Hormones et libido : mythe ou réalité ?
Hormones et libido : mythe ou réalité ?
On dit, et on lit parfois, que les femmes ont une libido plus ou moins importante selon leur production hormonale. Vrai ou faux ? Les recherches se multiplient, et la question reste encore l'objet de nombreuses interrogations… A suivre.
Les femmes ont-elles plus de désir, voire de plaisir, avant, pendant ou après les règles ? La contraception orale est-elle un facteur amplificateur de libido ?
Libido et contraceptifs : un couple moins harmonieux que prévu
Au contraire de ce que beaucoup supposaient à l'arrivée de la pilule, celle-ci ne joue que très rarement un rôle d'exacerbation libidinale : les dernières études gynécologiques s'accordent plutôt pour dire que lorsqu'il y a un impact de la pilule en matière de libido, c'est plutôt dans le sens inverse qu'il peut se produire : la disparition de la crainte de la grossesse induisant pour certaines femmes une diminution libidinale. De même, "la tendance qui ferait que l'intérêt sexuel serait plus marqué juste avant, pendant ou juste après la menstruation, semble nettement plus corrélée avec un moindre souci concernant le risque de grossesse pour des femmes hétérosexuelles", souligne l'endocrinologue Tori Hudson, dans un article sur " les androgènes et la santé des femmes".
Même si les facteurs psychologiques paraissent essentiels, la plupart des gynécologues reconnaissent volontiers que l'apport de progestérone peut diminuer la libido. C'est pourquoi, lorsqu'une femme se plaint d'une baisse de désir sexuel à la suite d'une prise de contraceptifs, changer de pilule pour un composé contenant plus d'oestrogènes est parfois employé.
Des ambiguïtés à suivre de près
Enfin, explique Tori Hudson, "parmi des utilisatrices de contraceptifs oraux, celles chez lesquelles on relève de hauts niveaux de testostérone semblent être plus éveillées aux stimuli sexuels, plus enclines au sexe et sexuellement plus actives, mais aussi moins satisfaites sexuellement. Quant aux femmes qui n'emploient pas de contraceptifs oraux, il n'y a aucun rapport entre testostérone libre et n'importe lequel de ces indices sexuels."
Suivant une tendance majeure dans la communauté scientifique, ce dernier montre combien l'impact des hormones semble déterminant concernant la libido, mais aussi les ambiguïtés d'envergure. Les données sont à prendre avec précaution : ainsi, fait-il remarquer, "à la différence des hommes, la puberté physiologique et la réponse sexuelle féminine ne sont pas corrélées". Par exemple, explique-t-il, il n'y a aucun lien entre la production d'androgène par les jeunes filles et leur accès à l'orgasme, le premier taux restant stable entre 12 et 20 ans, quand la proportion d'orgasme, elle, va en augmentant, pour les jeunes femmes, au même âge.
- Anne Souyris
-------------------------
Le rôle des androgènes sur la libido féminine
Malgré les importantes évolutions des connaissances scientifiques dans le domaine de la sexologie, le rôle exact des hormones mâles sur la sexualité féminine est encore mal élucidé. En France, en raison des effets secondaires de ces hormones, aucun produit androgénique (à base d'hormones masculines) n'a reçu l'autorisation de mise sur le marché pour des troubles de la libido.
En effet, l'administration de fortes doses d'androgènes (hormones masculines) à des femmes pourrait entraîner un certain nombre d'effets indésirables qu'il convient de bien évaluer.
Il existe tout d'abord un risque esthétique lié à la "virilisation" qu'entraînent ces substances : accroissement sensible de la pilosité (hirsutisme), acné, chute des cheveux, absences de règles…
On identifie d'autre part un risque accru d'apparition de maladies du coeur et des artères en cas d'emploi de ces hormones, en particulier à travers l'augmentation des "mauvais lipides" (acides gras circulants dans le sang) qui se déposent dans les parois des vaisseaux sanguin et finissent par les boucher.
Quand l'action des hormones féminines ne suffisent pas
Bien sûr les hormones ovariennes féminines, et en particulier les oestrogènes, ont un rôle fondamental sur la libido et la "qualité de la vie sexuelle". Elles agissent directement sur le cerveau à travers leur action sur certains neurotransmetteurs (substances qui transmettent des "informations" d'une cellule nerveuse à une autre). Elles contribuent à la qualité de vie globale de la femme (diminution des bouffées de chaleur, des douleurs articulaires, augmentation du tonus général), et agissent directement sur les organes sexuels (amélioration de la lubrification vaginale, préservation du flux sanguin des organes génitaux).
Pourtant ces actions très bénéfiques ne semblent pas suffisantes pour maintenir la libido féminine à un niveau satisfaisant à l'âge de la ménopause.
A côté des hormones féminines, il semble bien que la testostérone (hormone masculine produite à fortes doses par les testicules et à faibles doses par les ovaires), jouent un rôle non négligeable sur la libido de la femme.
Le rôle des androgènes sur la libido féminine
En plus des hormones féminines, l'ovaire fabrique de faibles doses d'hormones masculines , et différentes études tendent à démontrer que l'action de ces androgènes est également importante pour la sexualité de la femme.
Le rôle des androgènes sur la libido féminine
(Page 2 sur 3)
En 1987, M. Burger réalise une étude sur 20 femmes ménopausées, c'est-à-dire dont les ovaires ne fabriquent plus d'hormones. Ces femmes sont choisies parmi celles qui souffrent d'une perte sévère de la libido malgré un traitement hormonal bien suivi (hormones féminines exclusivement). Pour l'étude, elles reçoivent soit un traitement à base d'oestrogènes uniquement, soit un traitement qui combine des oestrogènes et de la testostérone. Dès la sixième semaine, les femmes qui ont reçu le traitement combiné montrent une augmentation significative du désir sexuel par rapport à celles qui reçoivent des oestrogènes seuls !
En 1993, J. Nathorn Boos et son équipe étudient 101 femmes qui ont subi une hysterectomie (ablation de l'utérus). Chez certaines, l'utérus et les ovaires ont été retirés, tandis que chez d'autres seul l'utérus a été enlevé. Ils constatent que chez les femmes qui ont conservés leurs ovaires (qui secrète de faibles doses d'hormones masculines), l'intérêt pour la sexualité est plus important que chez les autres.
Scherwin, en 1994, démontre que chez des femmes ayant subi une ablation de l'utérus et des ovaires (hystérectomie avec ovariectomie bilatérale), l'injection d'oestrogènes et de testostérone, entraîne une amélioration significative du désir, des fantasmes, de l'excitation, dans les deux premières semaines suivant l'injection. Ce bénéfice s'estompe avec le temps et on constate un retour à l'état initial dès la huitième semaine après l'injection.
Enfin, l'étude la plus récente est celle réalisée par le Pr. Davis à Melbourne cette année.. les résultats confirment tout d'abord que les hormones féminines, oestrogènes et progestérone, auraient une action directe sur le désir sexuel au niveau du système nerveux central.
Quant à la testostérone, principale hormone masculine, elle agirait chez la femme soit directement au niveau du cerveau, soit en tant que substance de base pour la fabrication d'hormones féminines (oestrogènes) en dehors des ovaires. Il en ressort également que le contexte personnel riche des expériences passées, de la connaissance des attentes du partenaire et de sa disponibilité est absolument essentiel pour le maintien du désir sexuel de la femme.
Que peut on en conclure ?
Si les androgènes peuvent manifestement avoir une action importante sur le comportement sexuel féminin, il faut tout de même noter que les études actuelles portent sur de petits nombres de femmes, ce qui rend leur interprétation délicate.
Etant donné les effets secondaires importants des androgènes, il semble sage d'attendre des études plus vastes et plus complètes pour imaginer la mise en place de traitements à base d'hormones mâles, de la diminution du désir féminin après la ménopause.
Heureusement, la sexualité se vit dans un contexte émotionnel qui n'est pas contenu uniquement dans les hormones. Préserver la qualité de ses relations amoureuses, vivre une sexualité riche et satisfaisante, tous ces éléments restent les meilleurs garants d'une vie sexuelle épanouie après la ménopause.
- Dr Hélène Jacquemin Le Vern
Créé le 01 août 2000