CTA-102 - échelle de Kardashev

 

 

CTA-102

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CTA-102
Données d’observation
(Époque J2000.0)
Constellation Pégase
Ascension droite (α) 22h 32m 36.4s[1]
Déclinaison (δ) +11° 43′ 51s″[1]
Caractéristiques physiques
Type d'objet Quasar
Découverte
Découvreur(s) California Institute of Technology
Date années 1960
Désignation(s) 2230+114, QSR B2230+114, J2232+1143, QSO J2232+1143
Liste des quasars

En astronomie, CTA 102 est un quasar situé dans la constellation de Pégase et découvert au début des années 1960 lors d'une étude d'observation menée au California Institute of Technology[2]. Il a été étudié par plusieurs centres d'astronomie depuis sa découverte, tels : WMAP, EGRET, GALEX, VSOP et Parkes. Il est également observé par le Very Long Baseline Array depuis 1995[3].

Ont été également détectées, provenant de ce quasar, des émissions gamma et un jet gamma[4].

En 1963 Nikolai Kardashev a proposé que CTA 102 soit une source attestant de l'existence d'une civilisation extraterrestre de type II ou III, en conformité avec son hypothèse dite de l'échelle de Kardashev[2]. En 1965 Gennady Sholomitskii montre que les émissions de cet objet sont variables[5] ; l'annonce de cette découverte a un retentissement mondial. L'idée que cet objet puisse être une preuve d'une civilisation extraterrestre a été rejetée avec l'identification que CTA 102 soit en réalité un quasar[2].

Notes et références[modifier | modifier le code]

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « CTA-102 » (voir la liste des auteurs)

  1. a et b (en) CTA 102 in the NASA Extragalactic Database [archive]
  2. a, b et c (en) David Darling, « CTA-102 » [archive], Internet Encyclopedia of Space. Consulté le 12 décembre 2008
  3. (en) MOJAVE Sample: 2230+114 [archive]. Consulté le 25 décembre 2008
  4. (en) Fermi LAT detection of a GeV flare from blazar CTA 102 [archive], Astronomers Telegram, 3 mai 2011. Consulté le 3 mai 2011
  5. (en) G. B. Sholomitsky, « Variability of the Radio Source CTA-102 », Information Bulletin on Variable Stars, vol. 83, 1965, p. 1

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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Échelle de Kardashev

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Photo en couleur. En avant-plan, un observatoire astronomique émet un rayon de lumière verticalement. En arrière-plan se dessine un amas d'étoiles dans la nuit.
À l'origine l'échelle de Kardashev est destiné à proposer un cadre à la fois théorique et pratique au sein de la recherche de civilisations extraterrestres.

L'échelle de Kardashev (Kardashev scale en anglais, Шкала Кардашева en russe), proposée en 1964 par l'astronome soviétique Nikolaï Kardashev, est une méthode théorique de classement des civilisations en fonction de leur niveau technologique et de leur consommation énergétique. Cette échelle a été largement adoptée par les chercheurs du projet SETI et les futurologues, bien que l'existence de civilisations extraterrestres reste encore hypothétique.

Kardashev a exposé pour la première fois son échelle dans un article présenté lors de la conférence de Byurakan de 1964, rencontre scientifique qui faisait le point sur le programme d'écoute de l'espace par la radioastronomie soviétique. Cet article, intitulé « Transmission of Information by Extraterrestrial Civilizations, du russe Передача информации внеземными цивилизациями », propose une classification des civilisations en trois types, basée sur le postulat d'une progression exponentielle. Une civilisation de type I est capable d'accéder à l'intégralité de l'énergie produite par sa planète et de la consommer. Une civilisation de type II peut consommer directement l'énergie d'une étoile. Enfin, une civilisation de type III est capable de capter la totalité de l'énergie émise par sa galaxie. Dans un second article, intitulé « Strategies of Searching for Extraterrestrial Intelligence » et publié en 1980, Kardashev s'interroge sur la civilisation, qu'il définit par sa capacité à accéder à l'énergie, pour se maintenir et intégrer l'information provenant de son environnement. Deux autres articles suivent : « On the inevitability and the possible structure of supercivilizations » et « Cosmology and Civilizations », publiés respectivement en 1985 et 1997 ; l'astronome soviétique y propose des pistes pour détecter des supercivilisations et pour orienter les programmes SETI.

L'échelle définie par Kardashev a fait l'objet de deux principales réévaluations : celle de Carl Sagan, qui en affine les types, et celle de Michio Kaku, qui écarte le postulat énergétique au profit de l'économie du savoir. D'autres débats sur la nature des différents types ont permis à de nombreux auteurs de mettre en question la classification originelle de Kardashev, pour la compléter ou pour la réfuter. Deux perspectives critiques ont ainsi vu le jour : l'une qui remet en cause les postulats de Kardashev, les jugeant incomplets ou inconsistants, l'autre qui établit des échelles alternatives. Celle de Kardashev a donné naissance à de nombreux scénarios explorant la possibilité qu'existent des civilisations plus évoluées. Ces scénarios interrogent chacun à sa façon les trois postulats de Kardashev définissant une civilisation : les sources d'énergie, la technologie et la transmission de messages interstellaires.

Le cadre de la recherche et de la détection de civilisations évoluées a été construit et théorisé lors de la conférence qui s'est tenue en 1964 en Arménie, à l'observatoire astrophysique de Byurakan. Partant d'une définition fonctionnelle de la civilisation, basée sur l'immuabilité des lois physiques et utilisant la civilisation humaine comme modèle d'extrapolation, le modèle initial de Kardashev s'est étoffé. Plusieurs scientifiques ont mené diverses recherches de possibles civilisations, mais sans résultats concluants. En s'appuyant sur ces critères, des objets insolites, que l'on sait aujourd'hui être soit des pulsars soit des quasars, ont été identifiés. Kardashev a décrit dans ses diverses publications un ensemble de paramètres d'écoute et d'observation à prendre en compte ; cependant, certains auteurs, notamment Samuil Aronovich Kaplan et Guillermo A. Lemarchand, estiment que ces derniers sont insuffisants et exigent d'être complétés.

Sommaire

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Biographie succincte de Nikolaï Kardashev[modifier | modifier le code]

Article détaillé : Nikolaï Kardashev.

Nikolaï Kardashev, né en 1932, est un astronome soviétique diplômé de l'université d'État de Moscou en 1955. Après avoir travaillé à l'Institut astronomique Sternberg sous la direction de Iossif Chklovski, il obtient son doctorat en 1962 et rejoint ensuite l'Institut de recherche spatiale de l'Académie des sciences de Russie à Moscou. Il conduit dès 1963 la première recherche de signaux extraterrestres en Union soviétique, devenant par cela l'un des pionniers du programme mondial SETI[1].

Genèse de la classification[modifier | modifier le code]

Première publication (1964)[modifier | modifier le code]

Une ligne en pointillés rouges qui, de gauche à droite, va en montant.
Projection de l'échelle de Kardashev jusqu'en 2040 d'après les données de l'International Energy Agency World Energy Outlook

Kardashev présente pour la première fois une classification des civilisations selon leur niveau de consommation énergétique dans un article intitulé Transmission of Information by Extraterrestrial Civilizations, publié en 1964 d'abord en russe dans le numéro de mars-avril de la revue Astronomicheskii Zurnal[2], puis en anglais dans le numéro de septembre-octobre 1964 de la revue Soviet Astronomical Journal[3].

Le scientifique présente dans cet article un calcul de l'évolution des besoins énergétiques de l'humanité, calculant que la consommation énergétique de cette dernière égalera celle émise par le Soleil, évaluée à 4×1026 watts (W), dans environ 3 200 ans, puis sera équivalente à celle libérée par 1011 étoiles similaires à la nôtre (ce qui correspond au nombre estimé d'étoiles de la Voie lactée) dans 5 800 ans. Partant de ce constat, et considérant qu'aucune raison ne permet d'affirmer que l'évolution de la consommation énergétique de l'humanité puisse décroître, Kardashev en vient à proposer une classification des civilisations technologiques en trois types[4],[5].

Une civilisation dite de « type I » est capable de collecter l'intégralité de la puissance développée par sa planète, soit l'équivalent de 1016 watts. Selon Kardashev, c'est ce type que le développement de l'humanité sur la Terre est sur le point d'atteindre en 1964. Une civilisation dite de « type II » surpasserait le premier type d'un facteur 10 milliards, atteignant une consommation de 1026 watts, en exploitant l'intégralité de la puissance émise par son étoile. Enfin, une civilisation dite de « type III » serait capable de collecter et de consommer l'intégralité de la puissance émise par sa galaxie, soit l'équivalent de 1036 watts[6],[7].

Conjecturant sur le développement de la radio, Kardashev prévoit qu'il sera possible de construire dans les deux décennies suivantes (soit dans les années 1980) des antennes de 100 000 m2 capables de détecter des civilisations de types II et III. Une civilisation de type I comme la nôtre serait capable de recevoir les extraordinaires émissions énergétiques des autres types de civilisations, supposées par ailleurs être capables d'émettre en continu[8],[9].

Karadashev étudie ensuite les caractéristiques d'une transmission provenant d'une source artificielle. Il évoque les deux sources radio cosmiques découvertes en 1963 par le California Technological Institute, CTA-21 et CTA-102 surtout, qui possèderaient des caractéristiques proches de celles d'une source artificielle présumée. Selon le scientifique soviétique, la région de la galaxie la plus appropriée pour effectuer des observations de civilisations de types II et III est le centre galactique en raison de la densité élevée de la population d'étoiles qu'il abrite. Il préconise ensuite que les programmes de recherche de telles sources artificielles se focalisent sur les autres galaxies proches, comme la galaxie d'Andromède, les Nuages de Magellan, M87 ou encore Centaurus A. Kardashev conclut sa publication en notant que l'éventuelle découverte sur Mars d'organismes, mêmes les plus simples qui soient, augmenterait la probabilité que des civilisations de type II existent au sein de la galaxie[10].

Consommations énergétiques estimées des trois types de civilisations définies par l'échelle de Kardashev

Deuxième publication (1980)[modifier | modifier le code]

Vers une définition énergétique de la civilisation[modifier | modifier le code]

Une ligne brisée en bleu va, de gauche à droite, d'en bas vers le haut.
Graphique de la consommation mondiale d'énergie primaire en 2011 selon la BP Statistical Review (agrandissez cette image)

En 1980, Nikolaï Kardashev publie un deuxième article intitulé Strategies of Searching for Extraterrestrial Intelligence : A Fundamental Approach to the Basic Problem[11] dans lequel il affirme que :

« La détection et l'étude de civilisations extraterrestres constituent un problème d'une grande importance pour le progrès de l'humanité, pour sa culture et sa philosophie. La découverte d'une vie intelligente dans l'Univers fournirait une ligne de conduite au développement possible de notre civilisation au cours des futurs temps astronomiques[Note 1]. »

Selon l'astronome soviétique, notre civilisation serait trop jeune pour être capable d'en contacter une autre, qui serait certainement plus avancée que nous, le système solaire étant trop jeune avec ses cinq milliards d'années et les premiers ancêtres de l'Homme actuel n'étant apparus que voici 6 millions d'années au plus tôt[12] ; les plus anciens objets célestes ayant un âge compris entre 10 et 14 milliards d'années, il est clair que les autres civilisations sont incomparablement plus âgées que la civilisation humaine. Par conséquent, les connaissances de ces civilisations doivent être plus vastes que la nôtre, et ils doivent certainement être au courant de ce que nous faisons[13].

Il est probable que l'état présent de notre civilisation n'est qu'un des stades par lesquels passent les civilisations durant leur évolution. Il est donc possible de définir la civilisation en se basant sur cette caractéristique universelle, qui a notamment permis à A. A. Liapounov de définir la vie comme un « état très stable de matière qui utilise l'information codée par les états de molécules individuelles pour produire des réactions de maintien », ce que Kardashev nomme la « définition fonctionnelle de la civilisation ». Il suggère par conséquent de penser la civilisation comme « un état très stable de matière capable d'acquérir et de faire une analyse abstraite de ladite matière, et d'utiliser l'information pour obtenir qualitativement de nouvelles informations sur son environnement et sur elle-même, dans le but d'améliorer ses capacités de collecte de nouvelles informations pour produire et maintenir ces réactions[Note 2]. » La civilisation est donc caractérisée par la qualité de l'information acquise par son programme de fonctionnement, et par l'énergie nécessaire pour mettre en œuvre ces fonctions[Note 3]. Par « informations sur son environnement et sur elle-même », Kardashev précise qu'il s'agit des données portant sur la nature organique ou inorganique, la science, la technologie, l'économie, la culture, les artsetc. À partir de cette définition, il propose un schéma représentant les interactions entre une civilisation et son environnement et énumère un ensemble de problèmes scientifiques qui se posent du fait même de ces interactions avec l'information disponible dans l'Univers[14].

Partant de cette définition, Kardashev formule trois conclusions. La première postule qu'en raison du vaste et certainement illimité ensemble d'activités requises par les problèmes scientifiques, la période durant laquelle les civilisations doivent émettre et communiquer est nécessairement longue, voire illimitée. D'autre part, notre développement actuel ne couvrant qu'une fraction négligeable de cette phase de communication, Kardashev émet l'hypothèse de la haute improbabilité que nous puissions rencontrer des « frères d'intelligence » qui soient au même stade d'évolution que nous. Enfin, les civilisations hautement avancées connaissent et utilisent les lois physiques à un degré qui nous demeure encore insoupçonné. Kardashev affirme que « ce dernier point devrait être pris en compte dans les programmes de recherche de civilisations extraterrestres » et conclut alors qu'il est très probable que notre état présent n'est que l'un des stades par lesquels chaque civilisation passe au cours de son évolution[Note 4],[15].

Deux stratégies de recherche de signaux intelligents[modifier | modifier le code]

Kardashev analyse par la suite plusieurs modèles et hypothèses d'évolution de civilisation. Répondant à l'interrogation de l'astronome russe Iossif Chklovski qui trouve étrange, dans un article publié en 1977 et intitulé Possibility of the Intelligent Life in the Universe Being Unique, que l'« onde de choc de l'intelligence » d'une supercivilisation n'ait pas encore atteint les limites de tout l'Univers, Kardashev émet deux hypothèses explicatives. Il postule dans la première qu'il ne serait pas vraiment utile à une supercivilisation d'élargir l'espace qu'elle occupe afin de maintenir son activité, et dans la seconde qu'il serait possible qu'une civilisation, au lieu de se disperser dans l'espace, poursuive plutôt ses activités d'analyse de l'information pour découvrir de nouvelles lois fondamentales (comme l'exploration du microcosme ou des trous noirs par exemple)[16].

Or, de telles activités de civilisation nécessitent le recours à une énergie abondante. Selon les lois de la thermodynamique, une importante fraction de cette énergie consommée doit être convertie en rayonnement de magnitude bolométrique approximativement égale à celle du fond de rayonnement environnant la source. La distribution spectrale de cette intensité doit donc être assez proche de celle d'un corps noir. Ceci constituerait une possible voie de recherche des civilisations extraterrestres. Une telle consommation énergétique requerrait en outre une importante quantité de matière solide destinée à concevoir des activités d'ingénierie stellaire, que Kardashev nomme des « miracles cosmiques ». En résumé, l'information sur l'éventuelle existence d'une civilisation extraterrestre prendrait la forme de rayonnements électromagnétiques[17].

En ce qui concerne le destin des civilisations, Kardashev entrevoit deux concepts, desquels découlent deux stratégies de recherche de civilisations extraterrestres. Le premier, qu'il appelle « chauvinisme planétaire » (« terrestrial chauvinism ») part du principe que les civilisations ne peuvent que se stabiliser ou périr à un niveau de développement proche du nôtre actuellement atteint. Le second, nommé « concept évolutionnaire » (« evolutionary concept »), considère que les civilisations sont capables d'atteindre des stades d'évolution supérieurs à celui de l'humanité contemporaine. Dans le premier cas, la meilleure stratégie de recherche par des moyens de détection astronomiques (le programme SETI par exemple) serait d'observer dans l'espace les sources de rayonnement les plus puissantes (et souvent les plus distantes). L'observateur sera alors en mesure de déterminer s'il s'agit de sources d'émission naturelles, et ce n'est qu'après cela que la recherche pourra ensuite se concentrer sur des objets de plus faible rayonnement. Dans le second cas, il est préconisé de rechercher des sources de rayonnements nouveaux et puissants, principalement dans les régions mal connues du spectre électromagnétique. Ces sources pourraient être des signaux monochromatiques significatifs ou périodiques provenant du centre galactique, d'autres galaxies ou de quasars et autres objets cosmiques exotiques. La recherche devrait selon Kardashev se concentrer sur le spectre des longueurs d'ondes millimétriques, proche de l'intensité maximum du fond diffus cosmologique plutôt que dans la bande des 21 centimètres (qui constitue le domaine d'investigation du programme SETI). Cela nécessiterait, selon Kardashev, pour capter les rayonnements significatifs d'une civilisation évoluée émis par une mégastructure (telle une sphère de Dyson), de disposer d'un radiotélescope de diamètre plus large que le diamètre de la Terre, positionné dans l'espace orbital[18].

Kardashev conclut en prédisant que la recherche de civilisations extraterrestres allait conduire à des résultats positifs au cours de la décennie suivante, et par là donner à l'humanité l'accès à un vaste ensemble d'informations sur l'Univers et son évolution sur une durée de plusieurs milliards d'années[Note 5],[19].

Troisième publication (1985)[modifier | modifier le code]

Découvrir des supercivilisations[modifier | modifier le code]

Photo en couleur. Sur un terrain gris apparaissent des petites taches rondes qui forment un groupe.
Le radiotélescope interféromètre du Allen Telescope Array

Dans l'article On the inevitability and the possible structure of supercivilizations publié en 1985, Kardashev évoque les scénarios possibles et les moyens d'investigation à portée de l'humanité pour détecter d'hypothétiques supercivilisations extraterrestres. L'astronomome soviétique rappelle que nous recherchons ces supercivilisations sur la base de nos propres critères de développement et les prédictions ne sont possibles que pour des mondes extraterrestres proches de notre niveau technologique, les autres étant hors de notre représentation intellectuelle. En dépit de cela, il lui semble utile de concevoir des modèles de supercivilisations reposant à la fois sur l'imagination et sur nos connaissances scientifiques actuelles. Les lois physiques étant immuables, même si de nouvelles lois sont découvertes dans l'avenir, elles n'aboliront pas pour autant celles déjà connues[20].

Selon Kardashev, les modèles théoriques des supercivilisations doivent répondre à deux hypothèses de base. La première suppose que le spectre des activités des supercivilisations, qui obéïssent aux lois de la physique, n'est restreint que par des contraintes naturelles et scientifiques, tandis que la seconde suppose que l'évolution des activités des supercivilisations ne peut être ni interrompue ni limitée par des contingences intrinsèques, inhérentes, comme par exemple des conflits sociaux d'ampleur. Pour Kardashev, et contrairement à d'autres scientifiques, les supercivilisations ne peuvent s'autodétruire ou rétrograder. Suivant ces principes, il doit exister dans l'espace des mégastructures d'ampleur, émettant quantité d'énergie et d'information, et existant depuis des milliards d'années, tout en étant assez compactes pour échanger rapidement d'importants volumes de données entre elles. Une supercivilisation engendrerait par voie de conséquence une structure technologique de dimensions cosmiques. Kardashev cite à titre d'exemple la mégastructure théorisée par Freeman Dyson, sous la forme d'une sphère de plusieurs unités astronomiques de diamètre. D'autres phénomènes peuvent laisser penser à des activités hautement technologiques, comme l'explosion artificielle d'étoiles ou le changement d'orbite stellaire pour emmagasiner de la masse et de l'énergie. Les nuages moléculaires géants constituent également un grand potentiel d'astro-ingéniérie. Kardashev évoque même la possibilité qu'une supercivilisation restructure la galaxie dans son intégralité[21],[22].

Puis il évoque la possibilité théorique et mathématique de l'existence d'une mégastructure de la forme d'un disque en rotation sur lui-même à une vitesse angulaire constante. Selon lui, la recherche de signaux intelligents devrait se tourner vers la détection de telles mégastructures au rayonnement caractéristique (20 µm). Les quasars ou les centres galactiques peuvent être d'excellents candidats témoignant de l'existence d'une supercivilisation puisqu'ils émettent de puissants rayonnements infrarouges, indices d'une structure solide. L'astronome conseille de rechercher ces objets dans une bande de longueur d'onde allant de quelques microns à quelques millimètres. De larges structures intelligentes peuvent également être détectées par le fait qu'elles font écran ou qu'elles reflètent les rayonnements environnants[23].

Les scénarios possibles de l'évolution des supercivilisations[modifier | modifier le code]

Kardashev estime qu'il est très probable qu'une supercivilisation ait déjà détecté et observé l'humanité au moyen de télescopes de dimensions cosmiques. Il en parle notamment dans un article publié en 1997 sur ce sujet, intitulé Radioastron - a Radio Telescope Much Greater than the Earth[24]. Pour cette supercivilisation, la science de l'« ethnographie cosmique » doit être hautement développée. Or, le fait qu'aucun contact n'ait été établi jusqu'à présent pourrait s'expliquer par des considérations éthiques. Partant, Kardashev n'entrevoit que deux scénarios d'évolution possibles pour une supercivilisation : l'évolution naturelle et l'évolution suite aux contacts avec d'autres civilisations extraterrestres. Il estime plus probable le scénario reposant sur le contact de deux civilisations hautement développées technologiquement et culturellement ; ce scénario, qu'il intitule « hypothèse de l'urbanisation » (Urbanization Hypothesis), aboutirait à regrouper et unifier plusieurs civilisations au sein de quelques régions compactes de l'Univers[25].

Kardashev recense, sous forme d'outils d'investigation, six scénarios possibles (résumés dans un tableau à la fin de son article de 1997[24]) expliquant l'évolution d'une civilisation. À chacun des scénarios correspond une probabilité, un ou plusieurs objets à observer, une procédure adaptée et enfin les éventuelles conséquences sur notre civilisation[26] :

  1. Le scénario d'une unification importante de civilisations sur une étendue allant de une à dix milliards d'années-lumière avec concentration dans une région particulière affiche une probabilité de 60 %. Ces civilisations sont à rechercher au sein des plus puissants quasars et dans les bulbes galactiques, à un niveau de radiation supérieur à 1038 watts, dans les longueurs d'ondes allant de 10 µm à 1 cm, ainsi que dans les autres régions du spectre. Il s'agit de détecter des mégastructures ou des signaux de 1,5 mm de longueur d'onde[27] et d'émission omnidirectionnelle jusqu'à 21 cm. En cas de contact, l'humanité verrait des progrès dans tous les domaines de la société afin de rejoindre cette supercivilisation ; il est aussi à prévoir la création d'un conservatoire ethnographique sur Terre.
  2. Le scénario d'une unification à l'échelle de l'amas galactique n'affiche que 20 % de probabilité de réalisation. Kardashev conseille d'observer l'amas de la Vierge (en particulier M87) et d'autres amas selon une procédure similaire à celle du premier scénario. Les conséquences sur l'humanité sont les mêmes que dans le premier scénario.
  3. Le scénario d'une unification à l'échelle des galaxies n'affiche que 10 % de probabilité. Pour le confirmer, il faut examiner les centres galactiques, que ce soit de la Voie lactée et des galaxies voisines (comme M31, M33), selon une procédure similaire à celle du premier scénario. Les conséquences sur l'humanité sont les mêmes que dans le premier scénario.
  4. le scénario d'une complète colonisation de l'espace n'a aucune probabilité de se réaliser selon Kardashev car s'il était réalisable alors « ils » seraient déjà sur Terre. Or, ce n'est pas le cas. Toutefois, dans le cas d'un contact, les conséquences sur l'humanité sont les mêmes que dans le premier scénario.
  5. Ce scénario pose que toutes les civilisations se seraient autodétruites avant tout contact. Kardashev évalue sa probabilité à 10 %. L'humanité devrait pouvoir détecter des mégastructures anciennes dans les environs des plus proches étoiles. Aucun contact ne peut avoir lieu avec l'humanité en conséquence.
  6. Le dernier scénario avance que nous sommes les premiers ou les seuls dans l'Univers. Kardashev évalue sa probabilité à 10 %. Seule l'exobiologie peut confirmer ou pas ce scénario, qui semble peu probable, étant donné que la vie est apparue il y a plusieurs milliards d'années. On peut imaginer un contact dans le futur lointain et alors les conséquences seraient similaires à celles des cinq autres scénarios.

Quatrième publication (1997)[modifier | modifier le code]

Illustration en couleur. Un objet ressemblant à une trompette tronquée comprend à sa surface des taches blanches.
Selon le modèle standard décrivant l'expansion de l'Univers depuis le Big Bang il peut exister des planètes plus anciennes que la Terre, capables d'abriter des supercivilisations.

Dans l'article Cosmology and Civilizations publié en 1997, Kardashev réaffirme la nécessité d'observer avec attention les objets astronomiques à fort rayonnement pour découvrir des supercivilisations. Cependant, découvrir une civilisation à un stade de développement similaire au nôtre est peu probable. L'existence de telles supercivilisations est rendue possible par le fait que la vie sur Terre est récente au regard de l'âge de l'Univers (8×109 années avant la formation du Système solaire). Il passe ensuite en revue les conditions d'apparition du vivant sur des échelles de temps cosmologiques. En adoptant le rythme d'évolution de la vie sur Terre et en considérant l'âge de l'Univers, on peut raisonnablement considérer qu'une civilisation ait pu parvenir à notre niveau de développement technologique en 6×109 années. De telles civilisations peuvent être observées parmi les régions proches, puisque plus on observe loin, et plus les objets sont jeunes. Les découvertes récentes concernant les sources d'intenses radiations mortelles pour la vie montrent que cette dernière a pu prospérer à l'abri pendant le temps nécessaire à son apparition et son maintien. Un autre argument en faveur de la possibilité d'une très ancienne supercivilisation est que la plupart des objets pouvant être des mégastructures n'ont pas encore été découverts et recensés. De plus, 95 % de la matière demeure invisible ou alors elle peut être devinée au moyen de l'influence gravitationnelle qu'elle produit[28].

Selon Kardashev, il est fondamental de diriger nos moyens de recherche vers de nouveaux objets rayonnant sur une longueur d'onde allant de quelques microns à quelques millimètres, et à une température de 3 à 300 K, ce qui est caractéristique de larges structures de matière solide[29]. Il serait alors possible de détecter des structures appartenant au type II dans notre galaxie ou dans celles voisines. Des structures de type III peuvent aussi être observées à de grandes distances cosmologiques. Kardashev rappelle qu'une étude a été menée sur 3 000 sources du catalogue IRAS provenant des quatre directions du ciel. Deux bandes de température ont été ciblées : de 110 à 120 K et de 280 à 290 K. L'analyse a montré que les sources de 110 à 120 K sont regroupées dans le plan galactique et dans son centre. Kardashev explique que seuls des moyens d'observation plus puissants, opérant dans l'infrarouge et le submillimétrique, peuvent mettre en évidence d'éventuelles sources de radiation artificielles. Il fait alors référence à des projets qu'il a proposés, notamment celui de mettre en orbite un télescope spatial cryogénique (le projet Millimetron)[30],[31].

Selon Kardashev, ces résultats, croisés avec ceux issus d'autres recherches portant sur l'âge de certains objets cosmiques, laissent à penser que des civilisations datant de 6 à 8 milliards d'années peuvent exister dans notre galaxie. Il est probable qu'elles aient détecté depuis longtemps notre propre civilisation, hypothèse qui peut permettre de répondre à la question que se posait Enrico Fermi lorsqu'il a formulé son paradoxe à savoir : « Où sont-ils ? » Toutefois, en l'absence de découverte de sources artificielles, la théorie de Chklovski, selon laquelle les civilisations s'autodétruisent suite à des conflits sociaux d'ampleur, serait avérée. Kardashev mentionne une autre hypothèse intéressante selon lui, capable d'expliquer la dynamique des supercivilisations : l'« effet feedback » (« feedback effect », théorisé par Sebastian von Hoerner en 1975[32]) qui part de l'hypothèse qu'à haut niveau technologique les civilisations ont tendance à se réunir plutôt qu'à s'isoler. La distance entre supercivilisations pourrait alors être déterminée par la moitié du temps de l'évolution technologique de la plus ancienne civilisation, elle serait d'environ 3 à 4 milliards d'années. En revanche, cette supercivilisation pourrait ne plus être présente au sein de notre galaxie depuis longtemps. Kardashev termine en expliquant que comme l'expansion de l'Univers est selon lui infinie, le nombre et la durée de vie de telles supercivilisations sont également infinis[33].

Catégories définies par Kardashev[modifier | modifier le code]

La classification hypothétique dite de l'échelle de Kardashev distingue trois stades d'évolution des civilisations selon le double critère de l'accès et de l'utilisation de l'énergie[34],[35]. Cette classification a pour but d'orienter les recherches de civilisations extraterrestres, notamment au sein du SETI auquel participait Kardashev[36], et ce en partant du principe qu'une fraction de l'énergie utilisée par chaque type est destinée à communiquer avec d'autres civilisations. Pour rendre plus compréhensible cette échelle, Lemarchand compare la vitesse de transmission à travers la galaxie d'un volume d'information équivalente à une bibliothèque de taille moyenne. Une civilisation de type II peut envoyer ces données au moyen d'un faisceau de transmission n'émettant que pendant 100 secondes. Un volume semblable d'informations peut toutefois être envoyé à travers des distances intergalactiques d'environ dix millions d'années-lumière, avec une transmission s'étalant sur quelques semaines. Une civilisation de type III peut émettre ce même volume de données à tout l'Univers observable au moyen d'une transmission de 3 secondes[34],[37].

La classification de Kardashev se fonde sur le postulat d'un taux d'accroissement de 1 % par année. Kardashev pense qu'il faut 3 200 ans à l'humanité pour atteindre le type II, et 5 800 ans pour le type III[38]. Ces types sont donc séparés entre eux par un facteur d'accroissement de plusieurs milliards[38].

Type I[modifier | modifier le code]

Une civilisation dite de « type I » est capable d'utiliser toute la puissance disponible sur sa planète d'origine, approximativement 1,74×1016 W. Sur Terre, la puissance disponible théorique s'élève à 1,74×1017 W. La valeur de 4×1012 W, proposée par Kardashev dans ses premières publications, correspond au niveau énergétique atteint sur Terre en 1964[34].

Type II[modifier | modifier le code]

Une civilisation dite de « type II » doit s'avérer capable de collecter toute la puissance de son étoile, soit à peu près 1×1026 W. Il s'agit là encore d'une estimation, le Soleil rayonnant environ 3,86×1026 W, tandis que Kardashev parlait de 4×1026 W dans ses premières publications. La civilisation de type II surpasse celle de type I par un facteur d'environ dix milliards. Freeman Dyson considère qu'une civilisation peut atteindre ce stade en concevant une biosphère artificielle en orbite autour de son étoile, destinée à en collecter l'énergie rayonnée[34].

Type III[modifier | modifier le code]

Une civilisation dite de « type III » a à sa disposition toute la puissance émise par la galaxie dans laquelle elle est située, soit près de 1×1036 W. Ce niveau de puissance disponible varie largement en fonction de la taille de chaque galaxie, et Kardashev le fixait à 4×1037 W en accord avec les données alors disponibles. Ce type surpasse le précédent par un facteur de dix milliards[34]. Il s'agirait des civilisations les plus anciennes. La théorie de la formation des éléments lourds démontre que des systèmes planétaires peuvent être aussi vieux que les plus anciens objets cosmiques observables d'après Kardashev[39].

Réévaluations de l'échelle de Kardashev[modifier | modifier le code]

Classification plus fine de Sagan[modifier | modifier le code]

Photo en couleur. Homme assis portant un veston et souriant.
Selon l'astronome Carl Sagan, l'humanité traverse sa phase d'« adolescence technique », typique d'une civilisation sur le point d'intégrer le type I de l'échelle de Kardashev.

En 1973, Carl Sagan fait découvrir les travaux de Kardashev sur la classification des civilisations[40]. Il remarque que les écarts entre chaque type énoncé par Kardashev sont si importants qu'ils ne permettent pas de modéliser au mieux l'évolution des civilisations[9]. En conséquence, Sagan propose une classification plus fine, toujours fondée sur les types de Kardashev mais intégrant des paliers intermédiaires (matérialisés par des chiffres). La civilisation de « Type 1,1 » serait capable de mobiliser 1017 watts alors que celle de « Type 2,3 » se définit par une puissance de 1029 watts. Sagan estime que, selon cette échelle revisitée, l'humanité actuelle serait de Type 0,7 (environ 10 térawatts)[41],[37] (plus précisément 0,72 selon Per Calissendorff[35]), ou 0,16 % de la puissance disponible sur Terre[42]. Ce palier se caractérise selon lui par la capacité de s'autodétruire, ce qu'il nomme l'« adolescence technique » (technological adolescence)[43].

Sagan fonde ses calculs sur l'interpolation logarithmique suivante[44].

K = \frac{\log_{10}{W}-6} {10}

K représente le palier de Sagan et W la puissance consommée en watts. Sagan suggère également que pour être complet il faut ajouter une échelle alphabétique, pour indiquer le niveau de développement sociétal. Par conséquent, une civilisation de classe A se fonderait sur 106 bits d'information[Note 6], une autre de classe B, sur 107, celle de classe C sur 108 et ainsi de suite. L'humanité actuelle appartiendrait donc au stade « 0,7 H » selon Sagan. La première civilisation avec laquelle l'humanité entrerait en contact pourrait se situer entre « 1,5 J » et « 1,8 K ». Une supercivilisation galactique serait au stade « 3 Q », alors qu'une fédération de galaxies pourrait être classée au stade « 4 Z »[37].

Kaku et l'économie du savoir[modifier | modifier le code]

Photo en couleur. Homme asiatique aux cheveux blancs descendants, portant veston et montrant sa main doigts ouverts.
Pour le physicien Michio Kaku, l'humanité atteindra le type I en investissant dans l'économie du savoir.

Dans son ouvrage Physics of the Future (2011), le physicien américain Michio Kaku examine les conditions pour que l'humanité converge vers une civilisation planétaire de type I. Cette convergence est principalement fondée sur l'économie du savoir. Kaku utilise l'échelle de Kardashev, mais la développe en y ajoutant un stade supplémentaire : une civilisation de type IV serait capable de puiser l'énergie dont elle a besoin au sein des rayonnements extragalactiques. En étudiant l'évolution des technologies qui ont changé l'Histoire (le papier, le circuit intégré), Kaku estime que l'humanité se dirige vers une civilisation aux dimensions planétaires, dont Internet est le « point de départ »[45].

Une civilisation de type I consomme une puissance de l'ordre de milliers à des millions de fois notre production planétaire actuelle, environ 100 trillions de trillions de watts. Elle disposerait d'assez d'énergie pour modifier la survenue de certains phénomènes naturels comme les tremblements de terre ou les volcans, et pourrait construire des villes sur les océans[38]. Nous pouvons voir les prémices d'une civilisation de type I dans le fait qu'un langage planétaire se développe (l'anglais), qu'un système de communication global apparaît (Internet), qu'un système économique mondial est en gestation (l'établissement de l'Union européenne) et même qu'une culture mondialisée est en train d'uniformiser l'humanité (les médias de masse, la télévision, le rock ou encore les films d'Hollywood)[38]. Pour atteindre le type II, l'humanité doit se concentrer sur plusieurs domaines : la construction d'infrastructures facilitant la communication et la collaboration, l'éducation, la recherche et développement ainsi que l'innovation mais aussi bâtir de forts liens entre les diasporas et leurs pays d'origine, ainsi qu'entre migrants et non-migrants[46]. En cas d'échec dans le développement de ces domaines, Kaku prévoit que l'humanité sombrera dans les « abysses »[47]. En conclusion, une civilisation évoluée doit s'accroître plus vite que la fréquence de survenue des catastrophes cosmiques hostiles à la vie, comme l'impact de géocroiseurs ou de comètes. Une civilisation de type I devrait également être capable de maîtriser les voyages spatiaux pour dévier des objets menaçants. Elle devrait aussi anticiper l'apparition d'une ère glaciaire et modifier le climat longtemps avant cette dernière pour l'éviter[38].

Débats autour des types I, II et III[modifier | modifier le code]

Illustration en couleur. Des taches de couleur symbolisant des objets célestes.
Une supercivilisation de type III serait capable de voyager au moyen de trous de ver.

Vers le type I[modifier | modifier le code]

Le physicien Freeman Dyson a calculé que le type I devrait être atteint d'ici environ 200 ans[38], alors que pour Richard Carrigan, la Terre est encore à quatre dixième sur l'échelle de Sagan du type I[48]. L'atteinte prochaine du type I (en l'an 3000 pour Richard Wilson) s'accompagnerait de profonds bouleversements sociaux, mais aussi d'un important risque d'autodestruction[49].

Selon Per Calissendorff, la consommation énergétique ne peut être le principal paramètre pour expliquer le passage d'un type à un autre. Les civilisations doivent posséder des moyens pour maintenir leur taux d'accroissement malgré les conditions climatiques et les catastrophes naturelles d'importance, voire les catastrophes cosmiques. Une civilisation s'engageant vers le type II doit maîtriser le voyage spatial, la communication interplanétaire, l'ingénierie stellaire et le climat. Elle doit aussi avoir développé un système de communication planétaire, tel Internet[35]. Pour Michio Kaku, la seule menace sérieuse pour une civilisation de type II serait l'explosion d'une supernova proche alors qu'aucune catastrophe cosmique connue ne serait capable d'anéantir une civilisation de type III[38].

Selon Philip T. Metzger, l'humanité a atteint le type I mais un défi énergétique se présente à elle. Les énergies non renouvelables sont quasiment toutes exploitées sur Terre ; le gaz naturel sera épuisé vers 2020-2030, le charbon vers 2035, l'uranium vers 2056, alors que le pétrole a atteint son pic de production en 2006-2008[50]. L'énergie nucléaire ne peut totalement combler la demande énergétique mondiale (elle ne représente que 6 % en 2011). Par ailleurs, les énergies renouvelables ne peuvent supporter une demande énergétique croissante[51]. La plupart des minerais utilisés par l'homme risquent de se raréfier ; 11 minerais sont déjà classés comme ayant dépassé leur pic de production[52]. Pour Metzger, l'humanité doit donc mener un « projet de cent ans » destiné à réaliser un vaisseau spatial (« 100 Year Starship ») capable d'accéder aux vastes ressources énergétiques présentes dans le Système solaire[53]. Il est même probable pour Metzger que si des extraterrestres convoitaient les ressources énergétiques de notre Système solaire, ils ne viendraient pas les chercher sur Terre mais sur les divers astéroïdes et planétoïdes. La robotique est le seul moyen pour accéder à tant de ressources dispersées, et l'humanité devrait se lancer dans un second projet à long terme que Metzger nomme la « robotsphère », qui débuterait par l'exploitation énergétique de la Lune (estimée à 2,3×1013 J/an). Ce premier pas permettrait d'atteindre le type II en 53 ans. Puis la robotsphère (des sondes automatisées autoréplicantes et autoapprenantes) s'étendrait au reste du Système solaire[54]. Les progrès actuels de l'intelligence artificielle laissent supposer que les bases d'une robotsphère puissent être atteintes au début du prochain siècle, soit à partir de 2100[55]. Metzger entrevoit huit bénéfices pour l'humanité à construire le 100 Year Starship, dont des coûts de lancement nuls car les navires spatiaux seront construits dans l'espace par des robots, lesquels pourront le faire avec peu d'assistance humaine (ce qui diminue drastiquement les coûts de fabrication), création d'une économie à l'échelle du Système solaire et utilisation des ressources des objets célestes et, potentiellement, terraformage de ceux-ci[56].

Vers le type II[modifier | modifier le code]

Pour Carl Sagan, le type II devrait être atteint vers 2100[45]. Cependant, se fondant sur 27 années de données concernant les programmes spatiaux ainsi que sur la production et la consommation énergétique mondiale, M. G. Millis montre que l'énergie requise pour entrer dans l'ère des voyages interplanétaires ne permettra pas à l'humanité de lancer des telles missions avant deux siècles. Son analyse rejoint celle, économique, de Freeman Dyson[57].

Viorel Badescu et Richard B. Cathcart ont étudié la possibilité qu'une civilisation de type II puisse utiliser un dispositif de 450 millions de kilomètres pour orienter le rayonnement solaire et pouvoir ainsi imprimer à son étoile un mouvement cinétique qui la fait dévier de sa trajectoire habituelle d'environ 35 à 40 parsec[58], lui permettant notamment de capter son exergie et de naviguer dans la galaxie[59],[58].

Pour Claude Semay, « une civilisation de stade II pourrait être détectée sur de grandes distances (par ce qu'on appelle des « fuites d'astrotechnique »), à condition qu'elle ne soit pas située dans une région trop éloignée de nous dans la Galaxie, ou qu'elle n'occupe pas un emplacement qui nous soit masqué par des nuages de gaz ou de poussières[60]. »

Vers le type III[modifier | modifier le code]

Illustration en couleur. Un disque jaune-orange au centre qui est transpercé verticalement par un spirale de filaments.
Vue d'artiste du quasar GB1508. Selon l'astronome russe Kardashev, une civilisation hautement évoluée, dite de « type III » dans sa classification théorique, serait capable de puiser son énergie dans une telle source.

Une civilisation de type III devrait être détectable en raison de la quantité importante de rayonnement captée à l'échelle de la galaxie. Calissendorff propose de prendre comme valeur 75 % de la lumière totale émise par une galaxie pour déterminer qu'une civilisation de type III a recours à de nombreuses sphères de Dyson. Si seulement trois ou quatre de ces sphères occupent la galaxie, cela ne veut pas forcément signifier que la civilisation a atteint le type III ; elle peut être encore en transition[61].

Toutefois de telles civilisations peuvent rester hors de portée de notre compréhension et de nos instruments. Sagan considère que la plus proche civilisation de type III est à une distance moyenne de nous de 10 000 années-lumière mais qu'elle se désintéresse des transmissions radio classiques, étant d'un autre niveau technologique. Seules de petites civilisations faiblement avancées pourraient communiquer avec nous[62].

Cependant, « une civilisation de type III ne doit pas être confondue avec ce que les auteurs de science-fiction appellent un « empire galactique » » note Semay, sachant qu'elle ne peut exister que si le voyage interplanétaire est acquis. Or, il n'y a pas de preuve que cela soit possible un jour[63]. En partant des calculs de Dyson, Semay considère qu'un tel voyage serait de trois siècles, pour une distance moyenne entre étoiles d'environ 7 années-lumière. En somme, la vitesse de propagation du front de colonisation, qui va de 4×10-4 à 5×10-3 année-lumière par an, conduirait l'humanité à se diffuser dans la galaxie en une durée comprise entre 16 et 200 millions d'années[64]. « Une civilisation de type III, ayant donc « domestiqué » sa galaxie par la construction d'un grand nombre de sphères de Dyson, serait détectable sur des distances intergalactiques de plusieurs millions d'années-lumière[60]. »

Une civilisation de type III pourrait théoriquement vivre au sein d'un trou noir supermassif, sur une orbite périodique stable, ce qui la rendrait totalement indétectable d'après V. I. Dokuchaev[65].

Selon Kaku, des civilisations de type II et III pourraient profiter de l'énergie de Planck, soit 1019 milliards d'électron-volts, forme d'énergie présente uniquement au sein des trous noirs ou aux débuts du Big Bang. Le voyage au moyen de trous de ver serait à portée de telles civilisations[38]

Critiques de la classification[modifier | modifier le code]

Des postulats erronés[modifier | modifier le code]

William I. Newman et Carl Sagan considèrent que la croissance de la consommation énergétique ne peut seule décrire l'évolution des civilisations ; il faut aussi considérer la croissance démographique et notamment le fait qu'elle peut être limitée par la capacité de transport des moyens de déplacement interplanétaires. Ils concluent qu'il ne peut y avoir d'anciennes civilisations de dimensions galactiques, ni d'empire galactique même si la possibilité que des réseaux de mondes colonisés (d'environ 105 à 106 planètes) soit forte[66].

L'échelle théorisée par Kardashev est née au sein du contexte géopolitique de la guerre froide dans lequel l'énergie avait valeur suprême[67]. Le physicien de l'université de Buenos Aires Guillermo A. Lemarchand considère que quatre arguments s'opposent à la classification de Kardashev[43] :

  1. Des émetteurs omnidirectionnels de longue portée seraient très énergivores. Utiliser des dispositifs directionnels ou intermittents, pointés à chaque fois dans une direction différente, nécessiteraient beaucoup moins d'énergie. Une civilisation de types II ou III pourraient donc se définir par autre chose que par une consommation exponentielle d'énergie.
  2. L'hypothèse d'une consommation d'énergie exponentielle est certainement fausse car si l'on analyse la consommation d'énergie par habitant au cours de toute l'histoire humaine, elle forme une succession de courbes de type logistique avec un créneau de saturation pour chaque innovation technologique. Par conséquent, un état stable ou de croissance limitée est plus probable.
  3. Selon le principe de médiocrité, appliqué à la recherche de civilisations extraterrestres par Sagan et Shklovskii en 1966 à partir des calculs de John Richard Gott[68], les civilisations plus importantes que la nôtre doivent être suffisamment rares pour ne pas avoir la possibilité de dominer et d'être visibles.
  4. Enfin, les programmes de recherche et d'écoute, à Harvard et Buenos Aires (Horowitz et Sagan en 1993 ou Lemarchand et al. en 1997), n'ont pas apporté de preuves scientifiques de l'existence de sources artificielles, que cela soit dans la Voie lactée comme dans les galaxies proches (M33, M81, la galaxie du Tourbillon ou encore Centaurus A), ni même dans l'amas galactique de la Vierge.

Pour le météorologiste britannique Lewis Fry Richardson, auteur d'une étude statistique sur la mortalité (publiée dans Statistics of Deadly Quarrels, 1960), l'agressivité de l'homme ne permet pas d'augurer une durée de vie à l'humanité lui permettant d'atteindre des stades plus évolués. Il estime que les pulsions violentes de l'homme détruiront l'ordre social sur une période de 1 000 ans. De surcroît, l'humanité a de grandes chances de sombrer au moyen d'armes de destruction massives, d'ici quelques siècles tout au plus[69].

Les transhumanistes Paul Hughes et John Smart expliquent l'absence de signaux d'une civilisation de type III par deux hypothèses : soit elle s'est autodétruite, soit elle n'a pas suivi la trajectoire décrite par Kardashev[40]. La croissance de la consommation énergétique devrait créer une crise climatique qu'Yvan Dutil et Stéphane Dumas fixent à W/m2 de terre ou 127 TW pour la planète au complet. En considérant un taux d'accroissement de 2 % par an, une civilisation industrielle devrait cesser de croître assez tôt dans son histoire (après quelques siècles)[70]. En somme, l'impossibilité de sauvegarder durablement les ressources énergétiques peut expliquer l'absence de civilisations de types II et III[71].

L'échelle de Kardashev ne tient pas compte des coûts énergétique et économique importants que requièrent les missions spatiales, coûts engendrés par le « postulat de l'obsolescence incessante » (Incessant Obsolescence Postulate) qui pose que toute mission interstellaire ultérieure à celle lancée atteindra la destination plus tôt et avec plus d'équipement moderne que celle initiale[72].

Pour Zoltan Galántai, il n'est pas possible d'imaginer un projet de civilisation s'étalant sur des siècles (comme une sphère de Dyson), voire des millions d'années, à moins d'envisager une pensée et une éthique différentes des nôtres, à portée d'une civilisation ancestrale. Il propose donc de classer les civilisations en fonction de leurs capacités à mener sur le long terme des projets de civilisation d'envergure[73].

Enfin, pour Freeman Dyson, la communication et la vie peuvent continuer éternellement, au sein d'un Univers ouvert, en utilisant une quantité finie d'énergie ; l'intelligence est donc le seul paramètre fondamental pour qu'une civilisation survive à très long terme, et l'énergie n'est alors plus ce qui la définit, thèse qu'il développe dans son article Time Without End : Physics and Biology in an Open Universe[74].

D'autres échelles[modifier | modifier le code]

Illustration en couleur. Un objet brûlant perce la surface d'un objet beaucoup plus grand.
Pour Zoltan Galántai, une échelle classant les civilisations doit se baser sur leur aptitude à survivre aux catastrophes, notamment celles d'origine cosmique, comme l'impact d'un géocroiseur.

L'astronome John Barrow de l'université du Sussex a fait l'hypothèse que d'autres stades existent au-delà du type III. Ces civilisations de types IV, V voire VI seraient capables de manipuler les structures cosmiques (galaxies, amas galactiques, superamas) et même d'échapper au Big Crunch par des trous dans l'espace[38]. Barrow propose aussi une « anti-échelle de Kardashev », une classification non plus basée sur l'expansion mais sur la miniaturisation, la colonisation du microcosme. Dans Impossibility : The Limits of Science and the Science of Limits (1998), il suggère une échelle allant de « BI » à « BVI », avec un ultime stade qu'il intitule « BΩ », le premier étant caractérisé par la possibilité de manipuler son environnement alors que le dernier autorise une modification de l'espace-temps[75].

Zoltan Galántai reconnaît le rôle important qu'a joué la classification de Kardashev au sein du programme SETI mais il considère qu'une autre échelle est possible, sans utiliser la consommation d'énergie, en recourant à la miniaturisation. L'hypothèse de Donald Tarter, chercheur au SETI, est qu'une civilisation fondée sur la nanotechnologie n'aurait pas besoin d'une quantité toujours plus importante d'énergie. Une civilisation de type I, maîtrisant le voyage spatial local, pourrait tout à fait coloniser son système planétaire et même le nuage d'Oort sans avoir besoin d'une quantité d'énergie la faisant appartenir au type II[40]. Cette échelle perd son sens au-delà du type II, puisqu'il est impossible de prévoir l'évolution des civilisations sur de longues distances spatiales, au sein d'un processus de colonisation galactique. Enfin, l'échelle de Kardashev est le produit d'une époque aux connaissances scientifiques insuffisantes, qui considérait CTA-102 comme une source artificielle de type III alors que l'on sait aujourd'hui qu'il s'agit d'un noyau galactique[76].

Zoltan Galántai suggère dans un autre article de considérer une autre échelle, non plus basée sur la consommation d'énergie mais sur l'habileté d'une civilisation à survivre aux désastres naturels et cosmiques. Le type I décrirait une civilisation capable de résister à une catastrophe naturelle locale, comme les Anasazis. Une civilisation de type II aurait les moyens de contrer une catastrophe régionale ou continentale, enfin le type III pourrait faire face à un désastre global tels l'impact d'un géocroiseur, l'éruption d'un supervolcan ou encore à une ère glaciaire. Au-delà de ces trois premiers types viennent des civilisations s'étant dispersées dans la galaxie. Celle de type IV serait encore vulnérable à quelques menaces cosmiques, alors que celle de type V serait techniquement immortelle puisque plus aucune catastrophe cosmique ne pourrait l'atteindre[77]. L'échelle de Kardashev peut être un outil pertinent pour prévenir les catastrophes, qu'elles soient humaines ou naturelles d'après Richard Wilson, qui rapporte cette échelle à la puissance de destruction, en TNT. Une civilisation de type I utiliserait 25 mégatonnes de TNT équivalentes par seconde, celle de type II, 4×109 fois plus (4 milliards de bombes hydrogène par seconde), alors que celle de type III, 1011 fois plus[78].

Extrapolations de M. G. Millis (2011)
d'après les données de 1980 à 2007[79]
Type Puissance
(W)
Année
au plus tôt
Année
nominale
Année
au plus tard
I 2,1×1016 2209 2390 6498
II 3,8×1026 2873 3652 21272
III 4×1037 3587 5007 37147

M. G. Millis estime que les données actuelles (sur une période de 27 ans) permettent de prédire que l'humanité n'accèdera pas au type I avant l'année 2400 (soit une production 2,1×1016 W). Il a actualisé les calculs de Kardashev d'après les données s'étalant de 1980 à 2007[79]. Zoltan Galántai remarque que ni Kardashev ni Sagan n'ont pensé prolonger l'échelle et définir un type IV (qui utiliserait l'énergie d'un Univers entier). Ils n'ont tout simplement pas envisagé une civilisation capable de manipuler son environnement sur la plus haute échelle possible (sur environ 14 milliards de parsecs)[9]. La supercivilisation de type IV s'approche des possibilités divines et pourrait créer et voyager à travers des Univers alternatifs conçus par elle[80], cette dernière possibilité étant réservée pour Carrigan à une civilisation de type V[48]. La fraction d'énergie captée par une civilisation capable de s'alimenter sur un trou noir pourrait également permettre de classer les civilisations[81].

Scénarios possibles[modifier | modifier le code]

Les paramètres les plus importants pour définir l'existence d'une civilisation sont au nombre de trois d'après Kardashev : l'existence de sources d'énergie très puissantes, l'utilisation de technologies hors normes et la transmission d'importantes quantités d'information de différentes sortes à travers l'espace[82].

Les sources d'énergie[modifier | modifier le code]

La classification de Kardashev est fondée sur l'hypothèse qu'une civilisation avancée utilise beaucoup d'énergie, ce qui sous-entend qu'elle doit être de fait détectable sur de longues distances résume Zoltan Galántai[40]. À l'origine, pour Kardashev, la limite d'utilisation d'énergie par une civilisation se situe dans la région du spectre électromagnétique allant de 106 à 10l8 Hz, ce qui autorise deux constats relatifs à la thermodynamique. Premièrement l'intégralité de l'énergie consommée est inévitablement convertie en chaleur. Deuxièmement, la seule façon de dissiper cette énergie est sous la forme de rayonnements dispersés dans l'espace. Ces deux constats sont les piliers de la théorie de Kardashev qui considère que les objets cosmiques à fort rayonnement pourraient être des sources artificielles[83]. Il a également envisagé de détecter une source artificielle en mettant en évidence la raie spectrale de l'hydrogène, dans son utilisation à des fins de fusion nucléaire[84].

Dutil et Dumas envisagent plusieurs limitations physiques à une production énergétique en continu, comme celle de la photosynthèse (environ 10 TW), celle climatique (environ 127 TW) ou encore celle liée au flux solaire (174 000 TW). La seule source d'énergie inépuisable, qui puisse garantir à une civilisation un approvisionnement sur plusieurs milliards d'années, est le deutérium (utilisé dans la fusion nucléaire)[71]. La durabilité d'une civilisation doit donc passer par « un strict contrôle de l'exploitation des ressources » disponibles ; cette difficulté à dépasser les limites énergétiques peut expliquer le fait que la grande majorité des civilisations échouent à s'engager dans un projet de colonisation spatiale[71]. Une solution pour augmenter la production énergétique serait de capter le rayonnement solaire radié sur la surface lunaire, soit 1,6×1015 W (soit 164 W/m2, sur une surface de 9,5×1012 m2)[79].

L'astrophysicien Makoto Inoue et l'économiste Hiromitsu Yokoo ont étudié la possibilité qu'une civilisation de type III puisse s'alimenter depuis un trou noir supermassif (SMBH en anglais). L'énergie captée pourrait couvrir les extraordinaires besoins d'une civilisation nécessitant environ 4×1044 erg/s[85]. L'énergie serait recueillie sous forme de rayonnements émis par la matière s'engouffrant dans l'astre, au moyen de collecteurs situés au sein du disque d'accrétion. Ces collecteurs sont similaires à des sphères de Dyson. Le trop-plein, ainsi que les déchets de la civilisation, seraient redirigés vers le trou noir. Une fraction de cette énergie, dirigée sous forme d'un rayon de haute puissance, pourrait être utile pour le voyage spatial. Un club galactique de civilisations pourrait transmettre l'énergie au moyen de réseaux au sein de la galaxie. Au sein des différentes stations d'alimentation centrales composant le réseau, la transmission de puissance est commutée régulièrement, entre émetteur et récepteur, et ce en fonction de la rotation galactique. Pour être efficace, ce réseau devrait être situé au centre de la galaxie[81].

La technologie[modifier | modifier le code]

Articles détaillés : Ingénierie stellaire et Mégastructure.
Illustration en couleur. Le quart d'une boule est retirée. En son centre se trouve le Soleil qui éclaire des objets célestes.
Schéma d'une coquille de Dyson d'une unité astronomique de rayon

Ce paramètre est l'un des plus indétectables dans l'Univers en raison du fait que les structures de matière solide sont à basse température et émettent de faibles rayonnements. Leur luminosité, très difficilement observable, ne peut également permettre de les observer au moyen de télescopes. De même on doit renoncer à les détecter via leurs effets gravitationnels[86]. Par contre leur existence peut être déterminée en analysant les longueurs d'onde entre 8 et 13 microns, correspondant à des températures de surface de 300 °K. Une hypothétique sphère de Dyson pourrait ainsi être détectée[22], à condition que l'observation se fasse depuis l'espace[87]. Localement, la baisse importante de la lumiosité, qui résulterait d'une sphère de Dyson (ou « bulle de Fermi ») immense, permettrait de mettre en évidence une civilisation de type III[88].

Une mégastructure comme une sphère de Dyson pourrait être le résultat d'une ingénierie basée sur les sondes autoréplicantes comme celles imaginées par von Neumann. Une civilisation de type III aurait en effet les moyens de disperser dans la galaxie un nombre important de ces sphères, ce qui aurait pour conséquence d'atténuer la lumière rayonnée par la galaxie[89]. Kaku considère également que c'est la plus efficace méthode de colonisation de l'espace. Par exemple, une galaxie de 100 000 années-lumière de diamètre serait explorée en un demi-million d'années[38]. Paul Davies a suggéré qu'une civilisation puisse coloniser la galaxie en dispersant des sondes miniatures, pas plus grosses que la paume de la main, et de fonctionnement nanotechnologique. Cette thèse est réaliste, explique-t-il, puisqu'il est évident que la technologie est de plus en plus miniaturisée et, en proportion, moins coûteuse[38].

Des mégastructures de type II seraient plus facilement détectables. Ce serait le cas d'une sphère de Dyson utilisée comme « moteur stellaire » (stellar engine)[90], tout comme l'apport d'éléments lourds[91]. De même, des « propulseurs de Shkadov » (Shkadov thruster), qui permettraient de générer une poussée latérale de 4,4 parsec sur son étoile en reflétant les rayonnements solaires au moyen d'une structure constituée de miroirs, seraient des objets observables. Ce dispositif briserait la symétrie des radiations solaires et contrebalancerait les forces gravitationnelles, permettant ainsi à une civilisation de type II de déplacer son système solaire d'origine à travers l'espace[92],[90]. Drake et Chklovski ont également envisagé la possibilité d'« ensemencer » une étoile (Stellar salting) en y ajoutant artificiellement des composants extrêmement rares comme le technétium ou le prométhium. Une telle intervention sur la composition d'une étoile serait détectable[93].

Il est toujours possible que l'humanité puisse détecter les traces d'une civilisation de types I, II ou III disparue. La recherche de traces matérielles de telles civilisations (sphères de Dyson ou moteurs stellaires par exemple), « alternative intéressante » au programme SETI conventionnel, jette les bases d'une « archéologie cosmique » selon Richard A. Carrigan. Les efforts pour détecter des marqueurs d'intelligence dans l'atmosphère des exoplanètes (comme le fréon, l'oxygène ou même l'ozone, résidus de l'activité biotique selon les recherche de James Lovelock[94]) en est l'un des axes prometteurs. Une civilisation observant son étoile mourir (en géante rouge par exemple) pourrait avoir tenté d'en prolonger l'existence par des mégastructures qui devraient être détectables[95]. Les traces possibles pourraient être des résidus nucléaires, à rechercher au sein des types spectraux allant de A5 à F2 selon Whitmire et Wright[96]. Ce pourraît être aussi un changement dans le ratio isotopique, dû à un moteur stellaire, ou encore une modulation spectrale inhabituelle dans la composition de l'astre[97].

La transmission intersidérale d'informations[modifier | modifier le code]

Article détaillé : Communication interstellaire.
Illustration en couleur. Sur un fond noir sont dessinées des formes géométriques de couleurs variées.
Capture d'écran du programme SETI@home

Les transmissions d'une civilisation extraterrestre (ce que recherche SERENDIP) peuvent être divisées en deux types d'après Kardashev. D'une part, il peut y avoir échange d'information entre des civilisations hautement développées ou à des stades d'évolution sensiblement semblables. D'autre part, la transmission de l'information peut avoir pour but d'élever le niveau d'autres civilisations moins développées. Si les supercivilisations existent bien, la transmission du premier type doit demeurer inaccessible à notre observation car elles doivent être unidirectionnelles et ne pas être dirigées vers le Système solaire. Au contraire, celles du second type doivent être facilement détectables par nos moyens d'écoute[87]. Un signal d'origine artificielle devrait contenir plus de 10 et moins de 100 bits. Ces derniers seraient de deux types : transitoires et stables. Plusieurs critères permettent de discriminer un signal d'origine artificielle des autres. D'abord, la région du spectre optimum pour abriter des signaux artificiels est celle où la température du fond diffus cosmologique est la plus basse[98]. Ensuite, les sources artificielles doivent posséder une taille angulaire minimale. Enfin, l'existence de données suspectes dans les autres régions du spectre (comme la polarisation circulaire, les fréquences radio et optiques[99] ou encore les émissions de rayons X) peuvent confirmer qu'il s'agit d'une transmission intelligente. Deux sources parmi celles étudiées comportent des paramètres proches de ceux attendus : 1934-63 et 3C 273B[100].

Pour L. M. Gindilis, il existe deux critères pour qu'un signal soit dit artificiel : l'un lié à la nature artificielle de la source et l'autre lié à un rayonnement particulier, intentionnellement conçu pour assurer la communication et simplifier la détection[101]. Seules les civilisations de type II ou III peuvent communiquer au moyen de transmissions isotropiques et autorisant une réception non-directionnelle. Dans une bande de 1 MHz (ce qui nécessite environ 1024 watts), la détection de signaux émanant d'une civilisation de type II est possible jusqu'à 1 000 années-lumière, alors que les signaux provenant d'une civilisation de type III sont virtuellement détectables dans tout l'Univers observable[102]. Cependant, la construction d'un transmetteur omnidirectionnel assez puissant pour émettre sur une portée de 1 000 années-lumière prendrait plusieurs millions d'années. L'énergie requise et la limitation dans sa production constitueraient deux barrières pour achever ce projet dans un délai raisonnable selon V. S. Troitskij[103].

Pour Zoltan Galántai, nous ne pourrions pas faire la différence entre un signal intelligent extraterrestre et un signal d'origine naturelle. Par conséquent, il ne pense pas que des civilisations de types II, III ou même IV puissent être détectées. Même lorsque l'humanité atteindra le type IV, elle sera incapable de détecter une autre supercivilisation de niveau similaire, et nous considérerons leurs modifications de l'Univers comme le résultat de causes naturelles. L'Univers comprend donc peut-être de nombreuses civilisations de type IV, mais aucune ne peut parvenir à détecter les autres[104]. Par ailleurs, les dimensions de l'Univers font que ces supercivilisations sont comme des îles éloignées des autres, ce que Dyson définit comme « un Univers à la Lewis Carroll » (a Carroll Universe)[80].

Pour Alexander L. Zaitsev, la transmission radio de messages interstellaires (IRM) est la plus probablement utilisée par les civilisations. Les radiotélescopes planétaires et installés sur des astéroïdes permettraient d'écouter au mieux les multiples messages qui pourraient nous être envoyés[105]. En 2007, le programme SETI analyse les seules fréquences télévisuelles envoyées par une civilisation de type 0, note Michio Kaku. Par conséquent, notre galaxie est peut-être traversée de communications provenant de civilisations de type II et III, mais nos instruments d'écoute peuvent uniquement détecter des messages de type 0[38].

Recherche et détection de civilisations[modifier | modifier le code]

La conférence Byurakan (1964)[modifier | modifier le code]

Photo en couleur. Un objet semi-sphérique se découpe devant un paysage naturel composé de plantes et d'un ciel nuageux.
L'observatoire astrophysique de Byurakan

Depuis 1962, Kardashev est membre d'un groupe de recherche SETI à l'Institut astronomique Sternberg de Moscou. En 1964, il organise la première rencontre soviétique quant à la possibilité de civilisations extraterrestres, qui se tient à l'observatoire astrophysique de Byurakan en Arménie[106]. Cette conférence nationale se tient en réponse au séminaire américain dit Green Bank conference de 1961 qui a lieu à l'observatoire de Green Bank, aux États-Unis[107]. Réunissant des radioastronomes, il a pour objectif d'« obtenir des solutions techniques et linguistiques rationnelles quant au problème de la communication avec une civilisation extraterrestre qui est plus avancée que la civilisation de la Terre. » Kardashev y présente sa classification, alors que Troitskii annonce qu'il est possible de détecter des signaux émanant d'autres galaxies[108]. Le travail de Kardashev est le centre de l'attention de tous[109],[110].

Pour Kardashev, « dans les 5-10 prochaines années, toutes les sources de radiation constituant le plus grand flux observable, dans toutes les régions du spectre électromagnétique, auront été découvertes et étudiées », la sensibilité des appareils d'écoute ayant en effet atteint leurs limites techniques. Selon lui, la totalité du spectre électromagnétique sera connue et, par conséquent, la liste des objets pouvant être des sources artificielles pourrait ainsi être étendue. La recherche de signaux artificiels devra alors se concentrer sur les objets de luminosité ou de rayonnement maximum appartenant à une région particulière du spectre, mais aussi sur les objets de masse importante, et sur ceux qui représentent l'essentiel de la matière dans l'Univers. Dès 1971, Kardashev considère que ce constat nécessite de préparer un plan d'écoute et d'analyse qui permette le succès de la recherche de civilisations extraterrestres. L'humanité sera alors en mesure de lever le « dilemme principal » (main dilemma) tel qu'il a été énoncé par Enrico Fermi[111]. Ce dilemme est, selon l'astronome soviétique, certainement lié à notre manque d'informations et de connaissances[112],[113].

Kardashev pense qu'un projet de recherche comme Ozma est incapable de détecter une civilisation de type I (idée promue également par Kaplan en 1971[114]) et que SETI devrait plutôt se concentrer sur la recherche de signaux radio intenses qui pourraient émaner de civilisations de type II ou III en activité[115]. Pour prouver que cette approche est efficace, Kardashev a donc porté son attention sur deux radiosources détectées par le California Institute of Technology et nomenclaturées CTA-21 et CTA-102. Par la suite, Gennadii Borisovich Sholomitskii utilise la station de recherche astronomique russe pour examiner les données de CTA-102[107]. Il détermine que cette radiosource se distingue par sa variabilité. Kardashev considère alors que cela peut constituer l'indice d'une source d'émission artificielle, bien que de durée de vie assez courte[34].

Vers une « eschatologie physique »[modifier | modifier le code]

Les connaissances de ces supercivilisations hypothétiques doivent s'inscrire dans un large éventail de lois physiques, qui contient l'intégralité de nos connaissances actuelles, les développements technique et scientifique de l'humanité pouvant être considérés comme un stade inévitable et nécessaire dans le processus d'évolution d'une civilisation. Sur ce principe, Kardashev propose de définir plusieurs concepts applicables aux civilisations extraterrestres[116]. Les lois physiques, universelles, peuvent être utilisées comme une base commune pour comprendre les autres civilisations et, en particulier, nous permettre de développer un programme de recherche objectif[117]. Michio Kaku considère lui aussi que le développement des civilisation obéit aux « lois d'airain de la physique » et en particulier aux lois de la thermodynamique, à celles de la matière stable (matière baryonique) et à celles de l'évolution planétaire (probabilité de survenue de catatrophes naturelles ou cosmiques)[38]. Le principe entropique permet également de prévoir les caractéristiques sociologiques aux fondements de toute civilisation[118].

Cependant, ces lois universelles ne sont pas le seul paramètre à prendre en compte. Zoltan Galántai explique ainsi qu'« il est impossible de calculer le futur de l'Univers sur de longues périodes sans inclure les effets de la vie et de l'intelligence », position proche de celle adoptée par Freeman Dyson[119]. La prise en compte de ces deux phénomènes, les lois physiques universelles et l'intelligence issue de la vie, définissent une « eschatologie physique » (Physical eschatology) selon l'expression de Galántai. Cette approche débute dans les années 1970 avec les travaux de Kardashev, puis l'eschatologie physique a peu à peu intéressé nombre de scientifiques et de penseurs, note Dyson[9].

Une définition fonctionnelle de la civilisation[modifier | modifier le code]

Sur un fond noir un éclat lumineux rond.
La galaxie M87 possède un noyau galactique actif constituant une forte source de rayonnement dans toutes les longueurs d'onde. Ce type de rayonnement a été considéré par Kardashev comme l'un des signaux possibles d'une civilisation évoluée.

L'observation du développement des organismes vivants montre qu'ils sont caractérisés par la tendance à emmagasiner une quantité maximum d'informations, à propos de l'environnement et à propos d'eux-mêmes. Puis cette information donne lieu à une analyse abstraite, ce qui joue un rôle important dans le développement des formes de vie. Kardashev définit donc la civilisation dans une perspective fonctionnelle comme « un état de matière très stable capable de faire l'acquisition, l'analyse abstraite et d'appliquer l'information dans le but d'en extraire les données concernant l'environnement et elle-même, afin de développer des réactions de survie »[116],[116]. Cependant, cette définition fonctionnelle de la civilisation sous-entend qu'elle ne peut avoir de fin puisqu'elle repose sur le principe qu'elle accumule toujours plus d'informations. Reprenant les catégories de von Hoerner, Kardashev entrevoit quatre scénarios possibles concernant le développement de civilisations : 1) la destruction totale de la vie, 2) la destruction de la vie intelligente seulement, 3) la dégénérescence et 4) la perte d'intérêt. Toutefois il refuse d'y voir des fins inévitables. Or poser comme principe que la seule limite au développement d'une civilisation ne peut être que l'existence d'une quantité finie d'informations, et ce dans tous les domaines, est tout aussi erroné puisqu'il est hautement improbable que l'information soit infinie dans l'Univers[120]. Compte tenu des ces deux hypothèses, Kardashev avance qu'il n'y a pas de civilisation universelle (supercivilisation) parce que les civilisations hautement évoluées perdent tout intérêt à la recherche spatiale. En tout état de cause, et en dépit du problème des fins des civilisations, il conclut, à la lumière de sa définition fonctionnelle de la civilisation avancée, que cette dernière doit utiliser une masse et une énergie sur des échelles fantastiques. Rien ne permet, selon lui, de dénoncer l'hypothèse que l'expansion de l'Univers ne serait pas un effet de l'activité intelligente d'une supercivilisation[121].

La civilisation humaine : modèle d'extrapolation[modifier | modifier le code]

Kardashev pose la question suivante : « Peut-on décrire dans ses grandes lignes le développement d'une civilisation sur des périodes cosmologiques importantes ? » Or beaucoup de paramètres fondamentaux, caractérisant le développement de la civilisation sur Terre, croissent de manière exponentielle. Dans le domaine de l'énergie, l'astronome Don Goldsmith a estimé que la Terre reçoit environ un milliardième de l'énergie du soleil, et que les humains en utilisent environ un millionième. Donc, nous consommons environ un million de milliardième de l'énergie totale du Soleil. L'expansion humaine étant exponentielle, nous pouvons déterminer combien de temps il faudra pour que l'humanité passe du type II au type III selon Michio Kaku[38]. Le taux de développement de notre propre monde demeure donc le seul critère pour extrapoler l'état de civilisations plus anciennes que l'humanité[122]. Il en est de même en ce qui concerne les valeurs sociales et les besoins fondamentaux d'après Ashkenazi[123]. Par conséquent, le temps pour doubler la connaissance technique est d'environ dix ans, pour doubler la puissance énergétique, les réserves disponibles et la population est d'environ 25 ans. Deux scénarios sont alors possibles : l'expansion spatiale ou la stagnation énergétique, cette dernière n'étant encore possible que pendant 125 ans estime Kardashev, en utilisant la relation suivante avec \alpha = 1,04 :

t = \frac{\log \left(P/P_o\right)}{\log \alpha}

t est le nombre d'années, P est un paramètre qui s'accroît annuellement en fonction de P_o et de t selon P = P_o \alpha^t et \alpha, un taux d'accroissement.

Si \alpha = 1,04, alors la consommation énergétique de l'humanité dépassera la puissance solaire incidente (1,742×1017 W) après 240 ans, la puissance totale du Soleil (3,826×1026 W) après 800 ans et celle de la Galaxie (7,29×1036 W) entière après 1 500 ans[Note 7],[124]. Sur cette base de calcul, Zuckerman estime à 10 000 le nombre de civilisations qui peuvent exister dans notre galaxie[125]. Kardashev conlut que la croissance exponentielle actuelle constitue une phase de transition dans le développement d'une civilisation, et qu'il est inévitablement limité par des facteurs naturels. De fait, la masse et l'énergie requises augmenteront exponentiellement également et ce pendant encore 1 000 ans estime-t-il. La civilisation est donc définie par un taux d'accroissement exponentielle[126]. L'humanité comme modèle pour penser le développement des civilisations extraterrestres présente des limites, dépassables véritablement par une approche multidisciplinaire d'après les travaux de Kathryn Denning[127].

Recherches menées[modifier | modifier le code]

Photo en couleur. Sur une surface de pierres et parmi des plantes, un objet rond est surmonté d'un système soutenu par une poutre.roches
Le radiotélescope d'Arecibo, sur l'île de Porto Rico, haut lieu de la recherche SETI.
La section « Observations astrophysiques » de l'article « Sphère de Dyson » est un complément indispensable

En 1963, Nikolaï Kardashev et Gennadii Borisovich Sholomitskii étudient, depuis le Crimea Deep Space Station, la radiosource CTA 102 sur la bande des 920 Mhz, à la recherche de signes d'une civilisation de type III[128]. CTA 102 a été découvert par Sholomitskii un an auparavant et Kardashev y a vu rapidement une source artificielle possible à étudier pour valider sa classification. L'observation dure jusqu'en février 1965 et, le 12 avril, Sholomitskii annonce à la presse (via l'ITAR-TASS russe) que des astronomes soviétiques ont découvert un signal qui pourraît être d'origine extraterrestre. Le 14 avril, il donne une conférence à Moscou où il réitère son annonce mais en novembre 1964, deux astronomes américains identifient CTA 102 comme étant un quasar, classant définitivement l'« affaire CTA 102 »[129]. C'est l'étude de ce quasar qui a conduit à la conférence de Byurakan, en 1964[130].

En 1975 et 1976, les astronomes américains Frank Drake et Carl Sagan recherchent des signes de civilisations de type II à Arecibo parmi quatre galaxies du groupe local : M33, M49, Leo I et Leo II[131],[132]. L'année précédente, les deux hommes avaient envoyé le premier message de l'humanité en direction de M13[133]. Les résultats donnent lieu à une publication : « The Search for Extraterrestrial Intelligence » dans la revue Scientific American de mai 1975[134].

En 1976, au radiotélescope RATAN-600, dans le nord Caucase, Kardashev, Troitskii et Gindilis ont recherché des signaux de civilisations de types II ou III dans la Voie lactée et dans d'autres galaxies proches[132]. Le radiotélescope a été construit en 1966, sous la supervision de Gindilis, pour écouter dans les longueurs d'onde centimétriques[135].

En 1978, Cohen, Malkan, Dickey recherchent des signaux passifs de civilisations de types II ou III au sein de 25 amas globulaires, à Arecibo[132]. Les résultats donnent lieu à une article, « A passive SETI in globular clusters at the hydroxyl and water lines », publié dans la revue Icarus en 1980[136].

En 1987, Tarter, Kardashev et Slysh utilisent le VLA pour détecter d'éventuelles sources infrarouges situées près du centre galactique et issues du catalogue établi au moyen du télescope IRAS. Les trois hommes sont à la recherche de preuves d'hypothétiques sphères de Dyson. Les objets s'avèrent être des étoiles de type OH/IR[132],[137].

Photo en couleur. Sur un fond noir se découpe un objet aux couleurs vives dont le centre est lumineux.
Aucune source artificielle caractéristique d'une civilisation de type III n'a été détectée parmi les 31 galaxies spirales observées par Annis en 1999.

Une recherche à petite échelle destinée à isoler des sources possibles appartenant au type III a été menée par James Annis en 1999 et publiée dans le Journal of the British Interplanetary Society sous le titre : « Placing a limit on star-fed Kardashev type III civilisations »[138]. Astrophysicien au Fermilab (États-Unis), Annis a étudié un échantillon de 31 galaxies, spirales et elliptiques, en utilisant le diagramme de Tully-Fisher dans lequel l'amplitude absolue est fonction de la vitesse de rotation des galaxies. Annis a suggéré que 75 % des objets les moins lumineux (à savoir témoignant d'une baisse de 1,5 de magnitude absolue en comparaison du diagramme) pourrait être considérés comme de possibles candidats. Cependant, aucun objet ayant cette caractéristique n'est observé lors de son enquête[139],[60]. D'autre part, Annis utilise les données astronomiques disponibles pour estimer la probabilité qu'une civilisation de type III puisse exister. Il montre que la durée moyenne pouvant permettre l'émergence d'une telle civilisation est de 300 milliards d'années, par conséquent aucune ne peut exister dans notre Univers actuel[140],[141].

Per Calissendorff a mené une étude sur un échantillon de galaxies spirales issues de deux bases de données : 4 861 issues du catalogue Spiral Field I-band (SFI++ établi par Springob et al. en 2005) et 95 issues de celui de Reyes et al. en 2011[142]. La même procédure que celle d'Annis a été suivie, mais l'échantillon de galaxies utilisé est 80 fois plus important que celui à la base de l'étude d'Annis[143]. Quelques sources ont été classées comme « déséquilibrées » (lopsided) : elles apparaissent asymétriques dans leurs formes, ce qui signifie qu'un côté du disque galactique est plus massif et moins lumineux que l'autre. Cette caractéristique pourrait être, selon Calissendorff, l'indice que la galaxie abrite une civilisation qui a placé des sphères de Dyson dans sa majeure partie. Ceci peut s'expliquer par le fait que la colonisation parte d'un côté du disque galactique, le faisant apparaître plus sombre, et faisant croire à un observateur lointain que le noyau s'est déplacée vers ce même côté[144]. Par ailleurs, une galaxie abritant des sphères de Dyson devrait être caractérisée par une importante source de rayonnements infrarouges lointains[145]. Reste qu'une civilisation de type III peut avoir recours à l'énergie au moyen d'une sphère de Dyson sans enserrer une étoile. En effet, de telles mégastructures pourraient également extraire l'énergie d'un trou noir, selon l'étude de Inoue et Yokoo (2011). Ce genre de construction ne diminuerait toutefois pas la luminosité d'une galaxie observée[146]. L'étude de Calissendorff conclut que 11 des sources analysées (sur un catalogue de 2 411 galaxies, soit 0,46 %) présentent des indices possibles d'une civilisation de type III[147]. En recherchant des objets opacifiant 90 % de la lumière, alors il ne reste plus qu'une seule source répondant aux critères[146]. Ces sources positives accusent un faible décalage vers le rouge (donc elles sont anciennes, d'environ 100 millions d'années), ce qui correspond avec de possibles civilisations de type III, qui n'ont pu fleurir que tôt dans le passé[143]. Pour avoir davantage de chances de détecter des sources artificielles de type III, Calissendorff suggère de prendre plusieurs photographies de suite, assez rapidement pour fixer le mouvement des turbulences dans l'atmosphère, d'appliquer différents filtres photométriques et de rechercher des zones sombres (cas d'une sphère de Dyson en cours d'assemblage par une civilisation de type II), ou encore analyser le spectre infrarouge des galaxies. Un échantillon beaucoup plus important d'objets devrait être étudié[148].

Critères d'écoute possibles[modifier | modifier le code]

Point de vue de Kardashev[modifier | modifier le code]

carte de nuances du rayonnement de fond cosmologique montrant les variations selon une échelle du bleu vers le rouge.
Projection du rayonnement de fond cosmologique sur la sphère céleste, réalisée à partir d'observation en micro-ondes par la Wilkinson Microwave Anisotropy Probe au début des années 2000.

Selon Kardashev, notre méconnaissance en ce qui concerne les possibilités physiques de communiquer à travers l'espace est grande[149]. Nous ne connaissons en effet qu'une fraction négligeable du spectre électromagnétique et, donc, des sources d'informations existantes dans l'Univers[150]. Ainsi, parmi les 89 % d'information qu'il nous manque, 42 % concernent la région allant de 109 à 1014 Hz (ondes centimétriques, millimétriques, submillimétriques et infrarouges) et 25 % concernent celle entre 1015 et 1018 Hz (radiations ultraviolet et rayons X)[112]. Kardashev distingue deux catégories de domaines d'écoute : les objets émettant sur un large spectre de fréquence et les objets émettant au contraire dans une raie spectrale étroite, cette seconde catégorie posant beaucoup plus de problèmes théoriques que la première tout en étant centrale, à la fois pour l'astrophysique et pour la recherche de civilisations extraterrestres[150]. En dépit des avancées en astrophysique, les informations disponibles demeurent insuffisantes pour démontrer l'absence de supercivilisations, partant de l'incapacité à observer des signes d'activité. Toutefois, en raison de la possibilité que des sytèmes planétaires soient beaucoup plus anciens que le nôtre, et en considérant que des objets cosmiques comme les quasars soient en fait des produits de l'activité de supercivilisations, un programme détaillé d'écoute et de recherche de signes intelligents demeure valable[112]. Ce programme comprend[151] :

  • la surveillance du ciel sur 3, 10, 30, 100 et 300 microns, en particulier sur 1, 3 et 10 mm de façon à identifier cent des plus puissantes sources parmi celles observées et sur chaque fréquence ;
  • étudier en détail les propriétés des quasars et autres objets insolites ;
  • rechercher des anomalies monochromatiques parmi les radiosources les plus puissantes (comme une raie d'émission hydroxyle), dans la bande décimétrique ;
  • recherche des signaux périodiques (pulsars) d'origine interstellaire, dans la même bande ;
  • recherche des signaux monochromatiques de fréquences variables, toujours dans la même bande.

Selon Kardashev, seul un radio interféromètre à la base, soit de l'ordre ou soit plus large, que le diamètre de la Terre, positionné dans l'espace orbital, permettrait d'écouter les fréquences centimétriques et décimétriques[117]. Une fois qu'un nombre de sources inhabituelles a été sélectionné, il s'agit ensuite de rechercher des contenus signifiants parmi les rayonnements desdits objets[117]. En 1998, Nikolaï Kardashev, S. F. Likhachev et V. I. Zhuravlev ont proposé deux projets spatiaux SETI pour détecter des sources artificielles : le projet Millimetron (observatoire en orbite comprenant un miroir de 10 m de diamètre) et le télescope optique VLBI optical telescope (pour la synthèse interférométrique d'images en ultraviolet, optique et infrarouge)[152].

Autres pistes[modifier | modifier le code]

Photo en couleur. Sur un fond noir se découpe un objet céleste formé de taches aux couleurs vives.
Les amas globulaires regroupent des pouponnières d'étoiles. Ils constitueraient selon Richard A. Carrigan une zone de recherche SETI privilégiée (ici, M80).

Pour S. A. Kaplan, « le critère le plus fiable » demeure la faible dimension angulaire de la source radio. La longueur d'onde des 21 cm, privilégiée depuis 1959, à la suite de l'étude de Cocconi et Morrison, n'est pas la seule région d'écoute. Kaplan, en 1971, cite également la région radio du spectre, caractérisée par le radical hydroxyle (OH)[114]. Pour Livio, les moyens de détection devraient se focaliser sur les amas globulaires, régions les plus susceptibles d'abriter des planètes similaires à la Terre[44].

Pour Guillermo A. Lemarchand, les civilisations extraterrestres ne doivent pas recourir à un transmetteur omnidirectionnel. Il faut plutôt rechercher des signaux de faibles informations, intermittents et unidirectionnels. Elles doivent certainement utiliser l'interférométrie pour inspecter des systèmes solaires où la vie peut apparaître. De la Terre, il serait possible de capter ces signaux à des distances pouvant aller jusqu'à 35 + (tf - 2000) / 2 années-lumière, où t_f est la date d'observation en années, sachant que tf ⩾ 2000[153]. Il existe cependant quantité de techniques pour transmettre un message intersidéral, qui vont des bosons aux particules voire aux antiparticules[154].

Une source artificielle située dans le disque d'accrétion d'un trou noir supermassif ne serait pas détectable par les faisceaux utilisés pour le transfert de l'énergie collectée. En effet, la probabilité de détecter un rayon d'un micron d'arc-seconde est inférieure à 10-23. De surcroît, l'énergie émise par le trou noir ne permettrait pas de détecter celle utilisée par la civilisation de type III. En revanche, le système de réflexion optique des rayonnements pourrait être détecté par l'ombre qu'il produit sur le disque d'accrétion[155].

Une civilisation de type III ayant recours à une « bulle de Fermi » serait détectable par le fait qu'elle diminue la luminosité d'une région de la galaxie. Une observation infrarouge permettrait de la mettre en évidence, en particulier dans les galaxies elliptiques, suggère Annis[88].

Objets insolites[modifier | modifier le code]

Photo en couleur. Sur un fond noir apparaît un objet céleste lumineux.
Le quasar 3C 273, le plus lumineux jamais observé.

Le quasar 3C 9 est cité par Kardashev dès 1971[156]. L'étude du quasar 3C 273 montre qu'une structure solide le compose. D'autres quasars (3C 279, 3C 345, 3C 84) ont des propriétés proches de celles attendues par une source artificielle, d'autant plus que les émissions sont puissantes dans la région intermédiaire du spectre (entre les fréquences radio et celles optiques)[157]. Les quasars constituent des sources artificielles potentielles, d'autant plus que leur âge correspond aux possibilités techniques de supercivilisations. Les sources radio situées au centre des galaxies peuvent aussi être des sources artificielles selon Kardashev[158], même s'il est démontré en 2013 qu'il s'agit de trous noirs supermassifs. En 1971, Kardashev considère que les objets constituant les sources artificielles les plus probables pourraient être découvertes dans les prochaines années[150].

L'extraordinaire périodicité des émissions provenant des pulsars a été prise, dès 1968 par Antony Hewish, le découvreur du premier d'entre eux (CP 19019), pour des sources artificielles. La presse de l'époque a d'ailleurs surnommé cet objet « LGM-1 » (pour « little green men »), suite à la maladresse d'Hewish, qui n'a pas attendu les vérifications nécessaires. Kaplan, en 1971, retire le pulsar de la liste des objets pouvant constituer une source d'origine artificielle[159].

En 2011, James et Dominic Benford examinent les possibilités qui existent pour différencier les pulsars d'éventuels sources artificielles émettant des signaux intelligents comme : la bande passante (des signaux d'environ 100 MHz pourraient être artificiels), la longueur d'impulsion (pour diminuer les coûts, l'impulsion devrait être courte) et la fréquence (10 GHz environ, pour des raisons économiques également). La radiosource PSR J1928+15 (observée en 2005 près du disque galactique, sur une fréquence de 1,44 GHz, à Arecibo) pourrait être d'origine extraterrestre. James et Dominic Benford étudient trois scénarios dans lesquels le facteur coût est pris en considération. Dans l'hypothèse où la source est à coût optimisé, elle appartient à une civilisation de type 0,35 (la Terre étant de type 0,73). Si elle est à coût non optimisé et fonctionne par une petite antenne, le type est de 0,86. Avec une grande antenne, elle serait issue d'un type 0,66. Selon cette méthode coût/efficacité, on peut estimer que les sources de faible intensité sont certainement les plus répandues, mais aussi les plus difficiles à observer[160].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. « Detection and studies of extraterrestrial civilizations constitute a problem of immense significance for the progress of humanity and for its culture and philosophy. The discovery of intelligent life in the Universe would provide a guideline to the possible development of our civilization over astronomical time spans. »
  2. « Civilization is a highly stable state of matter capable of acquiring, making abstract analysis of, and utilizing information to obtain qualitatively new information about its environment and about itself, to improve its capabilities of gathering new information for producing sustaining reactions. Civilization is characterized by the content of the information acquired, by the program of functioning, and by the production required to implement these functions. »
  3. « Civilizationis a highly stable state of matter capable of acquiring, making abstract analysis of, and utilizing information to obtain qualitatively new information about its environment and about itself, to improve its capabilities of gathering new information for producing sustaining reactions. Civilization is characterized by the content of the information acquired, by the program of functioning, and by the production required to implement these functions. »
  4. « It is quite probable that our present state is one through which any civilization should pass during its initial evolution. »
  5. « The search for extraterrestrial civilizations could yield positive results within the first ten years, thereby giving mankind access to the vast store of information acquired in the Universe over a time span of billions of years. »
  6. Pour établir son échelle alphabétique, Sagan s'appuie sur la notion de « bits d'information fondamentale » (Sagan et Agel 2000, p. 235-238, lire en ligne, en anglais [archive]). Il fait référence à la théorie de l'information, développée par Claude Shannon, qui permet de quantifier le contenu moyen en information d'un ensemble de messages.
  7. « If the growth rate a = 1.04 is maintained after the critical period, the human power output will exceed the quantity of incident solar radiation after 240 years, after 800 years the total energy radiated by the Sun will be exceeded, and after 1500 years we will exceed the total radiation output of the entire Galaxy'. »

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) David Darling, « Kardashev, Nikolai Semenovich (1932-) » [archive] sur The Encyclopedia of Astrobiology, Astronomy, and Spaceflight, 2012. Consulté le 1er septembre 2013.
  2. Nikolaï Kardashev, 1964 (ru).
  3. Nikolaï Kardashev, 1964.
  4. Nikolaï Kardashev, 1964, p. 218.
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Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Lien externe[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article

Publications de Kardashev[modifier | modifier le code]

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26/10/2013
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