MONSTRES MARINS : MYTHES ET LEGENDES
MONSTRES MARINS : MYTHES ET LEGENDES
Pendant longtemps les profondeurs sous-marines sont restées une énigme pour l'homme. Ce monde vaste et inconnu, donc terrifiant, a fait naître d'innombrables récits peuplés de créatures toutes aussi étranges les unes que les autres, sorties tout droit de l'imaginaire collectif.
Les descriptions des animaux "rencontrés" en mer, ont été exagérées et assorties de commentaires fantaisistes.
Malgré l'emphase des romantiques et des écrivains lyriques, comme Victor Hugo et Jules Verne, Il a fallut attendre le 19e siècle pour qu'un coin du voile se lève, et la seconde moitié du 20e siècle pour que l'homme commence à explorer "rationnellement" les profondeurs sous-marines.
Peu à peu, les créatures imaginaires se sont effacées laissant place à des espèces scientifiquement reconnues.
Mais en repoussant les limites de l'inconnu, l'homme n'en a pas moins continué à laisser courir son imagination, comme le prouve les succès de la "science-fiction".
Ce dossier fait référence, pour l'essentiel, à l'histoire
des légendes de l'Europe occidentale.
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I. QU’EST-CE QU’UN MONSTRE ?
A.Définition
Apparu en 1120 après J.-C., le mot "monstre" signifiait "prodige, chose incroyable". Il vient du latin monstrum (ce terme du vocabulaire religieux désignait un prodige avertissant de la volonté des dieux, un signe à déchiffrer) qui lui-même provient de monstrare (montrer).
A la Renaissance et au 17ème siècle, le mot "monstre" était fréquemment utilisé et s'appliquait d'abord aux êtres humains et animaux ayant des déformations physiques, ainsi qu'à des créatures composites aux formes étonnantes. Cela englobe les phénomènes cosmologiques et météorologiques (comète*, arc en ciel.), ou les objets "inanimés" (ainsi en médecine : les calculs rénaux sont considérés "comme choses monstrueuses").
Actuellement, notre définition a évolué et lorsque l'on parle d'un monstre, il peut s'agir d'un :
1. Être fantastique des légendes, des mythologies et des traditions populaires.
2. Animal de taille exceptionnelle. Les grands cétacés sont également appelés monstres marins.
3. Être difforme.
B. Les monstres marins au cœur de l’Histoire
Dans l'Antiquité, tout ce que l'homme ne peut pas atteindre (le ciel, le fond des mers.) est le domaine des dieux et des héros. Ainsi, l'un des douze travaux d'Hercule fut de tuer l'Hydre de Lerne, serpent d'eau à corps de chien possédant plusieurs têtes.
Poséidon, le dieu grec des mers et des océans (Neptune chez les romains), apparaît dans de nombreux récits dont "L'Odyssée" d'Homère où il poursuit Ulysse de sa vengeance, car le héros a tué son fils, le cyclope Polyphème.
A la Renaissance, l'homme sait peu de chose du monde marin. Sur les cartes marines ou portulans, les cartographes font apparaître des monstres marins pour orner les espaces vides, mais aussi parce que l'on croyait encore en leur existence et qu'ils apparaissaient comme des démonstrations divines.
Dans la "Cosmographie" de Münster, publiée en 1552, les contours du monde sont plus précis : les océans sont mieux dessinés et le continent américain, récemment découvert, est inséré. Et l'on note, aussi étonnant que cela puisse paraître, la présence de monstres marins ! Ces ouvrages remportaient beaucoup de succès. Cela peut expliquer en partie la persistance de ces images dans les traités géographiques ou scientifiques.
En 1561, Olaus Magnus évoque les horribles monstres marins qui se trouvent sur la côte norvégienne : "Il se trouve dans la mer de Norvège, des poissons forts étranges et monstrueux, dont on ne connaît pas le nom [.], ils provoquent une grande frayeur quand on les regarde et semblent fort cruels."
II. MONSTRES MARINS ET MYTHOLOGIE
A. Femmes et hommes poissons
LES SIRENES
Nous nous représentons souvent les sirènes comme des créatures dotées d'un corps de femme sur une queue de poisson. Pourtant, dans l'Antiquité, elles avaient l'apparence d'oiseaux à visage de femme, elles possédaient des serres puissantes ou des pattes de lion. Elles étaient dotées d'une belle voix et parfois jouaient d'un instrument de musique, elles étaient alors pourvues de bras.
Le mot "sirène" qui vient du latin siren et du grec seirèn aurait deux significations : "attacher avec une corde" (rappel de l'épisode d'Ulysse dans "L'Odyssée", cf. ci-dessous) ou "clair et sec" car ce serait par temps clair, sec et sans vent que les sirènes apparaîtraient le plus souvent.
Dans l'Antiquité, les marins devaient s'attacher au mât de leur navire pour ne pas être tenté de rejoindre les sirènes, leur chants fascinants visant à les attirer sur les écueils. Ce fut ainsi le cas d'Ulysse dans "L'Odyssée".
Les sirènes sont les filles du dieu-fleuve Achéloos (la filiation est moins assurée du côté maternel : les muses, .).
Elles sont associées, dès le départ, à la mort. Ainsi, les sirènes, femmes à corps d'oiseaux, apparaissent sur des vases funéraires ou sur des tombes grecs. Elles évoquent l'oiseau à tête humaine qui incarnait l'âme des morts en Égypte.
Les sirènes symbolisent également le dernier refuge des noyés : elles prennent soin des marins morts et les emmènent au fond des mers, là où les vivants ne peuvent se rendre.
LE "MONSTRE MARIN EN HABIT D'EVEQUE"
Le "monstre marin en habit d'évêque" est l'un des personnages fabuleux représenté dans un ouvrage de Guillaume Rondelet au 16ème siècle.
Le naturaliste raconte que ce monstre en habit d'évêque avait été présenté au roi de Pologne en 1531. Peu impressionné, il fit comprendre par certains gestes qu'il voulait rejoindre la mer. On l'y amena donc et il s'y jeta aussitôt.
Plusieurs hypothèses ont été émises pour tenter d'expliquer ce qu'était réellement cette créature. Ainsi, on a supposé que le poisson-évêque était un grenadier, poisson très présent dans les eaux norvégiennes : son museau allongé pouvant faire penser à la mitre épiscopale.
D'autres créatures semblables (moine-marin, phoque-moine) ont donné lieu à de nombreuses histoires fantastiques au Moyen Âge et à la Renaissance.
Qu'ils aient pour explications poisson, calmar ou phoque, il semblerait que ces récits ne soient pas dénués d'ironie envers le clergé catholique de l'époque.
LE ROI DES AUXCRINIERS
En littérature, le roi des Auxcriniers est l'un des personnages décrit par Victor Hugo dans "Les travailleurs de la mer". Il est représenté comme un monstre marin redoutable habitant la mer de la Manche.
Mi-homme mi-poisson, son allure est terrifiante : "Une tête massive en bas et étroite en haut, un corps trapu, un ventre visqueux et difforme, des nodosités sur le crâne, de courtes jambes, de longs bras, pour pieds des nageoires, pour mains des griffes, un large visage vert, tel est ce roi. Ses griffes sont palmées et ses nageoires sont onglées."
"Le Roi des Auxcriniers n'est visible que dans la mer violente". Il se tient tout entier hors de l'eau et comme un fou, entame une danse, à la vue d'éventuels navires en détresse. Il suffit de l'apercevoir pour faire naufrage aussitôt.
http://expositions.bnf.fr/hugo/grands/250.htm
LES TRITONS
Triton est le fils d'Amphitrite (déesse des mers et fille de Nérée) et de Poséidon. Divinité de la mer à figure humaine et à queue de poisson, il est armé d'une conque dans laquelle il souffle pour apaiser les flots déchaînés.
Triton contribua à la victoire des dieux contre les Géants qu'il terrifia avec le son de sa conque. Il aida également les Argonautes, échoués par une énorme vague jusqu'en Libye, à reprendre la mer. On dit aussi que c'est à Triton que Zeus demanda de faire reculer les eaux du déluge.
A côté de ce dieu, existent des tritons qui apparaissent aux mêmes époques et dont l'apparence physique est la même, mais qui n'ont pas de légende et ne semblent jouer qu'un rôle décoratif. Ainsi, tandis que les Néréides escortaient Aphrodite et Amphitrite, Poséidon lui, était accompagné des tritons.
Sous l'Empire romain on assimile les Néréides à des êtres marins réels, les tritons étant l'équivalent masculin mythologique des Néréides. Les premiers naturalistes ne veulent pas admettre l'existence de ces semi-humains, mais Pline l'Ancien (écrivain latin), n'est pas de cet avis. Il raconte qu'un triton jouant de la conque a été vu dans une grotte et qu'un autre, dans l'océan de Cadix, a été observé montant à bord des bateaux et les faisant sombrer par sa seule présence.
Au 2ème siècle après J.-C., Pausanias (géographe et historien grec) croit également à l'existence des tritons, il les décrit portant des algues sur la tête avec un corps couvert d'écailles, une bouche édentée, des mains en forme de coquilles et des jambes en forme de queue de dauphin. Cette croyance perdurera jusqu'au début du 19ème siècle.
B. Scylla, la terrible aboyeuse
Dans "L'Odyssée" d'Homère, Ulysse doit regagner son royaume : l'île d'Ithaque (Grèce), il doit pour cela traverser le détroit de Messine. Il a le choix entre deux routes maritimes, mais sur les conseils de Circé, la magicienne, il évite la première car son vaisseau risquerait de se fracasser sur des récifs.
Circé lui recommande de passer par la deuxième voie bien qu'elle soit également pleine de dangers : cette route passe, en effet, entre deux rochers gardés par deux monstres : Charybde et Scylla.
Charybde, fille de Poséidon, est un puissant tourbillon qui, trois fois par jour, engloutit les bateaux tandis que Scylla, nymphe changée en monstre marin, ressemble à un poulpe aux proportions étonnantes. Elle est décrite comme une "terrible aboyeuse" avec la voix d'une petite chienne et possède douze pieds réduits à des moignons, six très long cous dotés chacun d'une tête effroyable dont la gueule est garnie d'une triple rangée de dents.
Devant ce dilemme, Ulysse préfère sacrifier six matelots à la voracité de Scylla plutôt que de se faire engloutir par Charybde.
Ainsi, aujourd'hui encore, l'expression "aller de Charybde en Scylla" continue d'évoquer un danger auquel on a échappé pour en rencontrer un autre plus grave encore.
Il existe bel et bien des tourbillons dans le détroit de Messine, près de la côte sicilienne, mais ils sont sans danger pour la navigation. Et en face se trouve un village italien nommé.Scilla !
C. Le Léviathan
Source : Musée Vivant du Roman d'Aventures / Muséum d'Histoire Naturelle de Lausanne
Il s'agit d'un monstre marin, issu de la mythologie phénicienne, mentionné dans la Bible où il symbolise les forces du mal.
"En ce jour, l'Éternel frappera de sa dure, grande et forte épée Le Léviathan, serpent fuyard, Le Léviathan, serpent tortueux ; Et il [l'Éternel] tuera le monstre qui est dans la mer." (Livre d'Isaïe)
D. Jonas et le "grand poisson"
Jonas était un prophète hébreu. Selon la bible, Dieu l'envoya à Ninive annoncer aux habitants la destruction de leur ville. Il lui désobéit et s'enfuit sur un bateau en direction de Tarsis. Durant le voyage, une terrible tempête se leva suite à la colère de Dieu. Les marins, tenant Jonas pour responsable, le jetèrent par-dessus bord. "L'Éternel fit venir un grand poisson pour engloutir Jonas, et Jonas fut dans le ventre du poisson trois jours et trois nuits" avant d'être régurgité.
Ce "grand poisson" fut souvent associé à une baleine bien que la Bible ne fasse nullement allusion à cet animal. On a également supposé qu'il pouvait s'agir d'un requin blanc ou d'un cachalot.
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III. Monstres marins ou animaux réels ?
Certains monstres fabuleux ont, au fil du temps, acquis une existence certaine, grâce à des preuves irréfutables. Pourtant, ils restent ancrés dans la légende.
Au Moyen Âge, ce sont les récits scandinaves et islandais qui donnent le plus d'informations sur les cétacés. Le principal de ces textes, le "Speculum Regale", paru au milieu du 13e siècle, décrit diverses espèces de cétacés vivant dans les mers autour de l'Islande. Ces monstres sont décrits comme féroces et cruels, détruisant navires et hommes.
A. La baleine
Au Moyen Âge, les marins islandais craignent ce qu'ils appellent les "baleines du diable". Il est même interdit de prononcer leur nom en mer (sous peine de privation de nourriture !), car si l'on en parle, elles s'approchent du bateau et tentent de le détruire .
D'ailleurs, certains d'entre eux pensent que les baleines sont friandes de chair humaine et qu'elles restent pendant une année entière à l'endroit où elles ont trouvé ce type de nourriture. Les marins évitent donc les hauts-fonds où des baleines ont déjà coulé des navires.
Plus généralement, les baleines sont qualifiées par les marins de "tueuses".
On trouve dans de nombreux pays des histoires de marins prenant par erreur une baleine endormie pour une île. Pour exemple : la légende de Saint Brendan l'irlandais, qui date du Moyen Âge. Elle raconte l'histoire du moine Brendan qui prit la mer avec ses frères à la recherche du Paradis. Un jour, ils décidèrent d'amarrer leur navire à un îlot étrange de forme ronde et dépourvu de végétation.
Après qu'ils eurent allumé un feu et mangé de la viande bouillie, le sol se mit à onduler et à s'éloigner du navire. Resté à bord, le moine aida ses frères à regagner le bateau. Ils comprirent alors que ce qu'ils avaient pris pour une île était en fait "le plus grand des poissons de la mer". La légende raconte que, chaque année à Pâques, les frères revinrent sur le dos du monstre dénommé "Jasconius" pour y célébrer une messe et réembarquèrent sur leur bateau sans histoires.
B. Le cachalot
Le cachalot a mauvaise réputation, les marins le surnomment "tyran". Des récits comme "Moby Dick" ont contribué à renforcer cette image négative.
Herman Melville décrit Moby Dick, le Cachalot albinos sans doute le plus célèbre de son espèce, comme "l'esprit du mal parcourant les mers", assoiffé de vengeance et dont l'unique joie est de faire le mal.
Le capitaine Achab est obsédé par Moby Dick : il veut se venger depuis que l'animal l'a privé d'une jambe. Il entraîne donc son équipage dans une folle poursuite à travers les océans. Jusqu'au jour où le combat avec le monstre devient inévitable : Moby Dick fera sombrer le navire.
C. Le calmar géant
Source : Musée Vivant du Roman d'Aventures / Muséum d'Histoire Naturelle de Lausanne
Pendant longtemps, le calmar géant ou Architeuthis (nom latin) n'exista que dans l'imaginaire des hommes. Il a fallu attendre le 19e siècle pour que les scientifiques aient enfin la preuve de l'existence de ces incroyables céphalopodes vivant en pleine eau.
Le calmar est associé à des attaques de navires et de marins. Certains auteurs pensent d'ailleurs que le Kraken pourrait être un calmar.
Le calmar détenant le record officiel de longueur est celui qui s'échoua le 2 novembre 1878 à Thimble Tickle, sur la côte septentrionale de Terre-Neuve. Il mesurait près de 17 mètres ! Il semblerait pourtant qu'il en existe des spécimens beaucoup plus grands. Ainsi, la découverte de tentacules isolés de calmars d'une étonnante longueur tend à conforter cette hypothèse : l'un d'eux mesurait en effet 14 mètres ! Autre argument : les empreintes de ventouses laissées par le calmar sur la peau du cachalot. Celui-ci est en effet friand de la chair des calmars. Ces empreintes permettent de donner une idée approximative de la taille des calmars géants, à savoir 22 mètres, voire plus.
Dans la littérature populaire consacrée aux mollusques, voire dans certains ouvrages scientifiques, poulpes et calmars ont souvent été confondus.
C'est Victor Hugo qui parla le premier de "pieuvre" (nom que les pêcheurs normands donnaient au poulpe) dans "Les travailleurs de la mer" jetant ainsi le trouble dans les esprits : si l'on considérait les pieuvres comme des poulpes pourquoi les calmars ne pouvaient-ils l'être également ? En effet, poulpe (polype) signifiait "à nombreux pieds" et le calmar en possédait plus que la pieuvre. Par la suite, les écrivains et les marins ont confondu pendant longtemps les poulpes, pieuvres, calmars ou seiches. Par exemple : les mots "poulpe" et "encornet" (ou calmar) désignaient le même céphalopode.
D. La pieuvre ou poulpe
Source : Musée Vivant du Roman d'Aventures / Muséum d'Histoire Naturelle de Lausanne
Contrairement aux idées reçues, la pieuvre est presque inoffensive. Symbole de fécondité en Extrême-Orient ou de sagesse chez les grecs de l'Antiquité*, le poulpe devient dans la civilisation occidentale l'objet de nombreux récits effrayants.
Dans "Les travailleurs de la mer", Victor Hugo écrit : "La pieuvre est de toutes les bêtes la plus formidablement armée. Qu'est-ce donc que la pieuvre ? C'est la ventouse. [.]. Cela se jette sur vous. L'hydre harponne l'homme. Cette bête s'applique sur sa proie, la recouvre, et la noue de ses longues bandes. En dessous elle est jaunâtre, en dessus elle est terreuse ; rien ne saurait rendre cette inexplicable nuance poussière ; on dirait une bête faite de cendre qui habite l'eau. Elle est arachnide par la forme et caméléon par la coloration. Irritée, elle devient violette. Chose épouvantable, c'est mou. Ses nouds garrottent ; son contact paralyse. Elle a un aspect de scorbut et de gangrène ; c'est de la maladie arrangée en monstruosité. "
Suite à cette description terriblement efficace, la pieuvre aura du mal à se remettre de son image de tueuse auprès du grand public.
Dans les légendes scandinaves, il était parfois question de "kraken", sorte de pieuvre gigantesque...
E. Le narval ou licorne de mer
Cétacé vivant dans les mers arctiques, le narval est caractérisé par le développement considérable, chez le mâle, de l'incisive gauche qui devient une longue défense horizontale spiralée. C'est pourquoi il a été surnommé licorne de mer.
Les hommes ont eu du mal à faire la différence entre " la licorne de mer " et la " licorne de terre ". Pendant longtemps ils se sont demandés si le narval était un poisson ou un mammifère et s'il portait une dent ou une corne.
Sa défense était souvent présentée comme étant la corne d'un animal fabuleux. Elle représentait un danger véritable pour les bateaux car elle pouvait transpercer leurs coques. Au Moyen Âge, on le décrivait comme un monstre gigantesque. Pourtant, si les marins chassèrent le narval avec acharnement sur les côtes du Groenland ou d'Islande, ce n'était pas dans le but de l'anéantir mais plutôt de récupérer sa défense considérée comme magique. Les hommes lui prêtaient, en effet, des vertus antipoison. Elle était également recommandée pour lutter contre l'impuissance masculine.
Au 16ème siècle, un moine franciscain, André Thevet, effectua deux grands voyages maritimes, l'un en Méditerranée orientale et l'autre à travers l'océan Atlantique. Il rapporta qu'il avait croisé pendant son périple, une licorne de mer, appelée Vtelif, dont les marins européens craignaient l'appendice frontal. Elle possédait un corps de poisson gigantesque, une tête de baleine dentue et au-dessus des yeux un os très long en forme de scie.
F. Le requin
Dans les mythes et légendes gréco-romaines, islamiques, indiennes, chinoises, africaines., les requins sont présents.
Dans l'Antiquité grecque et romaine, ils apparaissent dans les ouvres des premiers naturalistes, historiens et géographes. Ainsi, au 5ème siècle avant J.-C., Hérodote (historien grec) raconte que lors de la guerre entre la Perse et la Grèce, 300 navires perses sombrèrent avec 20 000 soldats à bord. Une partie d'entre eux fut dévorée par des monstres marins. On suppose qu'il s'agissait de requins.
La première représentation picturale d'une attaque de ce qui peut figurer être un requin, orne un vase du 8ème siècle avant J.-C., exhumé dans l'île d'Ischia, près de Naples. En 1778, le peintre britannique John Singleton Copley présente un tableau qu'il a intitulé Watson and the Shark (National Galery of Art, Washington D.C.) ou Watson et le requin. Un thème assez peu présent (si l'on excepte les peintres naturalistes).
http://www.nga.gov/cgi-bin/pimage?46188+0+0+gg60b
Le requin blanc (Carcharodon carcharias), héros redoutable du film "Les dents de la mer" de Steven Spielberg (1975) est surnommé le "mangeur d'homme". Malgré la rareté des spécimens dangereux pour l'homme, sa réputation de monstre avide de chair fraîche ne faiblit pas.
G. La raie
Les raies peuvent également être associées aux monstres marins. Les plus grandes de toutes, les mantas, réalisent des sauts inattendus et sonores qui impressionnent les marins.
D'autres raies de taille plus modeste, sont transformées par des taxidermistes en dragons et autres êtres imaginaires revendues à de riches amateurs. Supercherie dénoncée au 18ème siècle par les naturalistes.
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IV. Zoom sur la Cryptozoologie ?
Ce terme fut fondé par le zoologiste Bernard Heuvelmans à la fin des années 1950, à partir des racines grecques kruptos (caché), zôon (animal) et logis (discours). Ainsi la cryptozoologie se définit comme la science des animaux cachés. Les cryptozoologues étudient les animaux encore inconnus de la science et essayent de collecter des preuves tangibles de leur existence, afin de convaincre les plus sceptiques.
Mais comment peut-on connaître des animaux inconnus ? Les cryptozoolgues prennent en considération 5 types d'information :
- animaux connus par tradition indigène, c'est-à-dire par une "empreinte" dans la mémoire collective.
- animaux connus par témoignage
- animaux connus par interaction avec la matière, c'est-à-dire par une "empreinte" physique (traces de pas, photographies et films, échos sonar.)
- animaux connus par des fragments anatomiques (poils, plumes, dents,.)
- animaux connus par un spécimen complet.
A. Le grand serpent de mer
Source : Musée Vivant du Roman d'Aventures / Muséum d'Histoire Naturelle de Lausanne
Depuis le Moyen Âge, de nombreux témoignages plus ou moins fiables se sont fait l'écho de l'existence d'un serpent de mer, à tel point que ce terme désigne également dans le langage familier, un sujet à sensation peu crédible, repris périodiquement par les journalistes.
On retrouve cette créature mythique dans de nombreuses civilisations et à toutes les époques.
B. La "baleine" antarctique à haute dorsale
Un cétacé des mers antarctiques, caractérisé par sa haute nageoire dorsale, a été signalé à plusieurs reprises : en 1902 lors de l'expédition en Antarctique du Discovery ; en 1910 et 1911 ; en 1964 au large du Chili.
C. Les cétacés inconnus de Mörzer Bruyns
En 1971, Willem Frederick Jacob Mörzer Bruyns, capitaine dans la marine marchande hollandaise, a affirmé avoir observé 4 formes de cétacés apparemment encore inconnues.
Il les a provisoirement nommées "baleine d'Alula", "dauphin grec", "dauphin du Sénégal" et "dauphin d'Illigan".
D. La "licorne de mer" australe
Un cétacé des mers australes, caractérisé par une longue défense d'ivoire, a été observé à plusieurs reprises : en 1620, dans l'Atlantique, au large de l'Afrique ; en 1892, dans le détroit de Bransfield, dans l'océan Antarctique.
E. La rhytine ou vache de mer ("Hydrodamalis gigas")
Découverte en 1741, la rhytine ou vache de mer (Hydrodamalis gigas) a été longuement étudiée par le naturaliste allemand, Georg Wilhelm Steller. Ce mammifère marin, qui passait le plus clair de son temps à brouter des algues, long de 6 à 9 mètres, vivait autour des îles de Bering et du Cuivre, dans le nord Pacifique.
Chassée pour l'excellence de sa chair, de sa graisse et de son lait, la rhytine fut exterminée en quelques années, puisqu'on estime qu'elle est éteinte depuis 1768.
Mais cette espèce a fait l'objet d'observations ultérieures. Ainsi, en 1926, l'océanographe norvégien Harald Ulrik Sverdrup rapporte, dans le récit de ses expéditions dans les mers arctiques, les propos d'un russe évoquant la présence de la rhytine.
F. Le "singe marin" de Steller
En 1741, Georg Wilhelm Steller, observe au large des îles Shumagin un étrange animal mesurant environ 1,50m de longueur et ressemblant à un phoque sans membres antérieurs.
G. Les requins blancs géants
Des requins ressemblant au requin blanc (Carcharodon carcharias), mais de taille nettement supérieure aux 6 à 9 mètres sont signalés dans les divers océans.
Aujourd'hui, c'est encore dans ce domaine de l'inexploré que les auteurs de science-fiction trouvent leur inspiration. Calmars géants, serpents de mer, . rien n'est impossible et rien ne dit que certains mythes ne deviendront pas un jour réalité.
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Bibliographie – Webographie
THEME : MONSTRES MARINS -- GENERALITES
- Les documents pour les jeunes sont indiqués en gras -
OUVRAGES FRANÇAIS
La mer, terreur et fascination. Paris : Bibliothèque Nationale de France, 2004, 55 p.
MERRIEN Jean. La mer mystérieuse : mythes, croyances et récits fabuleux. Paris : Royer, 2004, 368 p.
WAGNEROVA Magdalena. Contes de la mer. Paris : Gründ, 2004, 144 p.
MERRIEN Jean. Le légendaire de la mer. Rennes : Terre de brume, 2003, 407 p.
GEISTDOERFER Aliette ; YVANOFF Jacques ; LEBLIC Isabelle. Imagi-Mer : créations fantastiques, créations mythiques. Paris : Centre d'ethno-technologie en millieux aquatiques, 2002, 418 p.
SEBILLOT Paul. Croyances, mythes et légendes des pays de France. Paris : Omnibus, 2002, 1559 p.
Histoire naturelle du monde surnaturel : les archives secrètes de la Société de cryptozoologie de Londres sur plus d'une centaine de créatures de légende. Société de cryptozoologie de Londres. Editions Hors collection, 2001, 224 p.
PETIT DESIGN Jean-Pierre. L'imaginaire marin en Occident du XVIe au XXe siècle, 2000, 48 p.
CAZEILS Nelson. Monstres marins. Rennes : Ouest-France, 1998, 125 p.
RECOUVRANCE Sébastien. Contes de la mer. Paris : Gisserot, 1998, 123 p.
RONECKER Jean-Paul. B.A-BA des monstres aquatiques. Puiseaux : Pardès, 2000, 126 p.
DRIJVEROVA Martine. Contes au fil de l'eau. Paris : Gründ, 1999, 175 p.
SEBILLOT Paul. Contes de terre et de mer. Saint-Malo : Ancre de Marine, 1998,
247 p.
Légendes traditionnelles de la mer : coutumes, croyance, superstitions. Saint-Malo : Ancre de Marine, 1998, 215 p.
VERGE-FRANCESCHI Michel. La mer : les symboles. Paris : Philippe Lebaud, 1997, 150 p.
GRAU Gérard. Les mythes de l'eau et de l'océan en Orient : Cycle de conférences de l'Université Inter-Âges. Paris : Institut océanographique, 1996, 158 p. ; (Océanis, hors-série).
BIAGGI Vladimir ; ARNAUD Jean. Poulpes, seiches, calmars : mythe et gastronomie. Marseille : J. Lafitte, 1995, 192 p.
MASSON Antonin. Mille ans de contes de mer. Toulouse : Milan, 1994, 405 p.
CLAVEL Bernard. Légendes de la: H mer. Paris achette jeunesse, 1975, 188 p.
HEUVELMANS Bernard. Dans le sillage des monstres marins : le Kraken et le poulpe colossal, Tomes 1 et 2. Genève : Famot, 1974, 254 p.
OUVRAGES ANGLAIS
BULLER Laura. Myths and monsters: from dragons to werewolves. Londres: Dorling Kindersley, 2003, 96 p.
COLEMAN Lauren ; HUYGUE Patrick. The field guide to lake monsters, sea serpents and other mystery denizens of the deep. New-York: Penguin Group, 2003, 358 p.
HEUVELMANS Bernard. The Kraken and the colossal octopus: in the wake of sea-monsters. Londres: Kegan Paul, 2003, 352 p.
CREW Gary. The Kraken. Victoria: Lothian Books, 2001, 32 p.
HARRISON Paul. Sea serpents and lake monsters of the British Isles. Liverpool: Derek Doyle and associates, 2001, 253 p.
INNES Brian. Water monsters. Austin: Steck-Vaughn Company, 1999, 48 p.
SUKCLING Nigel. The book of sea monsters. New-York: The overlook press, 1998, 112 p.
HILLIER Chris. The devil and the deep: a guide to nautical myths and superstitions. New-York: Sheridan House, 1997, 120 p.
PEATTIE Noel. Hydra and kraken: or the lore and lure of lake-monsters and sea-serpents. Oakland: Regent Press, 1996, 56 p.
LEBLOND Paul H. ; BOUSFIELD Edward L. Cadborosaurus, survivor from the deep. Victoria: Horsdal and Schubart Publishers, 1995, 134 p.
DVD
FLEISHER Richard. Vingt mille lieues sous les mers = 20 000 leagues under the sea (1954) [DVD]. Disney DVD (120 mn)
CAMERON James. Abyss (1989) [DVD]. Twentieth Century Fox (163 mn)
HUSTON John. Moby Dick. (1956) [DVD]. Orion Pictures Corporation (110 mn)
Planète océan : A la découverte des mystères de l'océan (1998) [DVD]. NHK. (8 x 52 mn)
SITES INTERNET
La Bibliothèque Nationale de France - La Mer. Site consulté le 16/02/2006
http://expositions.bnf.fr/lamer/index.htm
Les informations diffusées reprennent le contenu de l'exposition "La mer, terreur et fascination", réalisée par la Bibliothèque Nationale de France.
Institut virtuel de Cryptozoologie. Site consulté le 16/02/2006
http://perso.wanadoo.fr/cryptozoo/
La cryptozoologie se définit comme la science des animaux cachés. Les cryptozoologues étudient les animaux encore inconnus de la science, et essayent de collecter des preuves tangibles de leur existence, afin de convaincre les plus sceptiques.
Vous trouverez sur ce site des informations sur les monstres marins (serpent de mer, requin blanc géant...).
Les Monstres de la Renaissance à l'Age Classique : métamorphoses des images, anamorphoses des discours. Site consulté le 16/02/2006
http://www.bium.univ-paris5.fr/monstres/
Ce livre-exposition virtuel est fondé sur l'étude d'un ensemble d'ouvrages précieux des XVIe et XVIIe siècles appartenant aux collections de la Bibliothèque interuniversitaire de médecine de Paris. Vous y trouverez des illustrations de monstres marins (tritons, sirènes,.).
Gallica bibliothèque numérique de la Bibliothèque Nationale de France. Site consulté le 16/02/2006
http://gallica.bnf.fr/
Vous trouverez sur ce site les ouvrages numérisés de nombreux auteurs cités dans ce dossier :
Belon, Pierre. La nature et diversité des poissons, avec leurs pourtraicts, représentez au plus près du naturel Paris : C. Estienne, 1555, p 32.
Linden, Adrien. Le petit Buffon illustré des enfants : histoire récréative des animaux, d'après les meilleurs auteurs. Paris : Bernardin-Bèchet, 1876, p. 257
Magnus, Olaus. Histoire des pays septentrionaux : en laquelle sont brièvement déduites toutes les choses rares ou étranges qui se trouvent entre les nations septentrionales. - Paris : chez Martin le Jeune, 1561, p 244.
Münster, Sebastian. Cosmographiae universalis, lib. VI. - Bâle, H. Petri, 1552.
Références de manuscrits cités mais non disponibles sur Gallica :
Paré, Ambroise. Vingt cinquième livre traitant des monstres et prodiges, Ouvres. - Paris, G. Buon, 1585.
Aldrovandi, Ulysse (et Ambrosino, Bartholomeo). Monstrorum historia cum paralipomenis historiae omnium animalium Bartholomaeus Ambrosinus. - Bologne, N. Tebaldin, 1642.
Gesner, Conrad. Historiae animalium, lib. IV, De piscium et aquatilibus. - 1604, seconde édition.
THEME : SIRENES
OUVRAGES FRANÇAIS
DIBERDER, Yves. Contes de sirènes. Rennes : Terre de brume, 2000, 208 p.
Histoires de sirènes et autres créatures fabuleuses. Toulouse : Milan jeunesse, 1999, 106 p.
BRASEY Edouard. Sirènes et ondines. Paris : Pygmalion, 1999, 228 p.
BULTEAU Adeline. Les sirènes. Puiseaux : Pardès, 1996, 142 p.
ARTICLES DE PERIODIQUES
GUICHENEY Pierre. Sirènes, déesses, pythies, les magiciennes de la mer. Géo, Hors-série, juin 2000
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