Causalité
Causalité
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Le principe de causalité est un principe rationnel, axiome de la pensée. Il s’énonce en deux points fondamentaux :
- tout phénomène a une cause
- dans les mêmes conditions, la même cause est suivie du même effet.
Ce principe est directement inspiré de la philosophie de René Descartes, qui commence à l'aborder dans le Discours de la méthode (cinquième et sixième parties), et le développe plus longuement dans les Méditations sur la philosophie première (1641).
Contrairement à ce que suggère le sens commun, le principe de causalité n’est pas confirmé par l’expérience, mais c’est un principe non réfuté, par exemple en chimie, ainsi qu’en physique au niveau macroscopique.
Cependant, si la philosophie empiriste ne considère pas que le principe de causalité (appelé "connexion nécessaire" par Hume) provient de l'expérience, elle considère que l'idée d'un tel principe provient d'une répétition de cas semblables dans l'expérience. C'est-à-dire que ce qui nous permet d'affirmer qu'une cause va produire tel effet, est l'habitude que nous avons dans l'expérience, de voir tel événement toujours naître de cas (qui sont les causes) semblables.
Les systèmes complexes n’en permettent pas la vérification aussi simple.
- quand ils comprennent beaucoup de boucles de rétroaction: un être humain réagit différemment à une demande selon le nombre de demandes précédentes.
- quand ils font appel à un très grand nombre de facteurs, même sans rétroaction: c'est de là que provient la limite des prévisions météorologiques (voir théorie du chaos).
Le principe de causalité, dans son acception unilinéaire classique (une cause, un effet), est applicable aux sciences naturelles (dites dures), mais se trouve difficilement applicable aux sciences sociales et humaines. Cela ne remet en cause en rien le principe de causalité dans son ensemble, l'étude de ces disciplines encourage plutôt la conceptualisation de la causalité sous d'autres formes : champ causal plutôt que ligne isolable de causalité, action réciproque (cause comme effet de l'effet, notion de boucle de rétroaction) plutôt que dichotomie cause/effet.
Mais partout où ces systèmes sont analysables en termes de composants physiques macroscopiques et chimiques, sa validité, sous sa forme classique, ne prête pas à une mise en cause. En effet, si les composants sont déterminés et qu’aucune autre influence ne joue, alors le composé ne peut être indéterminé sans contradiction. (voir démon de Laplace)
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Historique du principe [modifier]
En physique newtonienne [modifier]
La physique classique admet le principe sous sa forme la plus forte, celle indiquée en haut de la page.
Thermodynamique [modifier]
La thermodynamique statistique ne permet pas toujours de percevoir les causes. On admet leur existence et l'impossibilité de les faire apparaître dans les équations.
Relativité [modifier]
La relativité restreinte a introduit de nouvelles formules de changement de référentiel galiléen. Elle met en évidence qu'il existe une vitesse causale indépassable, faute de quoi dans certains référentiels l'effet aurait lieu avant la cause. La relativité exige précisément que le principe de causalité soit respecté dans tous les référentiels galiléens.
Il faut introduire une formulation plus forte: "tout effet a une cause et la cause précède l'effet dans tout référentiel galiléen, et même la précède d'un délai au moins égal à la durée nécessaire pour aller du lieu de la cause au lieu de l'effet à la vitesse causale."
L'étude dynamique montre que la vitesse causale est également la vitesse des particules de masse nulle, en particulier de la lumière. Cela dit la notion de vitesse causale ne serait pas abolie si la lumière elle-même n'atteignait pas cette vitesse.
Physique Quantique [modifier]
Dans les domaines concernées par la mécanique quantique, la validité du principe semble remise en cause de deux manière différentes :
- Certains résultats de mesure apparaîssent sans cause (indéterminisme fondamental)
- Certaines expériences semble mettre en évidence une rétro-causalité (rétroaction temporelle, cause finale)
Indéterminisme fondamental [modifier]
Les postulats de la mécanique quantique stipulent que :
- Les résultats d'une mesure d'un état quantique sont fondamentalement imprévisibles et ne peuvent être quantifiés qu'en terme de probabilité (postulat 4).
- Toute l'information sur l'état quantique est contenue dans le vecteur d'état (postulat 1).
Le postulat 1 exclut la possibilité que l'imprévisibilité de la mesure résulte d'une connaissance imparfaite de l'état quantique, ou - ce qui revient au même - provienne de variables cachées. Il y aurait donc, selon ces principes, un indéterminisme fondamental.
Certains physiciens, dont Einstein (mais aussi De Broglie, Bohm, Penrose..), n'acceptent pas l'idée d'une physique microscopique indéterministe. Ils refusent l'idée que certains phénomènes sont sans causes, ou que celles-ci sont en dehors du champ de la science. Ces physiciens cherchent à attribuer l'aspect probabiliste de la mécanique quantique à l'existence de variables cachées qui seraient à l'origine causale des indéterminismes apparents, remettant ainsi un cause le postulat 1 de la physique quantique.
Ainsi, Einstein, Podolsky et Rosen ont conçu en 1935 l'expérience de pensée du paradoxe EPR comme un test pour mettre en évidence l'existence de variables cachées locales. Le résultat des expériences d'Alain Aspect réalisées en 1981 et 1982, soit près de 50 ans après la conception du paradoxe, exclut finalement l'existence de variables cachées locales. Il est toujours possible d'imaginer contourner les conclusions de l'expérience d'Aspect en introduisant l'existence de variables cachées non-locales mais la localité est un des principes fondamentaux en physique qu'il est très difficile d'abandonner. En définitive il existe aujourd'hui un consensus dans la communauté scientifique pour dire que la mécanique quantique est fondamentalement indéterministe.
Etat des lieux et interprétations [modifier]
Tout d'abord, il faut souligner que la physique quantique est entièrement causale et déterminisme tant que n'intervient pas un processus de mesure. Aussi, dans certaines interprétation de la mécanique quantique excluant la notion de mesure, l'indéterminisme devient une illusion. Par exemple, la théorie d'Everett propose que tous les résultats possibles d'une mesure soient réalisés dans des univers différents. Cette hypothèse porte en anglais le nom de many-worlds ou many-minds (voir David Deutsch).
Mais se pourrait-il que le déterminisme "hors-mesure" de la physique quantique suffise à expliquer un certain déterminisme au niveau macroscopique ? Cela pourrait être le cas si on en croit Roland Omnès. Celui-ci tente de démontrer[1],[2] que l'évolution déterministe d'un système macroscopique peut être retrouvée à partir de l'évolution de son état quantique.
Dans un premier temps, il démontre qu'une cellule C1 d'un espace des phases (représentant un état physique classique) peut être traduit en observable par un dictionnaire de projecteurs E1 (théorème de Hörmander). Cette cellule C1 subit une évolution (classique et déterministe) au terme d'un temps t vers un état Ct. De mème, par le théorème de Hörmander, cette cellule correspond à un état quantique Et.
Omnès utilise ensuite le théorème de Yuri Egorov en analyse micro-locale pour démontrer que Et = E1(t), et donc que E(t) correspond bien à l'évolution déterministe classique.
Néanmoins, il existe mathématiquement une certaine probabilié que . Selon Omnès, cette probabilité peut être tenue pour complètement négligeable dans l'immense majorité des cas courants, et selon lui la causalité classique peut donc être retrouvée à partir des lois quantiques.
Pour Bernard d'Espagnat[3],[4], il existerait bel et bien des origines causales aux indéterminismes apparents, mais qui appartiendraient à un réel voilé, fondamentalement et définitivement hors d'atteinte d'un formalisme physique et de la science.
Des physiciens contemporains (comme Roger Penrose, ou Ghirardi/Rimini/Weber) poursuivent la pistes de variables cachées non-locale, en recherchant par exemple les variables cachées du côté d'effets gravitationnels[5], non encore pris en compte par la physique quantique.
Rétro-causalité [modifier]
L'expérience d'Aspect et plus encore l'expérience de Marlan Scully peuvent s'interpréter comme faisant intervenir une rétroaction temporelle dans les résultats mesurés.
Etat des lieux et interprétations [modifier]
Dans la version relativiste de la mécanique quantique qui est la théorie quantique des champs, le principe de causalité est réduit à l'interdiction de l'existence de corrélations entre des observables locales situées en des lieux séparés par un intervalle d'espace-temps de genre espace. Autrement dit, si deux expériences sont effectués en des lieux séparés physiquement et sur un intervalle de temps plus court que le temps nécessaire à la lumière pour relier ces deux lieux alors il ne peut y avoir de corrélation quantique entre les résultats de ces deux expériences.
Cosmologique [modifier]
Le modèle standard de la cosmologie, ne préjuge pas de l’existence d’un « instant initial » ou d’un commencement à l'histoire de l'univers. Certains physiciens comme Gabriele Veneziano, un des fondateurs de la théorie des cordes, travaillent sur des modèles, tel le modèle du pré-Big Bang[6][7], dans lequel le big bang constituerait un événement physique comme un autre, et dans lequel il pourrait même se dérouler plusieurs big bangs, chacun résultant par exemple de la collision entre deux branes. Néanmoins ce modèle souffre encore de difficultés[8] et ne recueille pas l'adhésion d'un grand nombre de cosmologistes.
Andreï Linde, l'un des fondateurs de la théorie de l'inflation cosmique sur laquelle est basée en partie le modèle standard de la cosmologie, imagine quant à lui[9] la possibilité d'un univers bien plus vaste que la région de l'univers observable qui nous est accessible et dans lequel de nombreuses régions causalement déconnectées seraient susceptibles de connaître des big bangs. Cependant il est difficile d'extraire de cette dernière conclusion des éléments permettant de vérifier un tel scénario, même si l'hypothèse de l'inflation cosmique pour notre univers primordial est, elle, très bien vérifiée par les observations.
Épistémologique [modifier]
Le « dans les mêmes conditions » pose un problème de signification, car si l’on fait deux fois ce qui semble être la même expérience, quelque chose en différera nécessairement
- soit en terme d’espace (l’expérience est faite ailleurs)
- soit dans le temps (elle est faite à un autre moment)
On devrait donc pour être plus précis préciser en quels termes de symétrie les conditions seront réputées être les mêmes. Voir Relativité, Théorème de Noether.
cependant, n'oublions pas que cause est, pour Pascal, associée à la foi, au cœur, à l'intuition, à l'évidence même de notre fond de pensée et cela relève d'une certaine réflexion en soi.
Conséquences [modifier]
On admet le principe de causalité en physique, sous sa forme adaptée à la physique quantique et à la relativité, à savoir "quand deux événements ont une relation de cause à effet, la cause précède l'effet dans tout référentiel galiléen, et même la précède d'un délai au moins égal à la durée nécessaire pour aller du lieu de la cause au lien de l'effet à la vitesse de la lumière."
Il faut alors admettre que certains rêves sont interdits:
- On ne peut remonter le temps (même quand on ne crée pas de paradoxe temporel, le voyage dans le temps contredit la causalité)
- Pour la même raison, la précognition est impossible
- Le temps doit être représenté comme une droite, pas un cercle (le principe n'ayant plus de sens si le passé et le futur se rejoignent)
Bien entendu, cela n'interdit pas de faire des prévisions en se basant sur les informations du présent (la météorologie ne repose pas sur des visions mystiques). Cela ne contredit pas non plus les récits mythologiques comme celui d'Œdipe, car les oracles sont dans ce cas des révélations des dieux quant à leurs projets et non des visions du futur.
Causalité et problème corps-esprit [modifier]
Le principe de causalité de Descartes est l'un des types de dualisme dans la façon d'aborder le problème corps-esprit.
La causalité selon Aristote [modifier]
On parle aussi de causalité dans la philosophie d'Aristote, mais pas dans un sens logique de cause/effet.
Il s'agit d'identifier les raisons pour lesquelles on fait quelque chose…
D'où les 4 causes : matérielle, formelle, motrice, finale.
Voir aussi [modifier]
- Cause
- Les 4 causes
- La causalité chez Descartes, dans les méditations sur la philosophie première
- Mécanisme (philosophie)
Liens externes [modifier]
- (fr) Frédéric Fabre Une antinomie de la causalité
Notes et références [modifier]
- ↑ Alors l'un devint deux, Flammarion
- ↑ Les indispensables de la mécanique quantique, Odile Jacob
- ↑ Le réel voilé, Fayard
- ↑ Traité de physique et de philosophie, Fayard
- ↑ Roger Penrose, The road ro reality, Knopf
- ↑ (en)M. Gasperini, G. Veneziano, Pre - big bang in string cosmology., Astropart.Phys.1:317-339,1993 (entrée SPIRES)
- ↑ (en)M. Gasperini, G. Veneziano, The Pre - big bang scenario in string cosmology.,Phys.Rept.373:1-212,2003 (entrée SPIRES)
- ↑ (en)Nemanja Kaloper, Lev Kofman, Andrei Linde, Viatcheslav Mukhanov, On the new string theory inspired mechanism of generation of cosmological perturbations., disponible sur l'arXiv.
- ↑ A. Linde, Particle physics and inflationary cosmology., Contemp.Concepts Phys.5:1-362,2005. Voir en particulier le chapitre 10.3.