

Prémisses de l'étude [modifier]

Festinger et ses collègues considérèrent l'événement comme un cas susceptible de conduire à une stimulation de la dissonance après l'échec de la prophétie. Il s'avérait difficile d'altérer la conviction de Keech et son groupe étant donné qu'ils avaient déjà produit des efforts considérables pour la maintenir et la renforcer. Une autre option aurait été de mobiliser un soutien extérieur adhérant à leurs convictions. Comme Festinger l'a écrit: « Si de plus en plus de gens peuvent être convaincus que le système de croyance est correct alors il est évident qu'après tout il doit être correct ». Dans cette optique, si Keech avait pu développer de nouveaux éléments de réflexion en convertissant de nouveaux adeptes aux principes de base de la secte, alors l'amplitude de la dissonance aurait été amoindrie. Festinger et ses collègues prédirent que l'inévitable démenti par la réalité serait suivi d'un gros effort de prosélytisme pour rechercher un soutien social et ainsi réduire la douleur issue de la non confirmation des espérances.

Chronologie des événements [modifier]

Festinger et ses collègues infiltrèrent le groupe de Mlle Keech et rapportèrent les faits suivants :

  • Avant le 20 décembre, le groupe évite la publicité, les entretiens ne sont donnés qu'à contrecœur. L'accès à la maison de Keech est seulement permis à ceux qui peuvent convaincre qu'ils sont de vrais croyants. Le groupe fait évoluer son système de croyance, fondé sur l'« écriture automatique » provenant de la planète Clarion, et commence à expliquer les détails du cataclysme, la raison de l'évènement et la manière dont il sera sauvé du désastre.
  • Le 20 décembre, les croyants attendent qu'un extraterrestre les appelle avant minuit pour être escortés à bord d'un vaisseau spatial censé les attendre. Appliquant les instructions, ils se donnent beaucoup de mal pour éliminer les objets métalliques qu'ils portent sur eux. Comme minuit approche, les fermetures à glissière, bretelles de soutien-gorge, et autres objets sont jetés. Le groupe attend.
  • Le 21 décembre, 00h05, pas de visiteur extraterrestre. Un membre du groupe constate qu'une horloge dans la pièce indique 23h55. Le groupe convient qu'il n'est pas encore minuit.
  • 00h10, la seconde horloge indique minuit. Toujours pas de visiteur. Le groupe est abasourdi et s'assoit en silence. Le cataclysme est censé se produire dans moins de 7 heures.
  • 04h00, les croyants restent assis en silence. Quelques tentatives pour trouver des explications ont échoué. Keech commence à pleurer.
  • 04h45, un message envoyé par « écriture automatique » est adressé à Keech. Il précise que le Dieu de la Terre a décidé d'épargner la planète de la destruction. Le cataclysme a été annulé car « le petit groupe, assis toute la nuit, avait répandu tant de lumière que Dieu a sauvé le monde de la destruction ».
  • Après-midi du 21 décembre. Le groupe appelle des journaux cherchant à donner des entretiens. Dans un renversement de situation, le groupe ne fuit plus la publicité mais au contraire débute une intense campagne pour diffuser son message à un public aussi large que possible.

Conditions [modifier]

Festinger estime que cinq conditions sont nécessaires pour qu'un individu s'arc-boute davantage dans ses croyances après un échec ou un démenti par la réalité :

  1. La croyance doit être entretenue avec une profonde conviction et liée à une forme d'action, qui est ce que le croyant fait ou la façon dont il se comporte;
  2. La personne doit s'être consacrée à la croyance. Pour le maintien de la croyance, elle doit avoir pris d'importantes mesures difficiles à défaire. En général, plus ces actions sont importantes, plus elles sont difficilement réversibles et plus fort est l'engagement de l'individu;
  3. La croyance doit être suffisamment précise et suffisamment liée au monde réel de telle sorte que des éléments puissent sans équivoque la réfuter;
  4. Ces preuves réfutant indéniablement la croyance doivent être reconnues par la personne;
  5. Le croyant doit avoir un soutien social. Il est peu probable qu'un croyant isolé puisse résister à ce genre de preuves. Si toutefois le croyant est membre d'un groupe de personnes convaincues, la croyance pourra être maintenue et le groupe pourra tenter de persuader les non-membres de la justesse de la croyance.

Articles connexes [modifier]

Bibliographie [modifier]

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Dissonance cognitive

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Le Renard et les Raisins, d'après la fable d'Ésope : lorsque le renard tente d'attraper les raisins et qu'il échoue, il décide qu'il ne les voulait pas après tout, un exemple de comportement pour réduire la dissonance cognitive[1].

La dissonance cognitive est un concept de psychologie élaboré par Leon Festinger et présenté dans le livre L'Échec d'une prophétie publié en 1956 en collaboration avec Henry Riecken et Stanley Schachter.

Selon cette théorie, l'individu en présence de cognitions (« connaissances, opinions ou croyances sur l’environnement, sur soi ou sur son propre comportement » [2]) incompatibles entre elles, éprouve un état de tension désagréable : c'est l'état de « dissonance cognitive ». Dès lors, cet individu mettra en œuvre des stratégies inconscientes visant à restaurer un équilibre cognitif. Ces stratégies sont appelées « modes de réduction de la dissonance cognitive ». L'une des stratégies pour réduire la dissonance cognitive consiste à modifier ses croyances, attitudes et connaissance pour les accorder avec la nouvelle cognition ; elle est appelée « processus de rationalisation ». En 2007, ce processus a été mis en évidence chez des singes capucins[3],[4].

Sommaire

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Exemples [modifier]

La version classique de cette idée est illustrée par la fable d'Esope développée par La Fontaine « le Renard et les Raisins ». Un renard affamé aperçut une grappe de raisins qui pendait d'une vigne grimpante et voulut la cueillir, mais n'y parvint pas car elle était trop haute. Il s'éloigna donc en se disant : « De toute façon, ces raisins étaient trop verts. »

Le concept de Festinger s'appuie notamment sur l'étude[5] d'une secte millénariste dont les membres prévoyaient la fin du monde pour une date donnée. Lorsque cette date arriva et que rien ne se passa, les membres de la secte ne se remirent nullement en question et transformèrent leur croyance en considérant que la Terre avait été sauvée grâce à leurs prières et qu'il fallait donc continuer.

Principes fondamentaux [modifier]

Apprentissage contre rééducation [modifier]

La rectification d'idées acquises est plus pénible pour un individu que l'apprentissage d'idées nouvelles pour lesquelles il ne possède pas encore de modèle[6]. Ce phénomène avait déjà été signalé par Jean Piaget dans ses travaux. Carl Rogers l'admettait également. Les exemples abondent dans l'histoire : héliocentrisme contre géocentrisme, darwinisme contre créationnisme, Libre arbitre contre conditionnement, etc. Les religions et les systèmes totalitaires (sans qu'il soit question ici de les comparer directement) marquent une préférence pour enseigner leurs points de vue dès la prime jeunesse, en tant que modèle primal.

Les fournisseurs d'équipements consentent également des réductions importantes aux écoles professionnelles car leurs élèves seront enclins à privilégier dans la vie professionnelle un matériel qu'ils connaissent déjà plutôt qu'un autre même moins cher ou plus riche en fonctionnalités. Des formations gratuites sont parfois proposées par des éditeurs de logiciels ou des fabricants de matériel, afin de mettre en place leur discours dans l'esprit du client qui sera ainsi moins réceptif aux arguments, différents, de la concurrence.

Investissement et engagement personnels [modifier]

Plus l'investissement et l'engagement de la personne lui ont coûté, moins elle est prête à y renoncer. Selon Gregory Bateson[7] :

  • Plus un apprentissage a été difficile, malaisé, douloureux ou même humiliant, moins l'individu est prêt à remettre en cause la valeur de ce qui lui a été enseigné. Cela signifierait en effet qu'il a investi et souffert pour rien. Les exemples sont légion, par exemple en informatique : attachement presque affectif à un système d'exploitation ou à un éditeur de texte, par exemple, en dépit de leurs défauts manifestes[citation nécessaire] ;
  • Le bizutage, à l'époque où il était toléré, s'associait par la suite à un tel attachement à une institution que dès l'année suivante le bizuté devenait bizuteur à son tour[8].
  • Lors d'enquêtes, on observe que plus un choix s'est montré difficile et engagé (d'une grande école, d'un appartement, voire d'un conjoint), plus on a tendance ensuite à estimer avoir effectué le bon, et donc à oublier certains éléments de l'environnement ayant peu de rapport avec ce choix. Le choix d'une grande école peut impliquer certaines positions philosophiques qui entraînent ce type de biais cognitif. Par exemple, une formation scientifique peut dans certains cas faire sous-estimer les phénomènes culturels ou les aspects juridiques.
  • Les mécanismes des ventes pyramidales s'appuient fortement sur le refus irrationnel de faire marche arrière alors qu'on s'est sûrement fourvoyé.

Ces phénomènes rejoignent aussi celui de doigt dans l'engrenage.

Applications [modifier]

Communication [modifier]

Un message visant à modifier le comportement d'un grand nombre de personnes (la cible) ne peut être accepté que lorsque toute dissonance cognitive a disparu chez les éléments de la cible. Il est fréquent qu'un risque de rejet subsiste par dissonance cognitive, lorsqu'une contradiction existe entre le message et des convictions ou des habitudes fortement ancrées chez des individus. Dans le cas du message « l'alcool au volant est un danger mortel », utilisé en prévention et sécurité routières, il y a dissonance cognitive si le sujet comprend le message tout en étant dépendant de l'alcool et s'il ne désire pas se défaire de cette dépendance.

Pour réduire cette dissonance, la cible peut soit éviter le message, soit l'interpréter pour diminuer la portée du message, jusqu'à remettre en cause sa crédibilité.

Pour faire accepter le message, la solution peut être de crédibiliser le message en s'appuyant sur des personnes de confiance (médecins, experts…) ou sur des faits avérés.

Pédagogie [modifier]

Des faits contredisant l'opinion qu'un enfant a sur lui-même le placent devant une dissonance cognitive : selon que l'enfant a une bonne ou mauvaise image de lui-même, il pourra attribuer un échec ou une réussite à l'environnement extérieur au lieu de s'attribuer le résultat. Pour réduire la dissonance cognitive, l'enfant va ainsi chercher des excuses plutôt que remettre en cause ses convictions.

Robert Rosenthal et Lenore Jacobson[9] ont aussi mis au jour un phénomène qui peut trouver sens dans le cadre de la dissonance cognitive. Ils ont fait une expérience en utilisant deux groupes de rats équivalents. Au moment où on remet les rats aux étudiants chargés de les dresser, une remarque indique que le premier groupe est composé d'animaux doués, alors que le second est de pauvre qualité. Les résultats du dressage confirment ce pronostic fantaisiste. Des expériences en milieu scolaire vont dans le même sens. Les dresseurs adaptent les résultats aux attentes pour réduire la dissonance. Plus surprenant, en milieu scolaire le groupe d'enfants valorisé obtient objectivement de meilleurs résultats.

Article détaillé : Effet Pygmalion.

Notes et références [modifier]

  1. Elster, Jon. Sour Grapes: Studies in the Subversion of Rationality. Cambridge 1983, p. 123ff.
  2. Festinger 1957, p. 9.
  3. Egan, L.C., Santos, L.R. et Bloom, P., 2007 « The Origins of Cognitive Dissonance, Evidence From Children and Monkeys [archive], Psychological Science, vol. 18, n° 11, pp. 978-983.
  4. Go Ahead, Rationalize. Monkeys Do It, Too. [archive], John Tierney, 6 novembre 2007, nytimes.com
  5. Festinger et al. 1956.
  6. Ce thème est repris dans le roman Le nuage noir de Fred Hoyle : les révélations scientifiques d'un nuage intelligent tuent un chercheur après une forte fièvre accompagnée d'angoisses, qui explique avant de mourir qu'un non scientifique les aurait reçues sans problème, car n'ayant rien à remettre en cause à grande échelle
  7. Vers une écologie de l'esprit, tomes I et II.
  8. Voir aussi l'article « Retournement ».
  9. Pygmalion à l'école, 1968.

Voir aussi [modifier]

Articles connexes [modifier]

Bibliographie [modifier]

Lien externe [modifier]



11/06/2013
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