Désenchantement du monde
Désenchantement du monde
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Le désenchantement du monde (Entzauberung der Welt, en Allemand) est le recul des croyances religieuses ou magiques comme mode d'explication des phénomènes, et s'accompagne d'une perte de sens du monde, dès lors qu'il peut être scientifiquement expliqué. En effet, dès lors que tout est explicable, on ne cherche plus le sens caché des choses.
La notion a notamment été developpée en Allemagne par les travaux de Max Weber et en France par ceux de Marcel Gauchet. Dans Le savant et le politique, Max Weber écrit que hormis les hommes de science nous n'avons aucune connaissance des objets techniques que nous utilisons, « il nous suffit de pouvoir 'compter' sur eux; le sauvage au contraire connaît incomparablement mieux ses outils »[1]
En 2001, le sociologue Jean Staune a publié un ouvrage sur le réenchantement du monde, comme l'a fait Michel Maffesoli en 2007.
Bibliographie [modifier]
- Marcel Gauchet, Le Désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Gallimard (Bibliothèque des sciences humaines), Paris, 1985 (ISBN 207070341X)
Notes [modifier]
- ↑ P.68,10/18 UGE
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http://pagesperso-orange.fr/marxiens/philo/pretapen/gauchet.htm
Religion, hiérarchie, individu, autonomie, progrès, histoire
- "Au sein d'un univers posé comme ultimement un, la pensée répond à une logique du multiple ; alors que dans un univers partagé entre présence et absence surgit une pensée gouvernée par la visée de l'un", p48
La sociologie mène à tout. Ainsi cette histoire de la religion se prétend sociologique ce qui est l'occasion de révéler à quel point la position du sociologue est intenable. Comme si on pouvait parler scientifiquement de la religion, sous prétexte qu'on en aurait fini avec ses mirages. Cela faisait bien rire Kojève qui remarquait qu'on pouvait toujours interpréter sociologiquement le discours du sociologue à mesure même qu'il prétend atteindre une vérité objective. Ainsi, la puissance de l'analyse mise en place pour analyser le déclin de la religion épouse à la fin l'idéologie la plus datée, celle des années 80 d'une fin des idéologies, de l'administration des choses et d'une démocratie réduite au marché, se donnant ainsi comme récit fondateur. Il y a une délectation savante dans la justification d'une sorte de fin de l'histoire sous la forme d'un changement infini qui ne sort pas de la passion du même pour nous faire accepter l'inacceptable et justifier l'injustifiable. La réfutation de cet individualisme infantile et irresponsable ne tarde pas à s'imposer dans toutes sortes de dépendances dont témoigne la "fatigue d'être soi" (Alain Ehrenberg), la dépression de l'individu autonome, incertain et insuffisant, ne pouvant trouver en lui-même son fondement. Il semble que l'écologie puisse donner une autre issue à notre autonomie dans un projet d'avenir.
Sans avoir aucune faiblesse envers la visée idéologique de justification du libéralisme individualiste, on peut reconnaître la force de la logique mise en place dans la décomposition du religieux, tout en constatant la reproduction de sa fonction première de répétition. En effet, s'il s'agit bien ici d'expliquer l'invasion moderne du changement, c'est, malgré toutes sortes de dénégations, sous la forme de sa permanence assurant la consistance de l'Etre (institution, procédure), d'un flux éternel, du "mauvais infini" qui est simple prolongation du passé, plutôt que sous la forme de négations successives, de renversements de situations, de ruptures, de bifurcations, d'une dialectique des sujets enfin qu'aucune institution ne peut contenir car ils peuvent effectivement transformer le monde.
Reste que ce livre nous permet de penser la hiérarchie comme intermédiaire entre l'unité (le holisme) des sociétés originaires et l'individualisme moderne, plutôt que de s'en tenir à l'opposition de Louis Dumont entre hiérarchie et individualisme. Il nous donne aussi une vision plus juste du rapport à la nature s'inversant dans le monothéisme et des fondements religieux de l'économicisme. Ce n'est pas une raison pour accepter cette métaphysique intenable comme une fatalité, comme si l'unité planétaire ne pouvait reprendre ses droits hors de la religion comme de la réduction de l'individu à une abstraction vide, isolée de toute dépendance sociale.
La passion des origines
Les religions originaires sont activement dévouées à la répétition du passé, d'un temps des origines hors de notre portée et simplement reçu. C'est un principe extrêmement stable et satisfaisant, une conception unitaire du monde bien que séparé radicalement de l'origine comme le présent du passé. Ce paradis perdu de la répétition du même qu'on appelle le sous-développement ne résulte pas d'un déficit mais d'un effort renouvelé quotidiennement de restauration de l'originel. Comme pour David S. Landes, le facteur culturel est donc bien déterminant dans le développement économique. Le paradoxe c'est que loin d'être étranger à cette passion de l'immobile, c'est par l'appel à l'originel encore que le changement va s'imposer comme histoire et progrès alors que l'idéologie du changement elle-même célèbre une répétition infinie de notre quotidien. Nous vivons toujours dans l'immanence d'un éternel retour et du cycle des saisons. La liberté n'a pas de sens dans ce monde où il s'agit d'occuper sa place en conformité au Cosmos, à un éternel passé.
Plus les dieux sont grands, plus l'homme est libre
Marcel Gauchet voit la rupture principale qui va enclencher tout le mouvement historique dans la personnalisation des dieux, leur transcendance et leur tendance à l'unification aboutissant à l'idée de création du monde par un dieu vivant, c'est-à-dire non plus simplement une détermination par un passé mythique originaire, mais la présence divine d'une création renouvelée et la possibilité de l'innovation ainsi qu'un rapport personnel direct. Ce n'est pas tout. "Plus les dieux sont puissants, plus ils donnent accès au fondement rationnel de l'origine", plus le monde devient intelligible (gouverné par la pensée), plus leur rapport aux hommes s'individualise et s'intériorise dans une séparation du passé, de la communauté et de la nature qui ne fera que s'accentuer ensuite.
Le péché originel
Le commencement est donc décisif. Les découvertes de Jacques Cauvin depuis la publication de ce livre ainsi que les mythes sumériens permettent d'avancer l'hypothèse que ce mouvement contre-nature n'a pas été spontané mais produit comme réaction aux déluges ravageurs du réchauffement de la planète à la fin de la dernière glaciation (-10000). La création sort de la destruction et les premières divinités (La bonne Mère et le Taureau) sauvent la création contre son créateur (comme Zeus contre Kronos) mais exigent que les hommes gagnent leur vie en travaillant à leur place, à la place de la nature : les premiers cultivateurs travaillent pour les dieux et non pour se nourrir. On a donc dès l'origine des dieux la culpabilité humaine, le travail et la domination. L'importance de la "création" n'est pas une nouveauté, elle a fait l'objet de nombreuses spéculations ésotériques et religieuses. Dans le zodiaque, la création correspond au Taureau justement et l'extériorité divine correspond à la troisième personne (il).
Transcendance et liberté
Dès cette intrusion du présent dans le passé immobile personnifié par le dieu créateur au-delà du temps cyclique, on peut dire que le sort de notre modernité est joué dont le triomphe est pourtant si récent. La création introduit en effet une séparation entre le dieu transcendant et le monde qui n'existait pas dans le chamanisme et la magie des religions originelles dont le dualisme omniprésent (mâle, femelle - yin, yang) est intérieur au monde, réalités parallèles ou complémentaires. Le véritable dualisme n'est pas le combat du bien contre le mal mais c'est celui qui sépare le dieu transcendant du monde. C'est dans cette séparation que va s'introduire la séparation du sujet et de l'objet, de l'idée (idéale) à la réalité (imparfaite), du devoir-être à l'être. "L'immanence suppose la scission irrémédiable d'avec le fondement ; tandis que la transcendance le rapproche et le rend accessible, par sa distance même", passage de l'originel à l'actuel, du passé au présent. La possibilité de la revendication, de la dénonciation du monde au nom de ce qu'il devrait être, de raisons plus hautes que l'ordre établi, implique la séparation du principe et de sa réalisation, du Dieu créateur et du monde créé. Le monde acquiert ainsi, de par son imperfection même, une autonomie où pourra se loger une liberté humaine sur le retrait de la toute-puissance divine et c'est désormais à la liberté humaine de faire advenir le devoir-être dans l'histoire en progrès. L'imperfection d'un monde déchu, l'impureté de la chair par rapport à la splendeur divine réduisent d'abord cette libération à un refus du monde. Du refus du monde à sa valorisation, il faudra sans doute attendre l'incarnation chrétienne, mais si l'homme peut décider du destin du monde par le poids de ses péchés, il peut aussi le sauver.
Domination et hiérarchie
"Dieu devenu Autre au monde, c'est le monde devenant Autre pour l'homme". L'écart entre l'être et le devoir-être contient en germe la domination, absente des sociétés tribales fonctionnant au consensus et voués à la répétition des origines données une fois pour toutes alors que la religion demande obéissance. La domination comme devoir-être extérieur est posée comme le principe de la hiérarchie, définie ainsi comme une dégradation de la société holiste et non plus comme son modèle (Louis Dumont). La domination comme devoir-être imposé d'en haut, présence du principe divin comme insuffisant en soi, porte en elle l'expansion et la guerre, la confrontation et l'empire enfin d'une domination universelle. Il s'agit toujours d'être le Maître du monde. Le despotisme est "l'arraisonnement des choses par l'asservissement des êtres". Cette domination du devoir-être institutionnalisée en hiérarchie (jusqu'à l'esclave) apporte la scission d'avec l'être à l'intérieur de chacun de ses membres opposant l'intériorité à l'apparence comme le vrai au faux, le bon au mauvais, les hommes aux barbares mais surtout la Foi intérieure à la Loi extérieure où s'introduit pour chacun la question de sa liberté, de son devoir-être intérieur et de sa culpabilité.
La Révélation divine et le refus du monde
La dynamique de la hiérarchie et de l'Etat s'autonomisant de la religion va produire des remises en cause de la religion dominante par des mouvements de masse au nom d'une révélation historique. C'est un redoublement de la rupture avec la tradition introduite par le Dieu créateur, une intervention dans le monde désormais de la transcendance et qui a beaucoup de conséquences. En premier celle de renforcer l'autonomie du monde qui perd toute transparence pour se faire l'abri d'un secret, d'un sens caché à dévoiler, exigeant une conversion individuelle du coeur. Le changement et l'avenir pénètrent le présent comme l'apprentissage nous transforme. L'innovation est célébrée (comme restauration de la tradition). L'intervention de l'interlocuteur divin s'adresse à chacun par-dessus sa communauté et ses dépendances, sapant les bases de toute hiérarchie et fondant l'indépendance des hommes sur leur rapport direct à Dieu (ou à l'Empereur). Ce que la révélation historique valorise c'est la conversion à l'authenticité perdue, la repentance de notre vie passée, conversion individuelle qui nous délie du monde et de sa communauté au nom de notre loi intérieure, refus du monde pour notre salut qui dépend de nous, pour la vraie vie éternelle. C'est pourtant encore un chemin vers l'immobile comme le seront les idéologies de la fin de l'histoire (du communisme au libéralisme), une défense contre le changement, une liberté qui se renie immédiatement dans l'engagement le plus définitif.
L'incarnation et le progrès
Si la révélation pousse au refus du monde l'incarnation permet sa réappropriation. Là où le texte révélé du Coran ne laisse place qu'à un conflit d'interprétation, l'incarnation divine pose la question du message lui-même qui doit être transmis, de telle sorte que l'hérésie s'impose comme risque de l'incarnation historique, incertitude sur la religion qui sape sa domination et renforce l'autonomie du monde mais il n'est plus question de rejoindre l'autre-monde quand il est déjà descendu ici-bas pour changer ce monde-ci, le sauver de ses péchés. Notre salut devient ainsi la transformation du monde pour réaliser le royaume de Dieu sur Terre. Notre place dans l'Histoire sainte se compte à partir de l'incarnation de Jésus-Christ qui lui donne date. C'est la puissance de la transcendance divine qui nous oppose à la nature devenue notre objet de transformation pour le plan divin avant de se séparer de la religion. L'homme acquiert la responsabilité de la nature et de sa négation pour l'humaniser. En effet, ce n'est pas tant la prière que le travail comme autonomie de l'être qui peut réaliser l'idéal de progrès, d'optimisation comme devoir-être du croyant. Si l'incarnation dévalorise la voie ascétique de fuite hors du monde, elle dévalorise aussi la médiation des prêtres, de la bureaucratie du sens instituée comme Eglise. Ce n'est plus seulement la hiérarchie sociale que la religion met en cause mais la religion elle-même se trouve touchée par l'imperfection des oeuvres terrestres, perdant ainsi de son autorité extérieure : religion de la sortie de la religion appelant à une religion personnelle et à la réforme des institutions, c'est le politique qui prendra dès lors son autonomie après la nature. Le désenchantement du monde c'est un monde qui n'est plus organisé par la religion, c'est là qu'il commence. L'Art y participe du même pas que la science : "L'oeil du peintre nous éduque en secret à la distance froide de la science ; et c'est la domination technique qui nous initie à la puissance d'émotion du sensible pur".
L'homo oeconomicus
L'autonomisation de l'Etat par rapport à son fondement religieux ramène sa fonction à une subjectivation de la société qu'il doit représenter. La démocratie représentative serait ainsi contenue déjà dans l'autonomie du politique comme auto-fondation de la société. C'est qu'à partir de là l'autonomie va s'étendre à tous les champs, toutes les spécialités inaugurant l'âge de la rationalité et du calcul. La religion ne perd pas tout pouvoir mais participe par sa Paix de Dieu à détacher encore les hommes de leurs dépendances et leurs solidarités guerrières pour favoriser le rapport aux choses sur lequel se construisent économie, science, technique jusqu'au réductionnisme sordide de l'individualisme libéral. L'individu précède l'économie, le libéralisme politique précède logiquement le libéralisme économique (il pourrait lui survivre). Le devoir-être qui séparait Dieu du monde, totalité vacillante dans son insuffisance, se réduit à l'optimisation des gains du calcul rationnel de l'individu isolé et performant. C'est bien sûr une folie. "Le déclin de la religion se paie en difficulté d'être soi". Le Citoyen rationnel de la volonté générale se construit justement sur l'exclusion et l'enfermement de la folie. Pourtant il ne fallut pas si longtemps pour réintroduire l'inconscient au coeur de la raison, la névrose universelle ruinant la métaphysique de l'individualisme libéral et son moralisme inutilement cruel. Les malades mentaux ne sont pas plus des simulateurs que les chômeurs comme le voudrait l'utilitarisme rationalisant.
"Tout se passe comme si, du système des valeurs hiérarchiques au système des valeurs libérales, on échangeait une méconnaissance contre une autre : recouvrement de la nature par le social ou recouvrement du social par la nature". 127
La production de soi
L'individualisme objectiviste, le réductionnisme scientiste, encore fondés (onto-)théologiquement ne sont pas le dernier mot de l'histoire du devoir-être qui ne s'épuise pas dans le calcul et le rapport aux choses. Au contraire, à partir de la "découverte de l'inconscient", le citoyen ne représente plus la responsabilité rationnelle mais l'unité d'une personnalité au développement autonome. Le changement devient imprévisible, l'avenir infigurable. Ce qui en découle, c'est l'autonomie de la société civile par rapport à l'Etat, c'est-à-dire sa régulation après-coup par une démocratie impersonnelle fondée sur le conflit social et le marché, une réduction de la politique à la gestion du changement. Au lieu de dépérir, l'Etat ne cesse d'étendre son empire sur notre intimité et, dans son impersonnalité, monopolise de plus en plus le lien social en passant du symbolique (représentation) à l'administratif (service public). Son investissement dans l'avenir prend surtout la forme du développement de l'éducation. Le déclin de la religion nous prive de la possibilité de rejeter la charge de la cause sur l'Autre, nous laissant responsables de nous-mêmes, de notre personnalité, de notre vie dans le narcissisme autant que le refus de soi (de son sexe, de sa situation) provoquant une grande précarité de l'identité avant d'être économique. "C'est quand les dieux s'éclipsent qu'il s'avère que les hommes ne sont pas des dieux"291 La fin de l'histoire semble combiner ici une démocratie participative apaisée avec une toxicomanie considérée avec "le sérieux d'un devoir et la contrainte d'un labeur".
"La foi dans le lien mystique avec l'autre est remplacée par la sécurité à la fois tangible et inconsciente que dispense l'englobant organisateur" 286
De l'autonomie à l'écologie
En dessinant ce parcours à gros trait on ne lui rend pas justice et l'argumentation détaillée vaut mieux que cette caricature mais ce qui étonne c'est la chute finale sur un discours de résignation à un individualisme purement idéologique oubliant ses bases matérielles et ne voyant pas d'autres voies que celle d'un abêtissement général dans un changement continuel où "rien n'est possible" avec le vieux refrain de la fin des idéologies et la glorification de l'entrepreneur. C'est le danger des spéculations abstraites de retomber dans l'idéologie la plus plate, la plus descriptive et datée, simple notaire de son époque. La reconstruction de notre histoire n'est là que pour justifier notre présent en son éternité. L'histoire des idées méprise le fait que l'individu dépend des institutions, qui peuvent changer. On fait aussi comme si malgré son effacement, la religion pouvait continuer à l'identique alors que c'est un événement historique qui doit provoquer bien d'autres réactions, témoignant d'une étape datée. L'individu n'a aucune consistance en soi et s'il ne peut plus se fonder sur la relation directe à Dieu ou à l'empereur, il doit retrouver la solidarité avec les êtres et les choses, trouver sa reconnaissance dans l'amour (confiance en soi), le Droit (respect de soi) et le travail ou l'activité sociale qui apporte l'estime de soi (Axel Honneth). De même, les conditions de l'individu véritablement autonome du libéralisme n'ont véritablement existées qu'au début de l'époque moderne en Amérique, avec la naissance du roman, du mythe de Robinson. Les conditions de l'autonomie de l'individu et du marché étaient l'or comme monnaie universelle et le salariat comme échange de son temps de travail (en fait subordination) grâce aux machines et aux horloges, ainsi que l'immensité de terres en friche à conquérir. Tout ceci n'a plus grand sens aujourd'hui et, religion mis à part, on peut se demander si il y a un quelconque intérêt à continuer cette fiction de l'individu autonome et responsable qui se précipite dans toutes sortes de dépendances (sectes, toxicomanies, dépression. cf. La fatigue d'être soi). N'est-il pas temps de reconnaître qu'il n'y a qu'une fiction vide de sens dans un citoyen sans dépendances et que si les droits abstraits ont eu un grand pouvoir de libération, ils ont aussi permis bien des oppressions dégradantes. Ni la liberté, ni l'égalité ne sont des données naturelles, égales à leur devoir-être. Il faut plutôt reconnaître nos dépendances et solidarités effectives afin de construire l'autonomie de chacun à l'intérieur d'un projet collectif, s'engager dans le développement humain, l'investissement dans l'avenir. Non seulement nous n'avons pas intérêt à feindre une autonomie des individus encore à conquérir, mais surtout nous ne pouvons plus accepter l'autonomie de l'économie qui, pour être purement idéologique n'en a pas moins des effets criminels. Abandonnant les prétentions d'être cause de soi, l'écologie introduit un nouveau holisme non religieux, la négation de la séparation et de l'autonomie des différents champs sociaux, qui trouve sa légitimité dans l'avenir préservé et non plus dans le passé originel bien que son souci du global renoue en partie avec la prudence des sociétés traditionnelles. Nous devons quitter le monde du roman et de l'enfance irresponsable pour une communauté adulte maîtrisant son destin collectif.