Bioastronomie - La contamination extraterrestre - La nature d'ALH84001 : des débats contradictoires (II) - Les pseudo-bactéries

 

http://www.astrosurf.com/luxorion/bioastro-contamin-alh84001-2.htm

La contamination extraterrestre

La nature d'ALH84001 : des débats contradictoires (II)

Les pseudo-bactéries

Ainsi que le rappelle Allan H.Treiman du LPI "tout ce qui brille n'est pas or". De nombreuses roches contiennent des formes rondes ou ovoïdes, de 25 à 300 nm de longueur, qui ressemblent à des bactéries ou des nanobactéries fossilisées.

Selon McKay et son équipe, les structures allongées ou tubulaires trouvées sur la météorite ALH84001 comme celle visible à droite seraient les fossiles d'organismes semblables à nos bactéries ou nos microbes.

Mais Brenda L.Kirkland et son équipe de l'Université d'Etat du Mississippi expliquaient en 1999 dans le magazine Geology (v.27, p.347-350) comment ils ont fabriqué des corps ressemblant à des pseudo-bactéries à partir de minéraux inorganiques dans les conditions stériles de laboratoire ainsi qu'en présence de bactéries vivantes. Ils infirmaient ainsi l'hypothèse suggérée par McKay.

L'expérience est simple : dans une pièce stérile à température ambiante vous dissolvez de l'oxyde de calcium (CaO) dans de l'eau ne contenant aucun élément organique et vous laissez la solution réagir en présence du gaz carbonique (CO2) de l'air. A mesure que le dioxyde de carbone se dissout dans l'eau, des grains de calcite (CaCO3) se forment. 

L'objet de toutes les controverses : cette formes allongée atypique est-elle une bactérie martienne ou une forme minérale ? Aujourd'hui encore, il est impossible de le préciser. Document NASA/JSC.

Au bout de 24 heures l'expérience ne contient que des cristaux de calcite de forme rhombique et des grains arrondis de calcite (20-50 nm) qui ressemblent à des nanobactéries. Après deux ou trous jours la proportion et la dimension des cristaux de calcite augmente au détriment des grains arrondis. En présence de bactéries et de fragments beaucoup d'objets de formes arrondies ou irrégulières, de taille nanométrique se développent, qui peuvent avoir été des grains de calcite ou des globules organiques. En examinant les gros grains de calcite après dilution dans de l'acide chlorhydrique (HCl) on découvre que leur surface est couverte de sphérules, d'objets ovoïdes et de segments qui rappèlent à nouveau les nanobactéries. Mais tout ce petit monde est inerte et n'a jamais été vivant...

En voyant ces résultats, Birkland conclut "il est difficile de distinguer des structures biologiques des non-biologiques sur la seule base de leur morphologie extérieure".

L'étonnante croissance des minéraux à de quoi nous surprendre et nous donne une belle exemple de leçon de prudence lorsque nous explorons des mondes inconnus. A gauche et au centre des cristaux de carbonate de calcium. A droite des sphères de zinc et de plomb. Malgré leur aspect ces objets ne sont pas vivants au sens biologique et ils ne sont pas non plus artificiels. Documents Université de Jussieu.

L'influence du biotope martien

McKay et son équipe suggèrent que les globules carbonatées et les minéraux sulfurés auraient subit l'influence du biotope martien. Les auteurs pensent que les globules se seraient formées à des températures raisonnables pour entretenir la vie telle que nous la connaissons. Par ailleurs l'altération des sulfures indiquerait la présence de bactéries chimiosynthétiques capables de métaboliser le soufre.

Pour vérifier la première hypothèse, en l'an 2000 D.C.Golden et son équipe ont expliqué dans le magazine Meteoritics and Planetary Science, 35, comment ils ont fait grandir des globules de carbonates en laboratoire dans des conditions abiotiques considérées comme "géologiquement raisonnablement aqueuses". Ces globules carbonatés étaient placés dans des solutions riches en calcium, magnésium et fer. Une fois l'eau bouille du gaz carbonique est envoyé dans la solution jusqu'à ce que du carbonate commence à se former. Les expériences ont été faites à 25°C et 150°C, la dernière étant maintenue sous une pression de 4.7 atmosphères pour conserver l'eau sous forme liquide. Au bout de 24 à 96 heures les produits ont été refroidis et séchés et analysés aux rayons X et autre microscope électronique à balayage.

L'expérience conduite à 150°C contenait des globules ellipsoïdaux de 10-50 microns de diamètre, des cristaux de carbonates radiaux et des grains de magnétite, ce qui est rare. Le noyau des globules était riche en fer (sidérite et ankérite) et les parois riches en magnésium (magnésite), une composition similaire aux globules de la météorite ALH84001.

Les expériences conduites à 25°C montraient la plupart des caractéristiques des globules de ALH84001 : formes ellipsoïdales, cristaux radiatifs depuis leur centre, zones chimiques concentriques riche en fer et magnésium et dispersion de magnétite. Et de conclure que "les carbonates et les zones organiques suspectes trouvées sur ALH84001 pouvaient être obtenues par des moyens purement inorganiques et à relativement basse température".

Il n'en reste pas moins que les globules formées durant ces expériences partent d'hypothèses a posteriori et de conditions abiotiques qui ne sont donc pas des indices directs en faveur de la vie martienne.

Pour la seconde hypothèse, considérant l'altération du soufre, J.Farquhar et son équipe ont testé en l'an 2000 les rapports isotopiques des composés sulfurés. Ainsi qu'ils l'expliquent dans le magazine Nature, 404, McKay prétend que ces isotopes ont été fortement affectés par des réactions chimiques induites par la lumière dans l'atmosphère martienne.

La surface de Mars est effectivement riche en soufre mais son origine demeure inconnue. De manière similaire les météorites martiennes contiennent assez bien de minéraux sulfurés, cristallisés à partir du magma et déposés par de l'eau liquide. A partir des rapports isotopiques de l'oxygène de l'eau il s'avère que celle-ci a interagit une première fois avec l'atmosphère martienne. 

Mars : la sonde Viking 1 devant le rocher "Big Joe". Document NASA/JPL.

Pour comprendre l'origine et l'histoire de ces soufres ils ont mesuré les compositions isotopiques d'autres météorites SNC (mais pas ALH84001). Elles contiennent six variétés d'atomes de soufre et leurs isotopes de masse 32, 33, 34 et 36. Ces isotopes sont stables. A partir des mesures du rapport isotopique 33S/32S et sa dégradation en 34S/32S puis 36S/32S, Farquhar et son équipe ont démontré que la majorité du soufre contenu dans ces météorites a put subir des réactions photochimiques, indépendamment des différences de masse atomique. Pour asseoir leurs conclusions ce phénomène se produit également lors de la dissociation des gaz H2S et SO2.

Mais des systèmes biologiques peuvent également produire de tels rapports isotopiques. Le problème vient du fait que les géochimistes et les biologistes mesurent en général uniquement l'isotope 34S et blâment la biologie si cette valeur varie. A première vue on pourrait donc attribuer ces altérations chimiques à des bactéries métabolisant le soufre, comme la bactérie Sulfolobus acidocaldarius qui oxyde le sulfure d'hydrogène (H2S), une cellule procaryote thermophile bien de chez nous qui supporte des température supérieure à 100°C. Mais en l'occurrence conclut J.Farquhar, "les réactions photochimiques peuvent produire les mêmes effets, et il est impossible de différencier l'effet biochimique du photochimique sans analyser d'autres isotopes du souffre, comme d36S ". 

A gauche les globules carbonatées soupçonnées d'être assistées par des bactéries martiennes. A droite des cellules Chroococcidiopsis, des cyanobactéries primitives terrestres capables de survivre dans des milieux extrêmes : très arides, salins, hautes et basses températures. On la retrouve dans le désert sous les cailloux qui piègent l'humidité et les protègent des rayons UV. Documents LPI/CASS et M.Fogg.

Les altérations en solutions aqueuses

McKay et son équipe prétendent que les éléments trouvés de la météorite se seraient altérés en solutions aqueuses. Des expériences ont été conduites par L.L.Baker et son équipe en l'an 2000 sur les basaltes terrestres (vitreux). Placés dans des solutions riches en gaz carbonique et portés entre 23 et 400°C à haute pression (500-1000 atm) ces laves se sont notablement altérées. Les échantillons peu chauffés se sont transformés de préférence en calcite et sidérite alors que les échantillons fortement chauffés contenaient surtout de la magnésite et de l'ankérite. Des minéraux siliceux (SiO2) comme le quartz et l'opale se sont formés dans toutes les solutions riches en eau et surtout à haute température où ils récoltèrent des substances métamorphiques comme la zéolite, la sépiolite (similaire aux argiles), la vésuvianite, la biotite ou la richtérite amphibole. 

L.L.Baker conclut qu' "à partir de ces expériences il semble évident que la météorite AHL84001 n'a pas intensivement réagit avec des éléments riches en eau ou des fluides aqueux" et ceci s'applique également à la météorite de Naklha.

Les expériences à basse température réalisées en 1998 par P.H. Warren résolvent également deux des problèmes de la plupart des autres modèles :

- la distribution des carbonates à petite échelle (zoning)

- l'extrême rareté des minéraux siliceux hydratés.

La distribution des carbonates a été préservée au cours de leur formation et au fil du temps. S'ils se sont déposés alors qu'ils étaient chauds (> 500°C) ils ont dû se refroidir excessivement vite ou subir une diffusion chimique qui aurait effacé leur distribution si particulière. Si les carbonates se font formés à froid, le temps n'entre plus en ligne de compte.

Quand l'homme débarquera sur la planète Rouge, équipé de moyens d'investigation électroniques sophistiqués à faire pâlir "James Bond" de jalousie, les géologues et les microbiologistes s'empresseront de rechercher des traces de vie; ce sera l'une de leurs missions prioritaires. Documents NASA/Pat Rawlings.

En d'autres termes, l'absence de minéraux hydratés dans la météorite était embarrassante pour les scénarii hydrothermiques (eau chaude). En effet, l'orthopyroxène qui constitue le principal minéral de la météorite ALH84001 réagit rapidement avec l'eau très chaude pour produire des argiles et d'autres "porteur d'eau" comme la serpentine. Mais dans un milieu "froid", à température ordinaire (20°C), l'orthopyroxène devrait réagir trop lentement pour être détectée. 

Aussi ces modèles ne renforcent pas les hypothèses de McKay et son équipe. R.P.Harvey souligne que ces modèles suggèrent seulement que des lacs évaporés martiens ou les packs glacés couverts de sable pourraient être de bonnes cibles pour les futures missions d'exploration qui rechercheront des traces de vie sur Mars.

Prochain chapitre

Les cristaux de magnétite et l'olivine



25/11/2007
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