Bioastronomie - La chimie prébiotique - Le modèle riche en hydrogène (IV)
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La chimie prébiotique
Le modèle riche en hydrogène (IV)
Etant donné que le modèle prébiotique "réduit" riche en gaz carbonique ne permet pas d' expliquer l'apparition de la vie sur Terre, les chercheurs ont revu leur copie et réexaminé les conditions climatiques régnant à l'époque primitive de la Terre, voici environ 4 milliards d'années, époque à laquelle les premiers organismes vivants sont apparus. Si la vie est apparue sur Terre, la clé de ce mystère doit forcément se trouver soit dans l'atmosphère soit dans le sol, à condition que la Terre ait conservé des traces de cette lointaine époque.
Dans un article publié le 7 avril 2005 dans le magazine Science, le Pr Owen B. Toon de l'Université du Colorado et son équipe ont indiqué que l'atmosphère primitive de la Terre contenait probablement beaucoup plus d'hydrogène qu'on l'imaginait jusqu'à présent.
Leur étude supportée par l'Institut d'Astrobiologie de la NASA et son programme d'exobiologie, indique que l'atmosphère prébiotique de la Terre aurait contenu jusqu'à 40% d'hydrogène, ce qui signifie des conditions climatiques beaucoup plus favorables au développement des acides aminés, ceux-là même qui aboutirent à la vie. Mais de quelles manières Toon et son équipe ont aboutit à cette conclusion ?
Selon Toon et son équipe, le modèle "réduit", riche en dioxyde de carbone et pauvre en hydrogène qui s'applique à Mars ou à Vénus et qu'on appliquait à la Terre depuis 1985 est incorrect. Dans de telles atmosphères dit Toon, les molécules organiques ne peuvent pas se former par réactions photochimiques ou décharges électriques. C'est effectivement ce que nous avons conclut précédemment du fait que le milieu était très oxydant.
Mais en raison du fait que l'atmosphère de la Terre primitive a longtemps été dominée par le gaz carbonique, les scientifiques ont centré leurs recherches sur les origines de la vie essentiellement dans les fumeurs hydrothermales sous-marines, les sources d'eau chaude, dans les météorites et les poussières venues de l'espace.
Même si l'atmosphère contenait de fortes concentrations de gaz carbonique, l'équipe d'Owen Toon soutient que les concentrations d'hydrogène étaient élevées : "Dans ce cas dit-il, la production de composés organiques aidée par des décharges électriques ou des réactions photochimiques a pu être efficace".
Les acides aminés formés dans cet environnement riche en hydrogène ont pu s'accumuler dans les océans ou dans les baies, les lacs ou les marais, augmentant le potentiel des niches favorables à la vie.
La nouvelle étude indique que la quantité d'hydrogène qui se serait échappée de l'atmosphère primitive de la Terre se produisait à un taux probablement deux ordres de grandeur plus faible que les scientifiques le croyaient jusqu'à présent. Ce faible taux est en partie basé sur une nouvelle estimation des températures de l'atmosphère de la Terre primitive à quelque 8000 km d'altitude où elle rencontre le vide de l'espace.
Alors que les anciens calculs indiquaient une température au sommet de l'atmosphère de la Terre bien au-dessus de 800°C voici quelques milliards d'années, les nouveaux modèles prédisent un refroidissement deux fois plus important. Les nouveaux calculs incorporent des flots de gaz supersoniques s'échappant du sommet de l'atmosphère tel un vent planétaire.
Selon le chercheur Alexander Pavlov du Laboratoire de Physique de l'Atmosphère et de l'Espace qui participa à cette étude, "pendant des années, les scientifiques ont fait la supposition aveugle, sans preuves, que l'hydrogène atmosphérique s'était échappé de la Terre pendant trois ou quatre milliards d'années aussi efficacement qu'aujourd'hui. Nous avons pu montrer que cette perte a été considérablement ralentie par les faibles températures régnant dans la haute atmosphère et l'apport d'énergie du Soleil".
Son collègue Feng Tian précise que "bien que le niveau de rayonnement ultraviolet à cette époque reculée ait été plus élevé qu'aujourd'hui, le taux d'évasion de l'hydrogène serait resté relativement faible". Cette perte d'hydrogène aurait été équilibrée par un apport d'hydrogène libéré par l'intense activité volcanique qui régnait voici plusieurs milliards d'années.
Owen Toon conclut que "l'expérience de Miller réalisée en 1953 ainsi que les autres sont à nouveau pertinentes. Dans ce nouveau scénario, des molécules prébiotiques peuvent se former efficacement dans l'atmosphère primitive, nous ramenant au concept de soupe organique se développant au coeur des océans. Dans ce modèle, c'est une atmosphère dominée par l'hydrogène et le gaz carbonique qui a conduit à la formation des molécules organiques, et non pas l'atmosphère constituée de méthane et d'ammoniac telle qu'utilisée dans l'expérience de Miller. Cela dit, la recherche continue car actuellement nos chercheurs ignorent encore pendant combien de temps l'atmosphère de la Terre primitive fut riche en hydrogène".
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L'intérêt des argiles
Vu les limites de la "soupe primitive", pour obtenir une cellule vivante il faut peut-être repenser l'évolution. Si on supprimait l'idée que la vie primitive a besoin d'une membrane et d'un noyau, peut-être une molécule organique capable de croître sur la surface minérale serait déjà un système vivant. C'est notre troisième argument.
Grâce aux travaux sur les argiles du chimiste Graham Cairns-Smith[15] de l'Université de Glasgow, il semble que ces cristaux soient à même de changer de forme et de s'adapter à leur environnement. En contrepartie, les molécules organiques apprécient cette substance et s'y agglutinent facilement. L'autre avantage est qu'une surface est plus stable qu'un endroit tridimensionnel comme l'eau ou un gaz. Un espace réduit à deux dimensions facilite l'agglomération des molécules. Dans les trois dimensions les molécules sont sujettes à des contraintes sous tous les axes et le milieu devient très réactif.
Pour Antoine Danchin[16], généticien moléculaire au CNRS, le hasard ferait vraiment très bien les choses si toutes les contraintes physico-chimiques d'une "soupe" favorisaient la polymérisation et si tous les isomères prenaient la même orientation. Il y a beaucoup de chances pour que la mise en solution détruise les chaînes moléculaires et que certaines molécules prébiotiques soient de véritables poisons et empêchent toute évolution.
Danchin confirme les idées proposées par G.Cairns-Smith et G.Wächtershäuser[17]. La surface serait un support idéal surtout si le milieu est réducteur et à tendance à perdre ses électrons; il agirait comme un aimant sur les molécules prébiotiques. On peut dès lors chercher une collaboration entre des molécules organiques et des élément minéraux qui joueraient le rôle de code primitif, comme le silicate d'aluminium (une argile), les micas ou le minerai de fer qui sont également des enchaînement répétés de corps simples. Leur tendance à perdre leurs électrons a pu servir d'attracteur et de point d'attache aux futurs organismes vivants.
L'avantage des argiles est qu'elles semblent garder la mémoire de leur adaptation, jusqu'à réémettre le spectre de radiations auxquelles elles furent soumises[18]. Peut-on remplacer sérieusement l'hydrogène d'un acide aminé par un métal ? La réponse est oui. En utilisant un sel de calcium, on est arrivé à former des substances nécessaires au fonctionnement des organismes vivants, des oligonucléotides dont la séquence contient plus de 10 unités distinctes. Etant donné que les argiles existent sur Mars et même dans les météorites, l'idée que la vie apparaisse de façon inéluctable est évidente mais les mécanismes demeurent inexpliqués ou cachés.
Mais la question de fond n'est toujours pas éludée. Comment peut-on passer de l'inerte au vivant ? Comment un simple groupe d'atomes lié dans un certain ordre peut-il se transformer en chose animée, autonome, capable de se reproduire ? Comment ces molécules ont-elles proliféré il y a des milliards d'années, avant de donner naissance aux virus, aux bactéries, aux algues, jusqu'à l'homme ? Perdu dans le brouillard de la création, les pieds dans le petit étang chaud de Darwin, il faut bien reconnaître que les biologistes et les chimistes ne comprennent toujours pas d'où vient l'homme, ce qu'il fait penché sur cette mare et où conduisent ses pas. Sans cesse lui revient une question à l'esprit : comment la vie est-elle passée de l'inerte au vivant ? Une chose semble claire. C'est par l'étude des systèmes vivants en croissance que l'on a le plus de chance de cerner ces problèmes. Il faut rechercher les structures métaboliques les plus simples capables d'évoluer, tant sur Terre qu'ailleurs dans l'univers.
[15] G.Cairns-Smith, "Genetic takeover and the mineral origins of life", Cambridge University Press, 1982 - G.Cairns-Smith, "Clay Minerals and the Origin of life", Cambridge University Press, 1985 - G.Cairns-Smith, "L'énigme de la vie", Ed.Odile Jacob, 1990. [16] A.Danchin, "Une aurore de pierres", Le Seuil, 1990. [17] G.Wächtershäuser, Microbiological Review, 52, 1988, p452. [18] Travaux de L.Coyne réalisés à l'Université de San José à la fin des années 1980. |