Bioastronomie - Vivre dans la glace - Adaptation aux conditions extrêmes (IV)
Vivre dans la glace Adaptation aux conditions extrêmes (IV) Lorsqu’ils vivent dans des environnements extrêmement hostiles, certains microbes continuent à métaboliser mais à un taux nettement inférieur à la normale qui dépend fortement de la température et de la quantité de nourriture disponible; d’autres organismes altèrent leur structure et interrompent toute consommation d’énergie; enfin certains forment des spores qui leur permettent de survivre en l’absence de toute énergie jusqu’à ce que les conditions s’améliorent, après quoi des mécanismes entrent en action pour réparer les dommages cellulaires. Ainsi on a découvert que dans les glaces dures presque tous les micro-organismes forment des spores. Idem au-delà de 1500 m de profondeur dans la glace, tandis que 30% des zones permafrost isolées peuvent contenir des spores, un pourcentage 30 fois supérieur à la quantité de spores que l’on trouve dans les terres tempérées. Notons qu’il est plus facile d’entrer dans un état dormant que de former des spores, ces derniers exigeant une modification structurelle plus complexe et prenant plus de temps. |
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Un bacille. Document G.Carlson. |
1. La famine
Face à des conditions de famine, les microbes réagissent de différentes manières; les uns font face les autres subissent. Ainsi certains microbes réagissent à la famine en développant des ultramicrocellules; certains synthétisent des protéines de stress telle que les chaperones AdnK et GroEL ou Cst et Pex; certains expriment les gènes de la famine qui leur confèrent une plus grande résistance; certains réduisent leur métabolisme et deviennent dormants; enfin certains forment des spores. Bacillus, Clostridia et Actinobacteria, tous communs dans les glaces, sont particulièrement efficaces à développer un spore dont l’enveloppe est dure. Dunaliella peut sentir les fortes salinités et augmenter son taux de glycérol de 30% pour résister à la déshydratation. Grâce à de la thymidine et de la leucine tertiaire, des bactéries psychrophiles du genre Deinococcus peuvent survivre dans la neige du Pôle Sud par des températures ambiantes de -12° à -17°C, les Deinococci continuant à synthétiser l’ADN et des protéines à faible taux.
2. Les basses températures
E.Cavicchioli, R.Herbert et plusieurs autres chercheurs ont résumé dans plusieurs articles publiés entre 1986 et 2001 quelques unes des méthodes utilisées par les microbes confrontés au choc du froid :
- Pour contrer la perte de fluidité membranaire, augmenter la fraction d’acides gras polyinsaturés.
- Pour contrer le taux réduit des processus enzymatiques et le transport : 1) vous déplacer, si possible, vers un milieu plus riche en substrats organiques afin de compenser la perte d’énergie et l’efficacité des moyens de transport, ou 2) synthétiser une enzyme adaptée au froid.
- Pour stabiliser les structures secondaires des acides nucléiques et leurs effets inhibitoires subséquents sur la réplication de l’ADN, la transcription et la traduction des ARNm, faites évoluer les protéines froides actives de manière à ce qu’elles produisent des protéines conservant une structure flexible et des fonctions catalytiques efficaces.
- Pour empêcher la formation de cristaux de glace et éviter les dommages cellulaires, si la température descend sous le point de congélation du cytoplasme, synthétiser des protéines antigel pour inhiber la formation de glace. Des hydrates de carbone solubles et des polyoles peuvent également servir de cryoprotecteur.
- Certaines espèces disposent naturellement de facultés leurs permettant de résister au gel et peuvent prolonger leur durée de vie dans de telles conditions (voir tableau 2, p1.
3. Forte acidité
Afin de tirer avantage de toute la nourriture présente dans les veines acides des glaces, les microbes doivent pouvoir tolérer un pH qui peut atteindre 0. Mais pour garantir une activité de biosynthèse, les cellules doivent impérativement maintenir un pH intracellulaire supérieur à ~6. Les organismes qui ont pris la forme de spores et qui sont incapables de soutenir un gradient de pH si élevé peuvent se différencier des spores qui, à l’état dormant et protégés par leur coquille, résistent aux acides et ne doivent pas maintenir ce gradient de pH.
Les organismes acidophiles telles que Dunaliella acidophila qui ne sont pas à l’état de spores peuvent combiner plusieurs méthodes pour survivre dans de telles conditions : développer un potentiel transmembranaire positif à l’intérieur; une charge de surface positive; un puissant plasma membranaire H+-APTase qui rejète les protons; une membrane présentant une très faible perméabilité aux protons; une grande faculté tampon du cytoplasme liée à la faculté des protéines et d’autres molécules “d’éponger” les protéines entrantes; et stabilisation des protéines et d’autres biomolécules sur la surface externe de la membrane pour contrer l’effet de l’inactivation acide.
Etant donné que les acidophiles comprennent les cellules eucaryotes, les bactéries et les archaea, on peut s’attendre à trouver plus de représentants de chaque genre dans les veines acides glacées.
4. Protection croisée
Une réponse adéquate à la famine permet à la cellule de résister à d’autres stress tel que l’acidité, la salinité ou les basses températures. En effet, soit la famine soit un faible pH environnemental déclenche la chute d’acidité intracellulaire et stimule le microbe menacé à développer des mécanismes de défense.
Ainsi en période de disette, Escherichia coli produit de la dps, une protéine de liaison ADN fabriquée à partir de cellules mortes qui protège l’ADN de différentes formes de stress, y compris de la dépurination de l’ADN par l’acide. Des expériences conduites par A.Matin en 1990 ont montré que métaboliquement compromises, même non viables, des cellules d’acidophiles sont capables de maintenir un gradient de pH durant quelque temps après leur mort. Une bactérie dormante peut être relativement déshydratée, si bien que même si le pH de son cytoplasme diminue, l’hydrolyse acide des liaisons chimiques sera relativement faible, spécialement à basse température.
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