Bioastronomie - Sous les brumes de Titan - Interprétation des résultats (III)
Sous les brumes de Titan Interprétation des résultats (III) Ce n'est pas un paysage couvert de cratères d'impacts, avec quelques crêtes et des collines que les astronomes ont découvert. C'est un endroit actif, vivant, en ce sens qu'il interagit avec son atmosphère comme le fait la Terre et le fait encore Mars dans une moindre mesure. Et cela se produit dans un environnement complètement différent du nôtre, où il n'y a pas d'eau ni de pluie tombant des nuages pour activer les processus. On assiste ici à des processus cryogéniques faisant intervenir essentiellement des gaz liquides et froids, et ça marche ! Selon John Zarnecki, scientifique de l'ESA chargé des expériences à la surface de Titan, le spectromètre GCMS d'Huygens a indiqué que des éléments présents s'évaporaient encore du sol et produisaient une grande quantité de méthane. |
Selon les données transmises par le laboratoire d'analyse de surface (SSP), Huygens s'enfonça de 15 cm dans un sol mou ressemblant à du sable compact ou de la terre glaise sous laquelle se trouve une couche d'une consistance relativement uniforme. Le site est situé à quelques kilomètres semble-t-il d'un "rivage" sombre dont on ignore la composition. A priori il s'agirait d'une surface sèche comme en témoigne les ombres portées par les rochers éparpillés sur la surface.
Cela n'infirme pas l'hypothèse qu'il puisse s'agir d'un lac gelé. Sur Terre, les photographies prises autour des pôles révèlent des zones sombres bordant des reliefs clairs. Il s'agit de zones où l'eau a récemment été gelée. Un phénomène similaire peut être observé sur Titan. Par des températures inférieures à -183°C, ces zones sombres pourraient représenter des lacs de méthane ou d'éthane gelés.
Il est exclu toutefois que Huygens ait atterrit sur une surface liquide. D'après les photographies de la surface, Huygens serait tombée dans un lit asséché, ni mouillé ni même humide situé en bordure des grandes plaines sombres.
Aujourd'hui le Dr Lynn Doose et les scientifiques de l'Université d'Arizona (JPL, DISR) analysent les spectres de nombreuses régions de la surface de Titan afin de vérifier si certaines régions diffèrent notablement des autres. Une telle découverte pourrait conduire à la conclusion qu'il existe encore des zones liquides. Cela reste à confirmer.
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Au sol, la lumière ambiante est très pâle et son intensité vaut environ 0.1% d'une journée ensoleillée terrestre, soit environ 7 magnitudes plus faibles, autant que l'éclat du Soleil vu de Pluton. Le paysage baigne dans une clarté qui ressemble à celle d'un soleil couchant terrestre. Toutefois, cette intensité dépend de la longueur d'onde. Dans les bandes d'absorption du méthane par exemple (dans la haute atmosphère) l'intensité est presque nulle.
Les photographies montrent des terrains clairs accidentés, des plaines sombres desquelles "émergent" des rochers isolés de plusieurs dizaines de mètres de hauteur. On aperçoit également de petits cratères et des cratelets ainsi que des chenaux qui ont vraisemblablement transporté dans le passé des fluides déversés par les gorges. Selon Martin Tomasko de l'Université d'Arizona, les zones claires évoquent également des zones qui ont été ou qui sont inondées actuellement. Certaines ressemblent beaucoup à certaines vallées terrestres asséchées.
Concernant les roches jonchées sur la surface, selon Tomasko ainsi que pour les scientifiques de l'ESA, certaines roches ressemblent à des blocs de glace et mesurent jusqu'à 15 cm de longueur. Il ne peut pas s'agir de glace de méthane car elle coulerait dans du méthane. Leurs formes arrondies et le paysage suggèrent qu'ils ont été roulés dans un liquide indéterminé, une rivière qui les aurait fragmenté et arrondi leurs angles. Pour le géologue Larry Soderblom de l'USGS, ces blocs sont en tout points similaires à nos galets ! Les blocs situés à l'avant-plan semblent partiellement couverts de glace (neige de méthane, etc) et porte des ombres sur le sol.
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Les images les plus étonnantes et qui furent à l'origine de nombreux articles dans les revues scientifiques dont Nature et Icarus à partir de mars 2005, sont celles révélant ce rivage énigmatique asséché, ainsi que celles montrant des blocs glacés et des galets sur lesquels se penchent actuellement les planétologues avec toute l'excitation qu'on imagine.
Aujourd'hui, la mission Huygens est terminée, la petite sonde ayant épuisé l'énergie de sa pile à combustible. Mais il reste encore des centaines d'autres images et des mégabytes de données instrumentales à analyser et à interpréter.
C'est ainsi que le 9 juin 2005, la Dr Bonnie Burratti de l'équipe scientifique de Cassini analysa les images infrarouges transmises par la sonde et mis en évidence ce qui ressemble à un volcan. Il repose sur une base d'environ 25 km de diamètre. Cette découverte renforce l'idée que Titan ressemble de plus en plus à n'importe quel astre actif et présente des propriétés proches de celles de la Terre. Son épaisse atmosphère notamment semble réapprovisionnée en énergie et en matière par l'activité volcanique, un phénomène identique à celui qui se produit sur Terre, sur Io (Jupiter), Encélade (Saturne) et Triton (Neptune).
Ce dossier sera mis à jour dans les mois qui viennent en fonction des découvertes.
Pour plus d'information
Sources officielles
Cassini-Huygens mission (NASA)
DISR data products (images brutes)
Post processing
The Planetary Society (images, sons et présentations audio)
Anthony Liekens pages (images corrigées par des amateurs)
Jet Propulsion Laboratory (JPL)
Portefolio Terragen (sur ce site)
Articles
Les communications spatiales avec Mars (sur ce site)
Astrobiology Magazine (Icy Volcanoes, Methane Rains)
Groupe de recherche en exobiologie du CNRS (F.Raulin)
Labo LISA (études atmosphériques, Paris-12)
Préanalyses effectuées en 2003 (planning et performances attendues)
The Huygens mission to Titan: Overview and Status (PDF de l'U.Idaho)
VLBI observations of the Huygens probe (PDF de Jive)
Huygens (PDF de l'ESA)