Voyager dans le temps est-il possible ? - Partie 6

Voyager dans le temps est-il possible ? - Partie 6

Examen ci-dessous très intéressant des PARADOXES du Voyage dans le temps : l'article fait 44 pages, je n'ai pu mettre ici que les premières pages aussi je vous conseille de lire l'article sur le site internet suivant pour avoir les 44 pages.

http://timeworld.ifrance.com/paradoxe.htm

PROLOGUE

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Le thème du "voyage dans le temps" est vaste et complexe. Pour le cerner, nous allons nous mettre dans la peau d'un enquêteur qui cherche à découvrir et à rassembler les données essentielles concernant les notions de temps et de voyage dans le temps, et les indices qui conduisent à la "machine à voyager dans le temps". Le temps nous concerne tous et touche à tous les domaines du savoir: psychologie, mathématiques, arts, physique, histoire, biologie, philosophie, littérature... Nous devons enfiler les combinaisons de l'ingénieur, de l'artiste, du savant, du stratège, du compositeur, de l'informaticien, de l'illusionniste, du chef d'orchestre, du joueur d'échecs, du penseur... mais toujours avec le souci d'aller à l'essentiel.

Deux sections: "science", "fiction", délimitent le contenu de chaque chapitre.

Les conceptions du temps

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Avant de concentrer notre attention sur les "moyens" de voyager dans le temps, arrêtons-nous un instant sur la notion de temps et voyons comment l'abordent les écrivains, les hommes de science et les philosophes qui ont réfléchi à la possibilité de voyager dans le temps.

Le temps est considéré comme LA question philosophique par excellence: "Suprême loi de la nature" pour Arthur Eddington, absolu pour Isaac Newton, relatif pour Albert Einstein, indicible pour Saint-Augustin. Bien que nous entrions dans le troisième millénaire, qu'Einstein ait bouleversé notre représentation de la durée, que l'œuvre littéraire majeure de ce siècle soit intitulée "A la recherche du temps perdu" et que ce même siècle ait vu se développer avec "le voyage dans le temps" le thème de réflexion par excellence, le "temps" n'est pas d'actualité, il "est" l'actualité, irréductible "nouveauté", comme l'affirme avec force Henri Bergson dans toute son oeuvre. Mais peut-être la chose la plus intelligente écrite sur le temps l'a-t-elle été par Herbert Georges Wells dans le premier chapitre de "La machine à explorer le temps": "Est-ce qu'un cube peut avoir une existence réelle sans durer pendant un espace de temps quelconque? Manifestement, tout corps réel doit s'étendre dans quatre directions. Il doit avoir Longueur, Largeur, Epaisseur et... Durée. Mais par une infirmité naturelle de la chair, nous inclinons à négliger ce fait. Il y a en réalité quatre dimensions: trois que nous appelons les trois plans de l'Espace, et une quatrième: le Temps. On tend cependant à établir une distinction factice entre les trois premières dimensions et la dernière, parce qu'il se trouve que nous ne prenons conscience de ce qui nous entoure que par intermittences, tandis que le temps s'écoule, du passé vers l'avenir, depuis le commencement jusqu'à la fin de notre vie".

Ces lignes extraordinaires ont été écrites en 1895 , soit dix ans avant l'élaboration par Einstein de sa théorie de la Relativité Restreinte et plus de dix ans avant l'élaboration par le mathématicien Minkowski, de sa métrique de l'espace-temps, qui constitue la véritable formalisation des idées d'Einstein.

La tentation est grande d'imaginer Wells effectuant un saut dans le futur de quelques années pour en rapporter des enseignements de la théorie d'Einstein. Ces lignes constituent peut-être la réflexion la plus profonde qui ait jamais été formulée sur le temps. S'il avait été aussi loin dans ses réflexions sur la nature du temps, sans doute Einstein aurait-il accepté l'enseignement de ses équations qui lui révélaient que l'univers est en expansion. Au fond, Wells avait déjà tiré tous les enseignements philosophiques d'une théorie qui ne sera développée que dix ans plus tard. Vous avez dit "paradoxe"?

L'enseignement essentiel que Wells a tiré de son observation du réel, c'est que ce réel est en perpétuel mouvement, il "est" mouvement, "temps" étant le terme qui traduit le plus simplement cette réalité: sans mouvement, extensif ou intensif, sans temps, pas de réel.

L'écrivain argentin J.L. Borges a donné une belle formulation du temps comme mouvement: "Le temps est le problème fondamental de l'existence... Le temps est succession... Exister, c'est être le temps, et nous-mêmes, nous sommes le temps... Je veux dire qu'il est impossible de le mettre entre parenthèses... Notre conscience passe continuellement d'un état à un autre, et c'est cela, le temps, la succession".

Henri Vernes, le père de Bob Morane, consacre un chapitre du "cycle du temps" à un exposé du professeur Hunter sur la notion de temps. Visiblement, Vernes s'inspire de "La machine à explorer le temps" de Wells, puisqu'il reprend le fameux exemple du cube de l'auteur anglais: "Imaginons en effet un cube qui possèderait longueur, largeur et épaisseur, mais non la durée. Ce serait en quelque sorte, un cube instantané qui n'aurait ni passé, ni avenir. Malgré sa longueur, sa largeur et son épaisseur, il n'existerait pas dans le temps. C'est-à-dire qu'il n'existerait pas tout court. Donc, pour qu'un objet existe, il lui faut en réalité quatre dimensions. Les trois premières, longueur, largeur et épaisseur, que nous appellerons dimensions de l'espace, et la quatrième, qui est le Temps lui-même". Même si cela a le goût du plagiat, il faut savoir gré à Vernes d'avoir rappelé ces observations pénétrantes de Wells.

Pour sa part, René Barjavel, auteur du "Voyageur imprudent", s'est abreuvé de lectures scientifiques sur les développements de la physique quantique, et en a saisi l'essentiel. Le clou du récit de Barjavel, c'est la tentative d'assassinat de Napoléon par Saint-Menoux. Saint-Menoux vit au 20è siècle et décide effectivement d'aller régler son compte au bourreau de l'Europe du début du 19è siècle. Mais au moment où Saint-Menoux tire sur le "petit" grand homme, un soldat passe dans son champ de tir et prend la balle de plein fouet. Ce ne serait pas encore trop grave pour notre héros maladroit s'il ne s'avérait que le soldat en question est son ancêtre. Le corps de Saint-Menoux commence alors à osciller entre l'être et le non-être au cours de l'agonie de son aïeul. Pendant ce temps, un siècle plus tard, le souvenir de Saint-Menoux s'efface peu à peu de la mémoire de sa fiancée Annette. Saint-Menoux n'a jamais existé! L'histoire est finie.

Mais quinze ans après la première parution de son livre, Barjavel nous offre un post-scriptum saisissant de profondeur et de réalisme dans lequel il propose une autre issue, ou plutôt une non-issue, à son récit:

Il a tué son ancêtre?

Donc il n'existe pas.

Donc il n'a pas tué son ancêtre.

Donc il existe.

Donc il a tué son ancêtre.

Donc il n'existe pas...

Saint-Menoux recule dans le temps et tue son ancêtre avant qu'il n'ait eu des enfants. Par conséquent, les parents de Saint-Menoux n'ont pu se rencontrer et Saint-Menoux n'est pas né. Mais alors, Saint-Menoux ne peut remonter dans le temps; il ne tue donc pas son aïeul, son aïeul a des enfants, l'un de ces enfants deviendra le parent de Saint-Menoux et Saint-Menoux pourra remonter dans le temps tuer son aïeul.

Paradoxe vertigineux mais qui s'explique par l'hypothèse même de la possibilité d'un déplacement dans le temps, comme nous le verrons dans la dernière section de cet essai.

Or le même paradoxe surgit à propos de l'existence de l'univers. En effet, deux explications possibles à l'existence de l'univers: ou bien il existe depuis toujours, ou bien il provient du néant absolu, deux explications aussi absurdes l'une que l'autre; mais l'univers existe réellement. Alors, ou bien l'on devient fou, ou bien l'univers n'existe pas. Ce qui nous pousse à dire que les paradoxes développés dans cet essai ne sont pas un simple jeu de l'esprit, mais le reflet fidèle de la réalité.

Barjavel en profite pour détourner la célèbre citation de Shakespeare "To be or not to be, that is the question", en "To be and not to be, that is the answer, perhaps", et résumer notre vision actuelle de l'univers: "Aucune métaphore ne peut nous aider. Sa qualité d'être nous est inconnaissable. Seuls pourraient peut-être s'en faire une très vague idée les physiciens de notre temps, spécialistes des particules constituantes de l'atome. Car tout ce qu'ils savent de ces particules, tout ce que leur a appris d'elles l'irréfutable logique mathématique, c'est qu'à chaque instant elles ne sont ni quelque part ni ailleurs - ni ici, ni là, ni autre part - ni nulle part ni partout... Et pourtant ce sont ces particules improbables tournant autour du néant qui constituent le papier de ce livre et votre main qui le tient et votre oeil qui le regarde et votre cerveau qui s'inquiète... Inquiétantes, effrayantes, vagabondes particules de votre corps... Elles ne sont jamais à leur place et pourtant jamais ailleurs. Il n'y a rien entre elles, et là où elles sont, il n'y a rien. Alors, vous qu'êtes-vous? Etre et ne pas être, voilà la question. A moins que ce ne soit une réponse...". Barjavel traduit à sa façon les paradoxes de l'impossibilité du mouvement de Zénon, ou le paradoxe d'Epiménide le crétois affirmant que "tous les crétois sont des menteurs".

La conception du temps de Barjavel diffère totalement de celle de Wells. Alors que Wells a insisté sur le fait que l'Etre EST temps, Barjavel défend l'idée d'une distinction possible entre l'être et le temps; il pourrait exister des choses hors du temps: "Ces coffres que vous avez vus sont enduits intérieurement d'une peinture à base de noëlite 3. Cette peinture soustrait à l'action du temps ce qui se trouve à l'intérieur du coffre. La lampe verte annule l'action de la noëlite. J'introduis dans le coffre un poulet vivant. J'éteins la lampe. Le poulet cesse de devenir. Le présent, qui n'existait pas pour lui, sera désormais l'unique forme de son temps. Il ne bouge plus, car mouvement suppose vitesse, départ et arrivée, déplacement du temps. Son sang s'arrête. Ses sensations ne courent plus le long de ses filets nerveux. Il reste figé dans le présent. Il peut demeurer ainsi mille ans, sans vieillir, sans sentir. Dès que se rallume la lampe verte, il recommence à exister. Une allumette enflammée peut rester dans mon coffre une éternité sans s'éteindre ni se consumer". On pense à la métaphore du monde telle une flamme d'allumette que l'on doit au philosophe français René Descartes.

Barjavel poussera cette idée à son comble dans la description d'une pluie de noëlite qui tombe sur une ville. Les objets ou organes touchés par la substance sont figés, littéralement hors du temps. C'est un "moment" de terreur pour les habitants: "Toute la ville hurle. Tous les êtres vivants, atteints par-ci par-là, continuent à devenir, avec la partie de leur corps qui n'a pas été touchée, tandis qu'une autre partie s'immobilise dans le temps".

Bien sûr, il s'agit d'un récit de fiction, mais il est révélatrice d'une conception très courante de la réalité, ainsi que l'atteste l'essai du professeur Jean Bernard: "Le jour où le temps s'est arrêté", dans lequel le savant envisage la possibilité et décrit un univers où le temps se serait arrêté. On peut noter une contradiction entre la description de la pluie de noëlite et la philosophie du post-scriptum.

En émettant l'hypothèse que l'on puisse s'extraire du temps et continuer à percevoir le monde, Barjavel illustre parfaitement les conséquences du raisonnement d'Edwin Abbott Abbott dans "Flatland", ce récit de la perception du réel par un être en deux dimensions, qui laisse entendre qu'une réalité, en l'occurrence une réalité en deux dimensions, pourrait exister hors du temps, puisque nous avons vu que le temps est l'expression d'une réalité en trois dimensions spatiales.

Il est intéressant de se reporter ici à l'article Dimension de d'Alembert paru dans l'Encyclopédie, soit un siècle avant la parution des récits d'Abbott Abbott et de Wells, et un siècle et demi avant celui de Barjavel: "J'ai dit qu'il n'est pas possible de concevoir plus de trois dimensions. Un homme d'esprit de ma connaissance croit qu'on pourrait cependant regarder la durée comme une quatrième dimension et que le produit du temps par la solidité serait en quelque manière un produit de quatre dimensions. Cette idée peut être contestée, mais elle a, il me semble, quelque mérite, quand ce ne serait que celui de la nouveauté". Une idée alors révolutionnaire mais très troublante, même si elle repose sur une conception du temps et de la réalité qui est complètement dépassée par les derniers développements de la physique, et en particulier de la physique quantique, et par les nouveaux raisonnements logiques qui montrent que le temps est "constitutif" du réel, et non pas une dimension indépendante qui viendrait s'ajouter aux trois dimensions de l'espace.

Gregory Benford, lui-même physicien de formation, résume parfaitement dans "Un paysage du temps", la position de la majorité des physiciens actuels à propos du temps, position que combat le chimiste et prix Nobel belge Ilya Prigogine. Benford estime que notre perception de l'écoulement du temps n'est qu'une illusion car les équations de la physique sont toutes temporellement symétriques. C'est ce qu'exprimera Einstein lui-même en disant: "Pour nous, physiciens convaincus, la différence entre passé, présent et futur n'est qu'une illusion, même si elle est tenace".

De plus, il n'y a aucun moyen de mesurer la vitesse de passage du temps, faute de pouvoir concevoir un système de coordonnées qui le permette. "Donc il ne s'écoule pas. Pour ce qui concerne cet univers, le Temps est figé", dit Benford.

C'est une traduction moderne du paradoxe du mouvement développé par Zénon d'Elée. Un des arguments de Zénon consistait à dire qu'avant d'atteindre son objectif, un projectile doit parcourir la moitié de la distance complète, et avant cela, la moitié de la moitié, et avant cela, la moitié de la moitié de la moitié de la distance, et ainsi de suite dans une régression à l'infini; autrement dit, le mouvement est impossible!

Pourtant , c'est bien la "logique" elle-même qui nous prouve qu'une chose ne peut différer d'elle-même et être en mouvement que dans le temps. Kant déjà avait observé que le temps est le seul moyen pour une même chose d'avoir des attributs contradictoires. Ce que le physicien John Wheeler exprimera joliment: "Le temps est le moyen qu'a trouvé la nature pour que tout ne se produise pas en même temps". Enfin, par sa remarque, le personnage Markham, dans le roman de Benford, reconnaît que le temps s'écoule, puisqu'il parle d'une vitesse du temps, comme le mathématicien Henri Poincaré le reconnaissait implicitement au début du siècle en posant la question de savoir comment nous pourrions mesurer un "écoulement deux fois plus rapide du temps".

Markham dit encore: "On peut changer le passé, mais seulement si l'on n'essaie pas de susciter un paradoxe. Si l'on essaie, l'expérience reste suspendue dans cette phase intermédiaire".

Cette opposition entre deux conceptions du temps se retrouve dans les œuvres de deux philosophes majeurs du 20è siècle: Martin Heidegger et Henri Bergson.

Pour Heidegger, du moins dans son ouvrage le plus connu, précisément intitulé "Etre et temps",…

Par contre, pour Bergson, l'Etre EST temps, durée: "Le temps est pure nouveauté ou il n'est rien".

On aura compris que la thèse centrale de cette section, c'est que, non seulement le mouvement est possible, pour contredire Zénon d'Elée, mais qu'il est "indispensable" à l'être. Le temps, le mouvement est même ce qui donne l'illusion de l'être immuable.

Les caractéristiques du voyage dans le temps

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"Tant qu'à faire qu'à voyager dans le temps, autant que le temps soit beau" (Raymond Devos)

Abordons maintenant la matière principale de cet essai: le "voyage dans le temps"!

Et tant qu'à faire qu'à voyager dans le temps, autant répondre aux questions cruciales suivantes: où, quand, combien de temps, comment, pourquoi voyager dans le temps. On se rendra compte que ni les savants, ni les philosophes, ni les artistes ne répondent à "toutes" ces questions; chacun se contente d'apporter un élément de réponse, bien souvent évasif. A nous de faire le tour du problème.

Citation Wells

Toutes les questions

Où, quand, combien de temps, comment, pourquoi

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"Nous essayons de concentrer des salves de tachyons en visant de telle façon que..."

"Un instant. Il s'agit de viser quoi, au juste? Et où donc se trouve 1963?" ("Un paysage du temps", G.Benford)

Dans un souci de pragmatisme, Il s'agit de localiser l'époque à laquelle on veut se rendre avant de savoir comment s'y rendre.

Où aboutit-on lorsque l'on voyage dans le temps, lorsque l'on change d'époque? Libéré du temps, ne se retrouve-t-on pas prisonnier de l'espace? Où se trouvent les différentes époques? Où persistent-elles? Comment peuvent-elles durer sans être en mouvement? Peut-il exister une tension, celle qui anime chaque forme d'être à chaque instant, qui ne soit pas prise dans le flux du temps?

Ecoutons le témoignage du Wells d'Alexander: "Ce que j'ai découvert, c'est que passé et avenir existent tous deux en permanence dans notre univers, mais que notre conscience ne perçoit que le "maintenant" - peut-être parce qu'elle est conditionnée par l'impérieux besoin d'ordre de la nature. Les sphères - ou plans - temporels sont adjacents à celui dans lequel nous nous trouvons et fonctionnent selon les lois de Gauss. Autrement dit, notre dimension temporelle est tout simplement un champ magnétique. Un tourbillon, si vous préférez. Mon idée a été de construire une machine capable de juxtaposer les champs d'énergie, créant une friction. Il en résulte un crescendo de réactions en chaîne qui hissent la machine, ou, littéralement, la font tourner sur elle-même de plus en plus vite, l'arrachant à une sphère temporelle pour la faire passer dans une autre. L'accélération maintient la machine et son occupant au-dessus de toutes les sphères temporelles, à l'état de vapeur. On peut ainsi gagner à volonté le passé ou l'avenir".

"Quand la rotation se fait vers l'ouest, on gagne des hiers. Quand elle se fait vers l'est, des lendemains".

"De petits hublots étaient encastrés tout autour pour permettre au voyageur de distinguer les événements historiques au beau milieu desquels il risquait d'atterrir. Mais, bien sûr, au rythme de deux années par minute, qui était sa vitesse de croisière, le "paysage" qu'apercevait le voyageur ne devait être qu'un vague brouillard de particules colorées...".

Siège et commandes gyroscopiques. Le voyage est invisible.

Lorsqu'ils font un bond de quelques jours dans le futur, Wells et Amy découvrent dans un journal qu'Amy sera assassinée par Stephenson.

"Amy, tu ne vas pas mourir. Le libre arbitre existe. Et j'ai déjà modifié l'avenir une fois en venant ici à bord de ma machine et en te rencontrant". Malgré cette belle promesse, Wells ne modifiera pas le cours des événements, et si Amy survit, c'est parce que Stephenson a en réalité tué une amie d'Amy venue lui rendre visite, et si bien charcutée par son bourreau chirurgien qu'elle était méconnaissable au point d'être confondue avec Amy. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir développé des arguments puissants: "L'ensemble de sa méthode reposait sur une conception fondamentale de la quatrième dimension comme une juxtaposition géométrique des différentes sphères temporelles. Le temps était permanent, dans l'univers; les événements ne cessaient de se reproduire encore et toujours, tout comme les atomes et les électrons ne cessaient jamais leur danse tourbillonnante. (S'il en allait autrement, si les événements avaient été temporaires -et non temporels - le voyage à travers le temps, vers l'avenir ou le passé, eût été absurde puisque le temps n'existant pas, on aurait voyagé dans rien.) Puisque le temps et les événements étaient permanents, comme les causes et les effets, Amy et lui étaient déjà morts, quelque part dans l'univers. Ce qu'ils avaient découvert dans l'avenir n'était qu'un vieil événement qui s'était déjà produit une infinité de fois... En empêchant Stephenson de commettre un meurtre, ils allaient jeter un caillou dans cette mythique mer de la tranquillité. Les ondes de surface parcourraient l'univers entier, modifiant tout sur leur chemin. Quand elles atteindraient aux rives de l'éternité, ces mêmes ondes seraient devenues un raz de marée qui emporterait à tout jamais les murailles de la prédestination. L'homme régnerait en maître suprême".

L'auteur américain Karl Alexander a écrit un récit qui se veut la suite de l'ouvrage de Wells. Il s'agit du roman "C'était demain", paru en 1979. C'est un récit très intéressant par bien des aspects. D'abord, il a le mérite d'exploiter la potentialité laissée par Wells en ne nommant pas son héros et en laissant entendre qu'il pourrait s'agir de lui-même: Wells est le héros du récit d'Alexander. L'autre grande idée est d'avoir organisé une poursuite à travers le temps entre Wells et le célèbre Jack l'Eventreur. Idée géniale car ce sinistre individu n'a jamais été identifié et bénéficie donc d'une aura de mystère qui profite au récit d'Alexander.

Mais ce qui nous plait le plus dans ce roman, c'est l'humour qui s'en dégage, les quiproquos et les malentendus qui naissent des anachronismes. Le fait est assez rare dans ce type de récits pour mériter d'être souligné. Ainsi la jeune femme que séduit Wells en 1979 va de surprise en surprise, ne sachant trop si son amant est réellement naïf ou il s'il joue les innocents pour la charmer. Lorsque des vaisseaux spatiaux apparaissent sur l'écran de cinéma où l'a entraîné Amy et où l'on joue "La guerre des mondes", Wells se cache derrière le siège de son voisin d'en face, ce qu'Amy considère comme une attitude puérile. Wells est bien sûr émerveillé par des objets comme le téléphone, le réfrigérateur... Mais le clou du récit réside dans la découverte d'un monde sexuellement libéré, ce qui d'abord désarçonne le pourtant très progressiste inventeur. Mais il goûtera vite aux délices des amours modernes.

Alice

Lorsque Wells veut prouver à Amy que sa machine fonctionne: "Bon Dieu, soupira-t-elle, j'ai bien cru un instant que j'allais être la première vraie Alice au Pays des Merveilles".

Enfin, l'auteur développe toute une série d'indications techniques très intéressantes sur le déplacement dans le temps et sur ses conséquences. Nous y reviendrons dans la dernière section de cet essai.

Notons que la conception d'un temps immobile d'Alexander, sphères fixes, s'oppose à celle de son modèle, H.G. Wells, pour qui le temps est mouvement. Mais il est vrai qu'H.G. Wells lui-même se contredit puisque la possibilité du voyage dans le temps est incompatible avec la définition du temps comme mouvement. Au fond, H.G. Wells a eu deux coups de génie contradictoires qui sont peut-être le meilleur reflet de la nature du temps qui les a engendrés.

Dans "Timemaster", un film de… une fois franchie la porte temporelle, Jesse, le jeune héros, flotte au milieu de bulles gigantesques qui contiennent et représentent chacune un événement de l'histoire de l'humanité, et même de la préhistoire puisqu'il croise un tyrannosaure. C'est le grand mérite de ce film de donner sa réponse à la question: Où se trouvent donc les différents instants du temps passé et futur. Mais comme le fait remarquer le mentor de Jesse, "voyager d'une faille temporelle à l'autre, c'est voyager dans un labyrinthe. On ne va pas toujours où on veut".

"En modifiant un petit événement, on change tout le sens de l'histoire".

Avec Jacques Van Herp, on peut se demander si le voyage dans le temps ne risque pas de déboucher sur le vide à cause du mouvement des astres.

Le mathématicien Rudy Rucker envisage le cas de figure inverse: "D'une manière ou d'une autre, le voyage dans le temps doit se faire en se déplaçant en dehors de l'espace-temps, dans une dimension supérieure, et mieux vaut le faire en mouvement, en se déplaçant légèrement avant et après le saut, pour éviter de "sauter dans un endroit occupé par notre propre passé", ce qui "pourrait bien provoquer une explosion assez déplaisante ".

Science fiction

Quand

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"Envoyez-moi n'importe où"

"L'expression correcte est n'importe quand...". ("Les déserteurs temporels", R.Silverberg)

Si le voyage dans le temps prend un temps différent pour chaque époque différente, ces époques peuvent toutes se trouver au même endroit à des moments différents.

Si la distance temporelle entre les époques correspond à celle du calendrier, le voyageur du temps doit subir la cryogénisation pour voyâger au-delà de son temps d'existence; mais au bout du compte, c'est comme si le voyâge était instantané, puisque le voyâgeur peut revenir exactement au moment de son départ.

Si le voyâge prend le même temps pour chaque époque, les époques se trouvent toutes en même temps, simultanées, contemporaines dans un hyperespace, un méta-univers. Mais cela signifie que nous sommes nous-mêmes dans l'hyperespace, que notre univers est dans un hyperespace plus vaste.

Si le voyâgeur y a accès, c'est qu'il existe une liaison entre son époque et toutes les autres.

Le point de vue de l'hyperespace, c'est celui de l'Eternité chez Asimov.

Mais cela ne nous donne pas un point de REPERE précis qui nous permette de nous orienter. En admettant que nous disposions du MOYEN d'accéder à une époque du passé ou du futur, un trou de ver ou une technique de dématérialisation, il nous faut encore définir l'IDENTITE des différents instants.

Comment voyager dans le temps?

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Science

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De manière assez étrange, les hommes de science semblent savoir "comment" se rendre à une destination qu'il n'ont pas déterminée. Alors qu'ils ne savent pas précisément "où" et "quand" se situent les époques du passé et du futur à investir, ils décrivent des moyens sophistiqués pour y parvenir.

Hyperespace, raccourcis de l'espace-temps, trous de ver, trous

---------------- noirs, fontaines blanches ------------------

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La plupart des tentatives d'élaboration de "réels" moyens de voyager dans le temps reposent sur la théorie de la relativité d'Einstein. Mais elles s'appuient aussi et surtout sur la "représentation graphique", géométrique, des équations du grand savant allemand naturalisé suisse, à savoir la géométrie de l'espace-temps de Minkowski. Ces diagrammes permettent de se représenter aisément en quoi consisterait un déplacement dans le temps. C'est parce qu'auparavant, ils ont permis de se représenter clairement en quoi consiste un déplacement dans l'espace et l'hyperespace.

L'hyperespace est un univers à quatre dimensions spatiales et une dimension temporelle, soit une dimension spatiale de plus que notre espace-temps quadridimensionnel.

C'est dans cet hyperespace, soit un espace-temps à cinq dimensions, que peut s'effectuer le fameux retournement complet d'une sphère.

Minkowski

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Les travaux d'Hermann Minkowski constituent donc une étape importante dans notre recherche. Ce grand mathématicien fut le professeur d'Einstein. Le manque d'enthousiasme de son élève l'irritait tant qu'il surnomma Einstein "le chien paresseux". L'ironie veut que ce soit en grande partie à ce "chien paresseux" que Minkowski doit sa renommée universelle.

Minkowski a apporté une représentation géométrique aux équations d'Einstein. C'est lui qui a développé la notion d'espace-temps et la géométrie de l'espace-temps qui la décrit - on parle d'ailleurs de géométrie de l'espace-temps de Minkowski -, montrant que temps et espace formaient un "continuum" et étaient par conséquent indissociables. Tout événement doit être situé par trois coordonnées d'espace et une coordonnée de temps. De cette façon, on visualise clairement les conséquences du caractère absolu de la vitesse de la lumière. Il faut se rappeler que si Einstein a rendu relatives les notions de temps et d'espace, c'est parce que s'était révélé un nouvel absolu: la vitesse de la lumière. En effet, à la fin du 19è siècle, les expérimentateurs Michelson et Morley avaient observé que la vitesse de la lumière était identique quel que soit la vitesse du référentiel dans lequel on la mesure. Einstein tirera toutes les conséquences de cette observation en établissant que rien ne peut dépasser la vitesse de la lumière. Les graphes de Minkowski représentent l'espace parcouru par la lumière à chaque instant "t" arbitrairement petit. Comme on peut le voir sur la figure 1 du cahier central, la distance que peut parcourir la lumière au bout de quelques secondes forme un entonnoir ouvert vers le haut pour le futur et vers le bas pour le passé. C'est très simple à comprendre. En 3", la lumière a pu parcourir 900000km vers la gauche et 900000km vers la droite - en trois dimensions, ce sera en plus vers l'avant et l'arrière et vers le haut et le bas. Plus le temps passe, plus grande est la distance qu'elle parcourt ou qu'elle peut parcourir. Donc l'entonnoir s'élargit de plus en plus avec le temps.

Dans le passé, il y a 3", la lumière pouvait avoir parcouru 900000km dans chacune des directions. Mais il y a 2", elle ne pouvait avoir parcouru que 600000km dans chacune des directions, et il y a 1", 300000km. Plus on se rapproche de l'instant présent, moins la lumière a pu parcourir d'espace, donc plus l'entonnoir se rétrécit. Mais si on recule plus loin dans le passé, plus elle peut avoir parcouru d'espace et plus l'entonnoir s'élargit.

Un objet ne pouvant se déplacer plus vite que la lumière, il ne pourra évoluer que dans les limites de l'entonnoir. Ce qui est en dehors de l'entonnoir lui est inaccessible. La ligne qui représente le parcours d'un objet est appelée ligne d'univers. Et c'est une ligne d'univers du genre temps. Pourquoi? Parce que le temps s'écoule toujours pour un tel objet. Lorsque sa vitesse augmente, son temps propre se ralentit. Lorsqu'il voyage à la vitesse de la lumière, son temps propre s'arrête et sa ligne d'univers est alors une ligne du genre lumière. La ligne d'univers d'une particule qui voyagerait plus vite que la lumière serait une ligne d'univers du genre espace. Nous verrons que des physiciens ont émis l'hypothèse de la possibilité d'existence de telles particules, qu'ils ont appelées "tachyons", même si les équations d'Einstein interdisent leur existence.

L'entonnoir, ou "cône de lumière", représente toute la surface ou l'espace parcourable par un objet ou une personne. Bien entendu, un objet ne se trouve qu'à un endroit à la fois à chaque instant. Son parcours dans le temps est donc représenté par une ligne plus ou moins droite - ou courbée, c'est selon - selon sa vitesse de déplacement.

Il faut bien se rendre compte que toute forme d'être matérielle voyageant à une vitesse très petite par rapport à celle de la lumière, toutes ces entités font partie du même cône de lumière.

L'univers en rotation de Kurt Gödel

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Kurt Gödel est un mathématicien et un logicien contemporain d'Einstein, avec lequel il a d'ailleurs collaboré. Il est célèbre pour avoir démontré que tout système formel contenait des propositions indémontrables par le système en question.

Par ailleurs, intrigué par la théorie d'Einstein, Gödel a constaté que si l'univers est en rotation, mais pas en expansion, les cônes de lumière peuvent être inclinés de telle façon que l'on puisse voyager de cône en cône tout autour de l'univers, jusqu'à l'événement de départ. Autrement dit, on peut revenir au même endroit et au même moment d'où l'on est parti, et ceci sans jamais voyager plus vite que la lumière.

L'intéressante idée de départ de Gödel, c'est que la tendance naturelle de la force de gravitation à rassembler la matière et à la faire se détruire, pourrait être compensée par une force centrifuge provoquée par la rotation de l'univers dans son ensemble. Autrement dit, la force d'attraction gravitationnelle serait compensée par une force de répulsion centrifuge.

Tout comme chaque observateur de l'expansion de l'univers croit être au centre d'expansion de l'univers, il croit être au centre de "rotation" de l'univers.

Selon Gödel, l'espace-temps est entraîné dans la rotation de l'univers.

Prenons trois points dans l'espace de façon que les cônes de lumière qui y sont associés soient assez éloignés l'un de l'autre pour que, pendant un certain laps de temps, les trois points ne puissent rien savoir les uns des autres et a fortiori pour n'exercer aucune influence l'un sur l'autre, car l'information qu'ils se communiqueraient devrait alors traverser la partie espace et donc voyager plus vite que la lumière. Bien sûr, à un certain moment du futur, chacun des points recevra des informations de chacun des deux autres car des parties de leurs cônes se recouvriront; mais cela n'autorisera en aucune façon une quelconque influence en retour sur le passé, qui sera révolu.

Mais s'il existe une rotation assez rapide de l'univers, les cônes peuvent être si inclinés qu'ils en viennent à se chevaucher, et un point A peut aller en B ou en C sans quitter son futur, c'est-à-dire en gardant une ligne d'univers du genre temps, - autrement dit encore, sans que sa ligne du genre temps ne devienne une ligne du genre espace - soit sans devoir aller plus vite que la lumière. Si on conçoit que des cônes se succèdent tout autour de l'univers, on peut imaginer que le voyageur A reviendra à l'endroit et à l'instant de son départ après avoir fait un tour d'univers qui aura peut-être pris des millénaires d'après les horloges emportées dans le vaisseau spatial. Aujourd'hui, ce n'est pas des millénaires mais environ cent billions d'années que prendrait un tel voyage. Malheureusement, tout porte à croire que l'univers dans son ensemble n'est pas en rotation. L'hypothèse de Gödel en reste au stade de la belle construction théorique.

Le cylindre en rotation de Franck Tipler

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En 1937, le physicien W.T.V. Stockum propose une solution au problème du déplacement dans le temps dans laquelle un cylindre infiniment long en rotation rapide fonctionne comme une machine à remonter le temps. Mais même s'il semble que rien n'est infiniment long dans la nature - quoique Gott en 1991 émet l'hypothèse de cordes infiniment longues -, on n'a pas prouvé qu'un cylindre de dimension finie ne pourrait pas faire l'affaire.

De fait, en 1973, le physicien américain Frank Tipler proposa, dans son article "Cylindres en rotation et possibilité d'une violation globale de la causalité", une théorie qui n'exigeait plus la rotation de tout l'univers ni un cylindre infiniment long pour pouvoir créer une machine à se déplacer dans le temps. Le travail de Tipler présente le grand mérite de pouvoir servir de base sérieuse à toute réflexion future sur la possibilité de voyager dans le temps. Tipler balise en trois étapes la route qui mène à l'expression mathématique de la "machine à voyager dans le temps".

D'abord, il se demande si les équations autorisent, en théorie, des voyages dans l'espace-temps, dans lesquels le voyageur retourne à son point de départ à la fois dans l'espace et dans le temps, une partie du voyage ayant été effectuée en arrière dans le temps. La réponse est oui, comme l'a prouvé par ailleurs Gödel, et comme le prouveront d'autres physiciens comme Brandon Carter et Kip Thorne.

Ensuite, Tipler se demande si les conditions sous lesquelles on voyage dans une boucle du genre temps peuvent apparaître de manière naturelle dans l'univers. La réponse est encore oui.

Enfin, Tipler se demande si de telles conditions peuvent être réalisées "artificiellement"; à savoir s'il est possible de "construire" une machine à voyager dans le temps. La réponse est toujours oui.

Venons-en au développement des arguments de Tipler. Les points importants de sa théorie sont la rotation du cylindre et le fait que cette rotation soit à l'origine d'une singularité nue. De quoi s'agit-il? La rotation du cylindre est directement compréhensible. Par contre, la notion de "singularité nue" nécessite quelques explications. Une singularité est le point vers lequel converge tout ce qui tombe dans un Trou Noir. Aucune forme d'être ne peut résister aux forces qui sont en jeu dans la singularité. Le seul espoir de pouvoir exploiter un Trou Noir pour voyager dans le temps, c'est d'en trouver ou d'en fabriquer un dont la singularité est nue, c'est-à-dire sur laquelle la matière ne s'effondrera pas.

On peut rencontrer de telles possibilités dans la nature, soit à travers l'explosion d'un trou noir, soit quand un agrégat de matière non-sphérique s'effondre sur lui-même sous l'effet de la gravitation.

Lorsqu'une singularité nue massive et en rotation rapide est prise dans un champ gravitationnel intense, les cônes de lumière qui en sont proches sont fort inclinés. Un observateur pris dans ce champ ne verra pas de modification des lois de la physique, mais un observateur éloigné oui. Lorsqu'il est incliné à plus de 45°, une partie du futur du cône se trouve dans le passé. On peut s'en rendre compte sur la figure... du cahier central. Pour un observateur extérieur, le voyageur du temps, qui peut évoluer n'importe où dans la partie "futur" de son cône, se trouve partout à la fois autour de l'orbite de la singularité nue. Le voyâgeur peut aussi descendre de plus en plus bas en spirale, dans le passé, en repassant toujours au même endroit, le long de l'axe du temps. Tout cela est bien beau, mais en réalité, on ne fait ici qu'analyser un graphe, donc les équations, dans lesquels est pris en compte "-t", donnant l'impression que le passé existe en même temps que le présent. Or, dans la réalité, le passé n'existe pas.

Mais en dehors du fait de savoir si la machine du temps existe à l'état naturel ou si elle peut être réalisée de manière artificielle, il faut bien se rendre compte qu'on ne peut remonter indéfiniment dans le passé dans ce type de machine. Seulement dans un passé qui correspond au moment de création de la machine. Par contre, tout le futur est ouvert à l'exploration, ce qui n'est déjà pas si mal et crée la situation surprenante que le futur semble être plus accessible que le passé. Pour remonter loin dans le passé, il faudrait découvrir une machine à "voyager" naturelle qui existait déjà, par exemple, au temps du Christ, des pyramides ou des dinosaures, ou même aux premiers temps de l'univers, ce que croient possible certains spécialistes de la physique quantique.

Les optimistes disent que si on n'a pas encore reçu la visite de voyageurs du temps, c'est parce qu'on n'a pas encore découvert de machine naturelle ou artificielle - artificielle, ça on le sait -, et non pas parce que le voyage dans le temps est impossible - contrairement à ce que pensait Stephen Hawking dans un premier temps.

Donc, ce dont nous avons besoin, c'est d'un cylindre massif et compact en rotation rapide. C'est la condition indispensable pour créer une singularité nue, c'est-à-dire sur laquelle ne s'effondre pas la matière qu'elle attire. Il faut que le cylindre ait 100km de long et entre 10 et 20 km de diamètre, avec une masse au moins équivalente à celle du soleil, avec une densité d'une étoile à neutrons, et il faut que ce cylindre tourne sur lui-même deux fois chaque milliseconde, soit seulement trois fois plus vite que le pulsar milliseconde, c'est-à-dire à la moitié de la vitesse de la lumière. Le pulsar, ou étoile à neutrons, est l'objet le plus dense, le plus massif, le plus compact connu. Certains tournent très rapidement.

Il existe ainsi des pulsars "milliseconde" - en fait, ils effectuent un tour toutes les 1,5 milliseconde. Mais la machine à voyager dans le temps n'est pas encore complète. Il reste encore à joindre plusieurs étoiles à neutrons pôle à pôle pour obtenir la machine de Tipler. Mais les difficultés qu'implique une telle réalisation sont innombrables, peut-être insurmontables en pratique: il faut trouver dix étoiles à neutrons; la force centrifuge développée serait si forte qu'elle disloquerait le cylindre dans sa largeur, tandis qu'il tendrait à s'effondrer sur lui-même dans sa longueur. Enfin, le champ gravitationnel de plusieurs étoiles serait si fort qu'elles s'effondreraient en un trou noir, à moins qu'un champ d'énergie plus fort que tout ce qui est connu actuellement ne maintienne les cylindres rigides. Les cordes cosmiques sembleraient tenir la corde pour maintenir les cylindres rigides et arrêter leur effondrement, et constitueraient la matière idéale pour garder ouverte assez longtemps l'entrée d'un trou de ver.

Arrêtons-nous un instant pour effectuer une petite réflexion critique autour de la nature du formalisme mathématique.

Le cône incliné est la représentation sur les graphes de la variable "-t" des équations. Les équations, et les graphes - qui ne sont que leur expression géométrique -, n'interdisent pas de manipuler "-t", c'est même ce qui fait leur intérêt, mais la représentation ne prend pas pour autant un sens réel, pas plus que la possibilité d'association des lettres BBCFBAT ne donne du sens à cette association, quoiqu'elle soit permise. De même que la possibilité de parler des fantômes ne leur confère pas l'existence.

Ce que nous voulons dire, c'est que ce n'est pas parce que le langage, mathématique en l'occurrence, permet de manipuler et de représenter le passé, que ce passé existe réellement. C'est bien pour cela que la constante que représente la vitesse de la lumière est considérée comme une limite absolue, en fonction du formalisme en usage.

Le Pont d'Einstein-Rosen

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Avant d'aborder d'autres théories de voyage dans le temps , il faut évoquer les propositions de tentatives de déplacement dans l'espace à travers des raccourcis, soit le passage dans un "Hyperespace", constitué d'une quatrième dimension spatiale.

En 1936, Einstein et son collaborateur Nathan Rosen ont imaginé un raccourci dans l'espace-temps, appelé "pont d'Einstein-Rosen", pour relier deux points très éloignés dans l'univers par une incursion dans une quatrième dimension spatiale. Dans les années cinquante, le physicien John Archibald Wheeler leur donnera le nom de "Trous de Ver". Comme les Trous Noirs, les trous de ver apparaissent dans des régions de l'univers où l'espace-temps est très courbé. Ces Trous de Ver constituent l'hyperespace, la quatrième dimension, l'au-delà, l'univers parallèle dans lequel se déplacerait celui qui voyage à une vitesse supérieure à celle de la lumière et le voyageur du temps. On peut voir sur la figure... du cahier central la représentation d'un Trou de Ver.

Aujourd'hui, des physiciens quantiques - étrange entité à vrai dire - émettent l'hypothèse que des Trous de Ver apparaîtraient et disparaîtraient en permanence au niveau subatomique, dans ce que l'on appelle le "vide quantique", où surgissent des topologies, c'est-à-dire des structures de l'espace-temps, différentes de celles de notre espace-temps. Malheureusement, ces Trous de Ver microscopiques n'ont qu'une durée de vie de l'ordre du temps de Planck, c'est-à-dire extrêmement courte, et ne laissent passer des particules que de l'ordre de la longueur de Planck, c'est-à-dire extrêmement petites. Mais nous verrons que le physicien américain Kip Thorne a tenté de résoudre ce problème.

Ouvrons une parenthèse pour montrer qu'H.G. Wells avait le don d'anticiper de profondes découvertes théoriques. Dans "Un étrange phénomène", il écrit: "D'explication, il n'en est pas de probable, sinon celle qu'a émise le professeur Wade. Mais elle implique une quatrième dimension et une théorie aventurée sur les diverses sortes d'espaces. Dire qu'il y a eu un nœud dans l'espace me semble parfaitement absurde, mais peut-être est-ce parce que je ne suis pas mathématicien. Quand j'objectai que rien ne changerait ce fait, que les deux endroits sont séparés l'un de l'autre par une distance de plus de 10000 kilomètres, il me répondit que deux points peuvent être distants d'un mètre sur une feuille de papier et cependant qu'on peut les rapprocher en pliant simplement le papier". Wells connaissait-il les géométries non-euclidiennes?

Les "BGT"

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Revenons à nos moutons spatio-temporels.

Dans le cadre de la théorie de la relativité, la machine à voyager dans le temps consiste en une "Boucle du Genre Temps", une "BGT". C'est une région de l'espace-temps tellement courbée qu'elle se replie sur elle-même. La question est: comment obtenir cette boucle? Nous avons vu que la solution proposée par Gödel n'est pas réaliste et que celle de Tipler ne l'est pas beaucoup plus. La notion de "Trou Noir" va peut-être nous aider à nous tirer d'embarras car le Trou Noir, sous certaines conditions, peut lui aussi constituer un raccourci dans l'espace-temps.

Le terme "Trou Noir" n'a été proposé qu'en 1967 par John A. Wheeler, spécialiste de la relativité, mais le concept précède l'élaboration de la théorie de la relativité.

En effet, l'anglais John Michell en 1783 et le français Pierre Simon de Laplace en 1796, firent l'hypothèse de l'existence de corps si massifs que la lumière ne pourrait s'en échapper. Leur raisonnement était à la fois simple et génial: il combinait le caractère fini de la vitesse de la lumière et le fait qu'il faille acquérir une vitesse suffisamment grande pour échapper à l'attraction gravitationnelle d'un corps, ce qu'on appelle la "vitesse de libération" - que calculent les ingénieurs pour permettre aux sondes spatiales de quitter l'atmosphère terrestre. Si le corps est suffisamment massif, la lumière ne pourra s'en échapper.

Les équations d'Einstein permettront de remettre au goût du jour cette idée et d'en affiner les contours. C'est ainsi que Karl Schwarzschild montra en 1915, qu'à une distance critique du centre d'une sphère très massive, ce qu'on appelle le rayon de Schwarzschild, le temps et l'espace perdent leur signification. En 1939, Robert Oppenheimer - qui dirigera l'équipe scientifique qui mettra au point la première bombe atomique, dans le projet Manhattan - et Nathan Snyder montrent qu'une étoile si dense que son rayon serait inférieur à celui de Schwarzschild s'effondrerait sur elle-même, formant un corps invisible à l'observation: un Trou Noir! En l'occurrence, il s'agit d'un Trou Noir statique vers la singularité - la singularité est le point vers lequel converge tout ce qui tombe dans le Trou Noir - duquel converge toute matière qui traverse son horizon des événements; seul cet horizon des événements, cette frontière, peut-être observé de l'extérieur. Mais un Trou Noir statique ne possède pas de Boucle du Genre Temps.

Comment donc en faire une machine à se déplacer dans le temps? D'abord en se servant du Trou Noir pour créer un raccourci de l'espace-temps. C'est ici qu'il faut rappeler que le temps des équations est réversible. Si au temps positif correspond un Trou Noir, au temps négatif doit correspondre l'inverse du Trou Noir: un Trou Blanc - troublant! -, ou plutôt une "Fontaine Blanche". En effet, alors que toute matière est engloutie par le Trou Noir, la Fontaine Blanche rejette la matière. Il s'agit alors de coller un Trou Noir à une Fontaine Blanche dans notre univers pour créer un "Trou de Ver", autrement dit un pont spatio-temporel. Mais ce n'est que la première étape dans l'élaboration de notre machine à voyager dans le temps, car le Trou de Ver constitue un raccourci spatial, pas encore un raccourci temporel.

La deuxième étape consiste à remorquer l'entrée du Trou de Ver pour créer un décalage temporel avec la sortie. Place à Kip Thorne et au Consortium.

Kip Thorne et le Consortium

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On ne peut parler de l'apport de Kip Thorne dans la réflexion sur la possibilité de se déplacer dans le temps sans parler du "Consortium".

Le Consortium est constitué de sept chercheurs répartis sur deux continents et qui réfléchissent à la façon de concevoir une machine à voyager dans le temps. Les deux plus connus d'entre eux sont le physicien américain Kip Thorne et le physicien russe Igor Novikov. Suite à la demande de l'écrivain Carl Sagan à Kip Thorne de lui proposer un moyen scientifiquement valable de voyager dans l'espace à travers un raccourci de l'espace-temps, Thorne et Novikov se rendent compte que, sous certaines conditions, ce raccourci peut constituer une "Boucle du Genre Temps", autrement dit une machine à voyager dans le temps.

La solution proposée par Kip Thorne et ses étudiants Michael Morris et Ulvi Yurtsever consiste à laisser fixe l'extrémité fontaine blanche du collage "trou noir-fontaine blanche" que nous avons évoqué plus haut, et à éloigner ou à faire zigzaguer l'extrémité trou noir à une vitesse juste inférieure à celle de la lumière.

La théorie de la relativité nous a appris que le temps propre d'un objet qui voyage à une vitesse proche de celle de la lumière est ralenti. Par conséquent, l'extrémité Trou Noir en mouvement verra sont temps propre ralentir par rapport à celui de l'extrémité Fontaine Blanche: "L'écoulement du temps ne doit donc pas être le même pour les deux bouches. D'un autre côté, vues de l'intérieur du trou, elles sont au repos l'une par rapport à l'autre, ce qui veut dire que l'écoulement du temps doit être le même pour les deux bouches", dit Thorne.

Nous avons donc deux bouches d'un Trou de Ver, l'une fixe, l'autre en mouvement dans l'espace à une vitesse proche de celle de la lumière. La longueur du tunnel à travers l'hyperespace, c'est-à-dire le pont qui relie les deux bouches, a une longueur constante de 30cm.

Représentons-nous ce que cela signifie à travers l'aventure imaginée par Kip Thorne lui-même.

Le 1/01/2000 à 9 heures du matin, le vaisseau de la famille Thorne part dans l'espace avec, à son bord, Carolee, la femme de Kip Thorne, et une des bouches du Trou de Ver. Pendant tout le voyage, Thorne tient la main de sa femme à travers le Trou de Ver, qui, rappelons-le, ne mesure que 30cm, et regarde, par le Trou de Ver, sa propre main et sa tête passer à travers l'autre bouche, statique, du Trou de Ver. Bientôt, il voit, à travers ce trou, sa femme de retour dans le jardin ce 1/01/2000 à 21 heure, soit après 12 heures de voyage d'après la montre de Carolee.

Pourtant, à 21h01', lorsqu'il sort la tête du trou et regarde par la fenêtre, il Kip Thorne découvre une pelouse vide. Mais avec un télescope assez puissant, il voit dans le ciel le vaisseau de son épouse au tout début de son voyage, qui va durer dix ans selon sa montre à lui. Et effectivement, le 1/01/2010, le vaisseau atterrit dans le jardin des Thorne avec une Carolee seulement plus vieille de 12h, alors que Kip a vieilli de 10 ans. "C'est le "paradoxe des jumeaux" bien connu: pour le "jumeau" ultrarapide qui s'en va puis revient [Carolee], le voyage ne dure que 12 heures, tandis que celui qui reste sur terre [moi] doit attendre 10 ans le retour de son "jumeau"", rappelle Thorne.

Que voit sa femme Carolee? Pendant le voyage, elle tient la main de son mari et voit sa tête en 2000. De même, Thorne se voit dix ans plus jeune. S'il glisse dans la bouche du vaisseau, il émerge par l'autre bouche le 1/01/2000 à 21h. De la même façon, si le "jeune moi-même traverse le trou de ver le 1/01/2000, il émergera de l'autre bouche le 1/01/2010. Passer dans une direction par le trou de ver me ramène dix ans en arrière, passer dans l'autre direction m'expédie dix ans en avant". Mais n'oublions pas qu'il est impossible de remonter le temps avant le 1/01/2000 à 9h, soit avant le moment où le Trou de Ver est devenu une machine temporelle, une Boucle du Genre Temps.

Un problème important dans la réalisation d'une Boucle du Genre Temps consiste à maintenir le Trou Noir ouvert assez longtemps pour permettre au voyageur d'y plonger et de traverser le pont jusqu'à la Fontaine Blanche. Tout ce qui est nécessaire, selon Thorne, c'est un champ gravitationnel fort, soit un corps suffisamment massif, par exemple une planète, qui évoluerait à proximité de la bouche du Trou Noir et l'entraînerait dans sa course par attraction gravitationnelle, comme un âne suit la carotte qu'on lui met sous le nez. Une autre façon de procéder serait d'ajouter à la bouche du Trou Noir une quantité suffisante de charge électrique et de l'entraîner à l'aide d'un champ électrique. Mais ce n'est pas tout. Nous avons vu que la théorie de Tipler nécessitait l'existence de matière exotique. C'est une possibilité qu'envisage aussi Thorne pour maintenir ouverte la bouche du Trou de Ver.

Cette matière exotique est de l'énergie négative; elle permettrait d'annuler l'énergie positive qui pousse la bouche à se refermer sur elle-même, pour aboutir à un état stable où l'énergie globale est nulle. Il est important de préciser qu'il s'agit ici de matière négative et non d'antimatière. En effet, la composition "matière + antimatière" provoquerait une explosion et un dégagement d'énergie considérable, ce qui aurait des conséquences fâcheuses pour le voyageur du temps, tandis que l'association matière positive-matière négative est sans danger pour lui.

Il reste, après avoir entraîné une des bouches du trou de ver à une vitesse proche de celle de la lumière, à la ramener à proximité de l'autre bouche, qui est restée statique. Peu importe qu'il s'agisse d'un voyage lointain ou circulaire, pourvu qu'une différence de temps suffisante soit marquée entre les horloges des deux référentiels. La bouche mobile - à nouveau fixe -, est plus jeune que la bouche statique.

Enfin, ce qui préoccupe Thorne et le Consortium, et c'est ce qui les démarque des physiciens qui les ont précédés dans ce type de réflexion, ce n'est pas seulement l'aspect pratique lié à la réalisation d'une machine à voyager dans le temps. Ils ont aussi le souci d'établir un ensemble logique d'équations qui préserve les bases physiques des fameux paradoxes liés au voyage dans le temps, pour éviter de violer les lois de la causalité. Nous développerons et analyserons leurs arguments dans la dernière section de cet essai.

FICTION

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Nous avons passé en revue les propositions de réalisation de machines à voyager dans le temps par les hommes de science.

Au tour des romanciers et des réalisateurs de nous fournir des indications sur la façon d'atteindre des époques du passé et du futur.

La machine d'Alfred Jarry

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Dans son "Commentaire pour servir à la construction pratique de la machine à voyager dans le temps", Alfred Jarry nous offre une description très intéressante du fonctionnement d'une machine à voyager dans le temps. Alfred Jarry est l'inventeur de la "pataphysique" et il est resté célèbre pour la création d'"Ubu roi".

Jarry commence par établir un lien entre le temps et l'espace, dans une formulation très moderne; il considère que "toute partie simultanée du temps, c'est-à-dire l'espace, est étendue et par là explorable à l'aide des machines à explorer l'espace". Quant au temps, "Si nous pouvions rester immobiles dans l'Espace absolu, le long du cours du temps, c'est-à-dire nous enfermer subitement dans une Machine qui nous isole du Temps (sauf le peu de "vitesse de durée" normale dont nous resterons animés en raison de l'inertie), tous les instants futurs ou passés (nous constaterons plus loin que le Passé est par-delà le Futur, vu de la Machine) seraient explorés successivement, de même que le spectateur sédentaire d'un panorama a l'illusion d'un voyage rapide le long de paysages successifs".

Or, et c'est nous qui le soulignons, la question est justement de savoir comment éliminer ou contrôler "le peu de "vitesse de durée" normale dont nous resterons animés en raison de l'inertie cette inertie. Il n'existe pas de moyen de le faire, dans le sens où ce moyen serait pris lui-même dans le mouvement d'inertie de l'univers. On ne peut même pas envisager l'élimination totale de l'inertie d'un individu ou d'une machine par la mort ou la destruction de cet individu ou de cette machine, puisque "la quantité totale d'énergie de l'univers se conserve", "rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme", et qu'il semble donc que la disparition "absolue" d'une forme d'être soit impossible.

Jarry conçoit le temps comme une boucle, plaçant, du point de vue de la machine, le futur avant le passé. Pour aller dans le futur, la machine doit accélérer; pour aller dans le passé, la machine doit accélérer plus encore - en parlant d'accélération, Jarry fait probablement allusion à la théorie de la relativité, qui avait marqué tous les esprits à son époque. C'est comme si l'explorateur du temps partait du point ultime du futur - mais à quelle vitesse - et revenait vers le passé en allant de plus en plus vite. Après avoir parcouru le futur, la machine passe par un point-mort entre futur et passé, que Jarry appelle Présent imaginaire.

De toutes les façons, le temps entier "persiste", le passé et le futur forment un panorama explorable, ce qui est peut-être une façon d'expliquer la possibilité de l'existence d'un temps en boucle, puisque tout est déjà réalisé.

"La machine mise en marche se dirige toujours vers le futur". On s'attend donc à ce qu'une accélération entraîne le voyageur du temps de plus en plus loin dans le futur, et non dans le passé.

Mais si l'on pense aux tachyons, ces particules hypothétiques qui ont une vitesse strictement supérieure à celle de la lumière, le raisonnement de Jarry ne paraît plus aussi absurde: plus vite vont les tachyons, plus rapidement le temps coule à rebours et plus loin on s'enfonce dans le passé. Le seul problème, c'est que l'hypothèse de l'existence de tachyons ne sera formulée que des années après la mort de Jarry. Cela signifie-t-il que Jarry, comme Wells, avait un don de prescience "scientifique", ou, comme Wells peut-être, qu'il a effectué un bond dans le futur avec sa machine pour y pêcher l'une ou l'autre idée révolutionnaire? Jarry est-il l'inventeur de la pataphysique, ou en a-t-il ramené l'idée d'un voyage dans le futur?

La machine de Robert Silverberg

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De formation scientifique, Robert Silverberg est un prodige de productivité littéraire, tant dans le domaine de la vulgarisation que dans celui de la fiction.

Nous sommes en 2490 et l'inspecteur Quellen a pour mission d'arrêter celui qui organise la fuite dans le temps de citoyens déçus par leurs conditions de vie, les Déserteurs Temporels.

Dans un premier temps, Silverberg se contente d'évoquer certaines des thèses des autres auteurs: fondamentale instabilité de l'univers: "Brusquement, Kloofman fut envahi du sentiment écrasant de l'instabilité de l'univers." "Imaginez ce qui aurait pu arriver si quelqu'un s'était ingéré dans la vie des déserteurs connus et enregistrés. Arracher des morceaux du passé... mais le monde en aurait été bouleversé!"; voyâge seulement possible dans le passé: "On ne peut aller que dans un sens, dans le temps, vous savez. En arrière. Il n'y a pas là-bas de machines pour renvoyer les gens dans le futur, et de toute façon je crois comprendre que c'est impossible. On va en arrière, on y reste pour toujours."; infraction à la loi de conservation de l'énergie: "A cet instant même, il le savait, un déserteur partait pour le passé. Une vie était soustraite du présent. Et la masse? Se conservait-elle? Les renseignements sur la masse planétaire ne tenaient aucun compte de l'éventualité d'une soustraction subite et unique. Une centaine de kilos ôtés d'un coup aujourd'hui et projetés vers hier...".

On peut relever une contradiction entre l'instabilité évoquée du cours des événements et le déterminisme de voyages dans le temps déjà inscrits dans l'histoire alors qu'ils vont seulement avoir lieu: pourquoi donc les personnages ont-ils peur de modifier ces modifications? Si c'est vraiment le pur déterminisme qui règne, il n'y a pas moyen de modifier ces modifications, et l'univers n'est pas instable.

Venons-en au point qui nous intéresse pour l'heure, le fonctionnement de la machine: "... Elle a des prolongements à la fois dans le temps et dans l'espace... le principe est simple. Une tension soudain appliquée au tissu du continuum; nous poussons le matériel du moment présent dans la poche et ramassons une charge équivalente de la masse du passé. Pour la conservation de la matière, vous comprenez. Quand nos calculs sont erronés de quelques grammes, cela cause des perturbations, des implosions, des effets météorologiques. (bref cela perturbe le temps!). Nous nous efforçons de ne pas manquer le but, mais cela arrive. Au centre de tout cela, il y a un plasma de fusion. Pas de meilleure façon de déchirer le continuum; nous utilisons à cette fin notre propre petit soleil. Nous puisons dans la force thêta. Chaque fois qu'une personne utilise le stat, cela crée un potentiel temporel que nous captons pour l'utiliser à notre tour. Mais cela reste très onéreux". Le stat est l'instrument qui permet de dématérialiser un corps ou un objet pour le déplacer instantanément dans l'espace. Silverberg semble être le seul auteur à avoir proposé une solution au problème de conservation de l'énergie.

L'Accélérateur de Code quantum

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Donald P. Bellisario, le créateur de "Code Quantum", s'est inspiré de la série "Time tunnel" diffusée dans les années 60-70.

Code quantum est une série de la fin des années 80.

Elle propose deux façons de voyager dans le temps: matérielle et incontrôlée pour le professeur Sam Beckett et hologrammique et contrôlée pour Al, son ange gardien.

Père Brune???

Le texte de présentation de chaque épisode résume bien la situation:

"Postulant qu'on pouvait explorer le temps dans les limites de sa propre existence, le docteur Sam Beckett s'installa dans le désert avec une équipe de savants d'élite pour travailler sur un projet top secret baptisé Quantum leap. Pressé de fournir des preuves tangibles de ses théories sous peine d'en voir le financement supprimé, Sam entra prématurément dans le prototype encore expérimental de son accélérateur temporel... et disparut. Il se réveilla dans le passé, souffrant d'amnésie partielle, face à un reflet dans le miroir qui n'était pas le sien. Heureusement, il restait en contact mental avec son é



04/08/2007
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