Habitabilité d'une planète - Partie 1
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L'habitabilité d'une planète est la mesure de la capacité d'un corps astronomique à développer et accueillir la vie. Cette notion peut donc être notamment utilisée à la fois pour les planètes et leurs satellites naturels.
D'après les connaissances acquises par l'étude de la biologie terrestre, les éléments nécessaires au maintien de la vie sont une source d'énergie couplée à de la matière mobilisable, sachant que différents modèles sont proposés à l'appui des origines de la vie. Cependant, la notion d'habitabilité comme « possibilité d'accueillir la vie » est intrinsèquement limitée par la comparaison aux conditions biologiques terrestres, ce qui implique que plusieurs autres critères d'ordre géophysiques, géochimiques et astrophysiques soient respectés. Dans la mesure où l'existence d'une vie extraterrestre est inconnue, l'habitabilité d'une planète est en effet en grande partie une extrapolation des conditions terrestres et des caractéristiques générales qui apparaissent favorables au développement de la vie au sein du système solaire. L'eau liquide est notamment considérée comme un élément indispensable à un écosystème viable. La recherche dans ce domaine relève donc à la fois de la planétologie et de l'astrobiologie.
L'idée que des planètes autres que la Terre puissent accueillir la vie est ancienne. Au cours de l'histoire, le débat a été autant philosophique que scientifique[1]. La fin du XXe siècle a été le théâtre de deux découvertes majeures. Tout d'abord, l'observation et l'exploration par des sondes de planètes et satellites du système solaire a fourni des informations essentielles qui ont permis de définir des critères d'habitabilité et des comparaisons géophysiques entre la Terre et les autres corps célestes. D'autre part, la découverte de planètes extrasolaires, qui a débuté en 1995 et s'est accélérée depuis, a été le second tournant important. Elle a confirmé que le Soleil n'est pas la seule étoile à abriter des planètes et a élargi le champ des recherches sur l'habitabilité au-delà de notre système solaire.
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Systèmes solaires appropriés [modifier]
Définir la notion d’habitabilité d'une planète commence par l'étude des étoiles. L'habitabilité d'une planète dépend en effet en grande partie des caractéristiques du système planétaire (et donc de l'étoile) qui l'abrite. Lors du projet Phoenix du programme SETI, les scientifiques Margaret Turnbull et Jill Tarter développèrent la notion d'HabCat (pour Catalogue de système solaires habitables) en 2002. Le catalogue fut constitué en extrayant les 120 000 étoiles les plus proches de la Terre du catalogue Hipparcos. Ensuite, une sélection plus précise a permis d'isoler 17 000 HabStars. Le choix des critères fut un bon point de départ pour comprendre quelles caractéristiques astrophysiques sont nécessaires pour accueillir des planètes habitables[2].
Classe spectrale [modifier]
La classe spectrale d'une étoile indique la température de la photosphère, qui pour les étoiles de la séquence principale est liée à leur masse. On estime actuellement que le domaine spectral approprié pour les étoiles susceptibles d'accueillir des systèmes abritant la vie (HabStars) va du début de la classe « F » ou « G » jusqu'à « mi K ». Cela correspond aux températures allant d'un peu plus de 7000 K à un peu plus de 4000 K. Le Soleil, étoile de la classe G2, est à dessein au milieu de ce domaine. Les étoiles de ce type ont un certain nombre de particularités qui sont importantes du point de vue de l'habitabilité des planètes :
- Elles brûlent au moins quelques milliards d'années, ce qui laisse suffisamment de temps à la vie pour se développer. Les étoiles de la séquence principale plus lumineuses, comme celles des classes « O », « B » et « A », brûlent en général moins d'un milliard d'années et dans certains cas moins de 10 millions d'années[3],[4].
- Elles émettent suffisamment de rayons ultraviolets haute-fréquence pour initier d'importantes réactions dans l'atmosphère, telles que la formation de l'ozone, mais pas trop, car cela détruirait la vie[5].
- L'eau liquide peut exister à la surface de planètes orbitant à une distance qui n'entraîne pas de rotation synchrone (voir la section suivante et 3.1.).
Ces étoiles ne sont ni « trop chaudes », ni « trop froides », et brûlent suffisamment longtemps pour que la vie ait une chance d'y apparaître. Ce type d'étoiles constitue probablement 5 à 10 % des étoiles de notre galaxie. Par contre, la question de savoir si les étoiles moins lumineuses, c'est-à-dire celles entre la fin de la classe K et la classe M (les naines rouges), sont également susceptibles d'accueillir des planètes habitables reste ouverte. Elle est cependant extrêmement importante car la majorité des étoiles sont de ce type.
Zone habitable stable [modifier]
La zone habitable (HZ en anglais) est un domaine théorique à proximité de l'étoile au sein duquel toutes les planètes présentes pourraient disposer d'eau liquide à leur surface. Après une source d'énergie, l'eau liquide est considérée comme l'élément le plus important pour la vie, en grande partie en raison du rôle qu'elle joue sur Terre. Il est possible que cela ne soit que le reflet d'un biais dû à la dépendance à l'eau des espèces terrestres. Si des formes de vie étaient découvertes sur des planètes dont l'eau est absente (par exemple, dans une solution d'ammoniac), la notion de zone habitable devrait être profondément révisée, voire même entièrement écartée car trop restrictive[6].
Une zone habitable « stable » présente deux particularités. Premièrement, sa localisation doit peu varier au cours du temps. La luminosité des étoiles augmente avec leur âge et une zone habitable donnée s'écarte de l'étoile au fur et à mesure. Si cette migration est trop rapide (par exemple, pour une étoile super-massive), les planètes ne sont dans la zone habitable que pour une très courte durée, ce qui réduit considérablement la probabilité que la vie s'y développe. Déterminer la zone habitable et son déplacement au cours de la vie de l'étoile est très difficile : des rétroactions, telles que celles dues au cycle du carbone ont tendance à compenser l'impact de l'augmentation de la luminosité. Ainsi, de même que l'évolution de l'étoile, les hypothèses faites sur les conditions atmosphériques et la géologie de la planète ont une très grande influence sur le calcul d'une zone habitable. Ainsi, les paramètres proposés pour calculer la zone habitable du Soleil ont fortement varié tandis que cette notion se développait[7].
Ensuite, aucun corps de masse importante tel qu'une planète gazeuse géante ne doit être présent dans la zone habitable ou à proximité de celle-ci : sa présence pourrait empêcher la formation de planètes telluriques. Si, par exemple, Jupiter était apparue dans la région qui est actuellement entre les orbites de Vénus et la Terre, celles-ci n'auraient probablement pas pu se former. Si à une certaine époque, les scientifiques supposaient que la combinaison planète tellurique sur les orbites intérieures - planètes géantes gazeuses sur les orbites extérieures étaient la norme, les découvertes récentes de planètes extrasolaires ont contredit cette hypothèse. De nombreuses planètes gazeuses géantes ont été trouvées sur des orbites proches de leur étoile, annihilant toute zone habitable potentielle. Les données actuelles sur les planètes extrasolaires sont probablement biaisées car les grosses planètes ayant des orbites excentriques et proches de l'étoile sont plus faciles à trouver que les autres. À ce jour, il n'a pas encore été possible de déterminer quel type de système solaire est le plus courant.
Faible variation de luminosité [modifier]
Toutes les étoiles connaissent des variations de luminosité, mais l'amplitude de ces fluctuations est très différente d'une étoile à l'autre. La plupart des étoiles sont relativement stables, mais une minorité significative d'entre elles est variable et présente souvent de soudaines et intenses augmentations de luminosité. Par conséquent, la quantité d'énergie radiative que reçoivent les corps en orbite connaît de brusques variations. Ces dernières sont donc de mauvaises candidates pour accueillir des planètes capables d'accueillir la vie dans la mesure où les forts changements de flux énergétiques auraient un impact négatif sur la survie des organismes. Par exemple, des êtres vivants adaptés à un domaine de température particulier auraient probablement du mal à survivre à d'importantes variations de température. De plus, les sursauts de luminosité sont généralement accompagnés par l'émission de doses massives de rayons gamma et de rayons X, radiations qui pourraient être létales. L'atmosphère des planètes pourrait atténuer de tels effets (une augmentation de 100 % de la luminosité solaire n'implique pas nécessairement une augmentation de 100 % de la température sur Terre), mais il est également possible que de telles planètes ne soient pas capables de retenir leur atmosphère car les fortes radiations la frappant à répétition pourraient la disperser.
Le Soleil ne connaît pas ce type de variations : au cours du cycle solaire, l'écart entre les luminosités minimum et maximum est d'environ 0,1 %. Il existe des preuves importantes (et contestées) que les changements de luminosité du Soleil, bien que mineurs, ont eu un effet significatif sur le climat terrestre durant la période historique. Le petit âge glaciaire pourrait avoir été causé par la diminution de la luminosité solaire sur une longue durée[8]. Ainsi, il n'est pas nécessaire qu'une étoile soit une étoile variable pour que ses changements de luminosité affectent l'habitabilité. Parmi les analogues solaires connus, celui qui ressemble le plus fortement au soleil est 18 Scorpii. La grande différence entre les deux étoiles est l'amplitude du cycle solaire qui est bien plus grande sur 18 Scorpii, ce qui diminue considérablement la probabilité que la vie puisse se développer sur son orbite[9].
Métallicité élevée [modifier]
Si les éléments les plus abondants dans une étoile sont toujours l'hydrogène et l'hélium, il existe une grande variation dans la quantité d'éléments métalliques (en astronomie, on appelle « métal » ou qualifie de « métallique » tout élément plus lourd que l'hélium) qu'elles contiennent. Une proportion élevée de métaux dans une étoile correspond à la quantité d'éléments lourds présents dans le disque protoplanétaire initial. D'après la théorie de formation des systèmes planétaires au sein des nébuleuses solaires, une faible quantité de métaux dans l'étoile diminue significativement la probabilité que des planètes se forment autour. Toute planète s'étant formée autour d'une étoile pauvre en métaux est probablement de faible masse, et par la même serait défavorable à la vie. Des études spectroscopiques de systèmes dans lesquels des exoplanètes ont été trouvés confirment la relation entre un taux élevé en métaux et la formation de planètes : « les étoiles avec des planètes, ou du moins avec des planètes similaires à celles que nous trouvons actuellement, sont clairement plus riches en métaux que les étoiles sans compagnon planétaire »[10]. L'influence de la métallicité est discriminante quant à l'âge potentiel des étoiles habitables : les étoiles formées au début de l'histoire de l'univers ont des faibles taux de métaux et une probabilité correspondante d'accueillir des compagnons planétaires.
Systèmes binaires [modifier]
Les estimations actuelles suggèrent qu'au moins la moitié des étoiles sont dans des systèmes binaires[11], ce qui complique sérieusement la délimitation de la notion d'habitabilité. La distance entre les deux étoiles d'un système binaire est comprise entre une unité astronomique et quelques centaines. Si la séparation entre les deux étoiles est grande, l'influence gravitationnelle de la seconde étoile sur une planète tournant autour de la première étoile sera négligeable : son habitabilité n'est pas modifiée à moins que l'orbite soit fortement excentrique (voir hypothèse de Némésis par exemple). Cependant, lorsque les deux étoiles sont plus rapprochées, la planète ne pourrait avoir une orbite stable. Si la distance entre une planète et son étoile principale excède un cinquième de la distance minimale entre les deux étoiles, la stabilité orbitale de la planète n'est pas garantie[12]. Il n'est pas sûr que les planètes puissent se former dans un système binaire car les forces gravitationnelles pourraient gêner la formation des planètes. Des travaux théoriques d'Alan Boss du Carnegie Institute ont montré que des géantes gazeuses peuvent se former autour des étoiles de systèmes binaires de façon similaire à leur formation autour des étoiles solitaires[13].
Alpha du Centaure, l'étoile la plus proche du Soleil, souligne le fait que les étoiles binaires ne doivent pas être systématiquement écartées lors de la recherche de planètes habitables. Centauri A et B ont une distance minimale de 11 UA (23 UA en moyenne) et toutes deux devraient avoir des zones habitables stables. Une simulation de la stabilité orbitale à long terme de planètes dans ce système montre que des planètes à environ 3 UA d'une des deux étoiles peut rester stable (c’est-à-dire que le demi-grand axe dévie de moins de 5%). La zone habitable de Centauri A serait au moins de 1,2 à 1,3 UA et celle de Centauri B de 0,73 à 0,74 UA[14].
Caractéristiques planétaires [modifier]
L'hypothèse principale faite sur les planètes habitables est qu'elles sont telluriques. De telles planètes, dont la masse serait du même ordre de grandeur que celle de la Terre, sont principalement composées de silicates et n'ont pas conservé des couches gazeuses externes d'hydrogène et d'hélium comme les planètes gazeuses. Une forme de vie qui résiderait dans les couches supérieures de nuages des géantes gazeuses n'est pas exclue[15], bien que ce soit considéré comme improbable étant donné l'absence de surface et la gravité gigantesque [16]. Par contre, les satellites naturels de telles planètes pourraient très bien accueillir la vie[17].
Lors de l'analyse des environnements probablement capables d'accueillir la vie, on distingue en général les organismes unicellulaires tels que les bactéries et les archaea des formes de vie animales, plus complexes. L'unicellularité précède nécessairement la multicellularité dans tout arbre phylogénétique hypothétique et l'apparition d'organismes unicellulaires n'entraîne pas nécessairement l'apparition de formes de vie plus complexes[18]. Les caractéristiques planétaires listées plus bas sont considérées comme essentielles pour la vie, mais dans tous les cas, les conditions d'habitabilité d'une planète seront plus restrictives pour les organismes multicellulaires tels que les plantes et les animaux que pour la vie unicellulaire.
Masse [modifier]
Les planètes de faible masse seraient de mauvaises candidates pour accueillir la vie pour deux raisons. Tout d'abord, leur gravité plus faible rend leur atmosphère plus ténue. Les molécules constituantes de la vie ont une probabilité beaucoup plus élevée d'atteindre la vitesse de libération et d'être éjectées dans l'espace lorsqu'elles sont propulsées par le vent solaire ou par une collision. Les planètes dont l'atmosphère n'est pas épaisse ne disposeraient pas de suffisamment de matière pour la biochimie initiale, ont peu d'isolation et un mauvais transfert de chaleur à travers leur surface (par exemple, Mars avec sa fine atmosphère, est plus froide que l'aurait été la Terre à la même distance) et moins de protection contre les radiations haute-fréquence et les météoroïdes. De plus, les planètes plus petites ont un diamètre plus petit et donc de plus grands ratios surface-volume que leurs cousines de grande taille. De tels corps ont tendance à voir leur énergie s'échapper beaucoup plus rapidement après leur formation et ont donc peu d'activité géologique. Ils n'ont pas de volcans, de tremblements de terre et d'activité tectonique qui fournit à la surface des éléments favorisant la vie et à l'atmosphère des molécules régulant la température (comme le dioxyde de carbone).
Le terme "faible masse" n'est que relatif : la Terre est considérée de faible masse lorsqu'elle est comparée aux planètes géantes du système solaire, mais est la plus grande, la plus massive et la plus dense des planètes telluriques[19]. Elle est suffisamment grande pour que sa gravité retienne son atmosphère et pour que son noyau liquide continue à rester actif et chaud, engendrant ainsi une activité géologique à la surface (la désintégration des éléments radioactifs au cœur de la planète est l'autre source de chaleur des planètes). Mars, au contraire, est presque (ou peut-être totalement) inactive et a perdu la majeure partie de son atmosphère[20]. Ainsi, il semble que la masse minimale d'une planète pour qu'elle soit habitable se situe quelque part entre celle de Mars et celle de la Terre (ou Vénus). Toutefois, cette règle peut admettre des exceptions : Io, un satellite de Jupiter plus petit que les planètes telluriques, a une activité volcanique en raison des contraintes engendrées par l'influence gravitationnelle jovienne. Sa voisine, Europe, pourrait abriter un océan liquide sous sa surface glacée en raison de l'énergie créée par le champ de gravitation jovien. Pour une raison différente, une des lunes de Saturne, Titan, est d'intérêt certain : elle a conservé une atmosphère épaisse et les réactions biochimiques sont possibles dans le méthane liquide à sa surface. Ces satellites sont des exceptions, mais ils prouvent que la masse ne doit pas être considérée comme discriminante en termes d'habitabilité.
Enfin, une grosse planète aura probablement un grand noyau composé de fer. Ce dernier créé un champ magnétique qui protège la planète du vent solaire, qui en son absence aurait tendance à disperser l'atmosphère planétaire et à bombarder de particules ionisées les êtres vivants. La masse n'est pas le seul élément à prendre en compte pour déterminer l'existence d'un champ magnétique. La planète doit aussi avoir un mouvement de rotation suffisamment rapide pour produire un effet dynamo au sein de son noyau[21].