Principe de la PREUVE (par exemple de l'OVNI)

 

Preuve

http://rr0.org/science/Preuve.html

 

Ce qui est affirmé sans preuve peut être nié sans preuve [1]

L'absence de preuve n'est pas la preuve de l'absence [2]

La charge de la preuve

Selon la méthode scientifique communément admise, la charge de la preuve (burden of proof) revient à l'auteur d'une affirmation non encore prouvée. Sans une telle preuve, la science continuera à considérer ses hypothèses et théories comme valides. A cet état de fait, certains partisans d'une théorie non prouvée pourront répondre que l'absence de preuve n'est pas la preuve de l'absence, ce qui est tout à fait vrai et pas incompatible avec la réservation du jugement du scepticisme qui se garde d'affirmer l'inexistence de quelque chose. Une telle affirmation, typique du rationalisme, est en outre indémontrable. Elle est juste supposée vraie au travers d'une croyance soutenue par un réductionnisme fort contestable. Un réductionnisme identique à celui utilisé par les partisans d'une existence par défaut (i.e. si vous ne me prouvez pas que ça n'existe pas, c'est que je suis fondé à croire que ça existe). Toute affirmation, négative comme positive, est sujette à des vérifications légitimes (observation validant la prédiction d'une théorie typiquement).

Principe d'économie

Le rasoir d'Ockham (souvent mal orthographié Occam) est fréquemment invoqué pour satisfaire un principe de parcimonie : les entités existantes, selon ce principe, ne doivent pas être multipliées plus qu'il n'est nécessaire. Cela signifie que l'on donnera préférence à la plus petite théorie possible, avec le moins d'objets possibles dans le modèle attendu, et le moins d'hypothèses ad hoc possibles.

Le principe de parcimonie est en fait plus catégorique que l'idée d'origine émise par Ockham, qui ne l'émettait que toutes choses étant égales par ailleurs (comparer ce qui est comparable, qui produit les mêmes résultats par exemple). Dans la même veine, il existe le rasoir d'Hanlon, qui dit N'attribuez jamais à la malice ce qui peut être expliqué de façon adéquate par la stupidité).

Cependant ce principe, s'il est intéressant, n'est pas une règle absolue, comme le rappelle Morrison : C'est un critère purement économique ; ce n'est pas le seul guide pour la science — ce n'est en aucune manière un guide sûr pour la science. C'est simplement un guide, mais je le trouve assez intéressant [3]. Pour Morrison le témoin doit être considéré comme un instrument complexe, avec ses avantages et ses inconvénients comme les autres, et ce qui compte avant tout est de prendre en compte correctement l'ensemble des liens reliant le phénomène observé à la mesure.

Le cas critique

Il est souvent imaginé que pour prouver quelque chose, il suffit d'un cas indubitable. Même les sceptiques, à l'instar des plus fervents croyants, prétendent qu'un fragment de corps extraterrestre, un bout de vaisseau spatial, ou même une soucoupe atterrissant Place de la Concorde devant des caméras télévisées pourraient suffire à installer un consensus.

Cette idée est probablement entretenue par l'histoire de l'acceptation des météorites, suite à une chute de météores sur le village de L'Aigle, au début du siècle. Il ne faut pas faire dire à cette histoire ce qu'elle ne dit pas. Les scientifiques de l'époque n'ont pas du jour au lendemain changé d'avis suite à cet événement. Jean-Baptiste Biot, en allant étudier le phénomène sur place, en recoltant d'autres éléments, a simplement fait de la bonne science, et a finit par convaincre. C'est ce que rappelle Marcello Truzzi dans son texte ses réflexions sur la réception des déclarations non conventionnelles en science : Bien trop souvent en parapsychologie les gens parlent comme si des déclarations cryptoscientifiques étaient faites, comme si une seule expérience critique pouvait la prouver. C'est ridicule du point de vue scientifique. L'histoire et la philosophie des sciences a montré qu'il n'existe pas d'expérience critique. Une seule expérience ne change pas le corps de la science. Des reproductions et des changements de théorie doivent suivre, et peut-être la vision du monde dans son ensemble doit changer.

Ainsi, un cas, aussi extraordinaire fusse-t-il, ne constitue généralement pas la preuve d'une généralité. Un bout de corps extraterrestre, de soucoupe, un film... seraient faute de toute reproductibilité (un 2ème, 3ème corps, ou bout de soucoupe, etc.) simplement qualifiés d'inconnus, de "non expliqués". Probablement même proposerait-on des explications improbables à leur sujet.

Des preuves extraordinaires

Avant que David Hume dise que des déclarations extraordinaire demandent des preuves extraordinaires et que Carl Sagan la reprenne, Laplace lui-même avait posé le principe selon lequel l'importance de la preuve doit être proportionnée à l'importance de l'allegation.

[4] [5] [6] [7]

  1. Euclide
  2. Martin Rees, astrophysicien britannique
  3. Morrison, P.: "The Nature of Scientific Proof: A Summary", Symposium de l'AAAS sur les ovnis, 26-27 décembre 1969, Boston (Massachussetts). Edité dans Sagan-Page 1972, pp. 276-290.
  4. "Qu'est-ce que le rasoir d'Occam ?"
  5. Williams, Clare: "La question de la collaboration scientifique", INUFOR Digest, juillet 1997
  6. Guérin, P.: "Le problème de la preuve en ufologie", in Bourret, J.-C. Le Nouveau défi des ovnis, Paris, France-Empire, 1976
  7. Sagan, C.: The Cosmic Connection. Garden City, New York, Doubleday, 1973

 

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Guillaume d'Ockham

Reposer sur la parcimonie ne nous mènera pas tous aux mêmes conclusions [1]

"Guillaume" d'Ockham
Guillaume d'Ockham

William d'Ockham, appelé en France "Guillaume d'Ockham" naît, comme son nom l'indique, à Ockham dans le Surrey (non loin de Londres) à une date que nous ignorons (vers 1285-1290). Il entre jeune dans l'ordre des franciscains. Sous-diacre en 1306, il commence des études de théologie à Oxford en 1309. A partir de 1317, il y commente le Livre des sentences de Pierre Lombard, jusqu'en 1319. Il est alors "bachelier formé" au terme d'une cérémonie dite inceptio, ce qui fait de lui un inceptor, c'est-à-dire un simple candidat à la maîtrise. Il ne deviendra jamais maître en théologie.

Hérésie

En 1324, en effet, ses études sont interrompues sur dénonciation du chancelier de l'Université, John Lutterel. Une liste de propositions tirées de son Commentaire des sentences est en effet jugée hérétique. Il est convoqué à Avignon devant le pape Jean 22. Il conserve 3 ou 4 ans sa liberté de mouvement et d'enseignement, résidant au couvent des franciscains, sans qu'aucune condamnation formelle n'intervienne.

Cependant, au cours de son séjour en Avignon, Ockham se lie à la fraction de son ordre (notamment Michel de Césène) qui défend, contre le Pape, la pauvreté intégrale préconisée par Saint François. Pour mieux défendre la cause, cette faction devient alliée et bientôt agent de Louis de Bavière dont Jean 22 refuse la désignation comme empereur. Louis de Bavière se fait couronner à Rome et fait élire l'antipape franciscain, Nicolas 5.

En 1328, Guillaume d'Ockham s'enfuit d'Avignon avec Michel de Césène et 3 autres franciscains. Il se rend d'abord à Pise, puis à Munich. Son sort est désormais lié à celui de l'empereur. Il mène une féroce polémique contre Jean 12.

Rasoir

Dans la querelle des Universaux il adopte le point de vue nominaliste. Pour lui, seul le singulier est réel ; ce qui est universel n'existe que dans l'esprit. On ne peut pas déduire l’immortalité de l'âme des principes rationnels car elle n’est pas fondée sur l'expérience. Le "Rasoir d'Ockham" 1 désigne ainsi le principe d'économie en logique : Pluralitas non est ponenda sine neccesitate (la pluralité ne devrait pas être posée sans nécessité), et Frustra fit per plura quod potest fieri per pauciora (il est inutile de faire avec plus ce qui peut être fait avec moins). Un de ses éléves écrira plus tard : Entia non sunt multiplicanda praeter necessitatem (les entités ne devraient pas être multipliées sans nécessité).

Exemples

En physique on utilise le rasoir pour se débarrasser de concepts métaphysiques. Beaucoup de savants ont adopté ou réinventé le Rasoir d'Ockham, [2], indiquant par exemple Nous n’avons à accepter pas plus de causes des choses naturelles que celles qui sont à la fois vraies et suffisantes pour expliquer ces choses [3].

  • L'exemple canonique est la théorie de la relativité restreinte d'Einstein comparée avec la théorie de Lorentz que les règles se contractent et que les horloges ralentissent lors d'un mouvement dans "l'éther". Les équations d'Einstein de transformation de l’espace-temps sont les mêmes que les équations de Lorentz transformant les règles et les horloges, mais Einstein et Poincarré ont reconnu que l'éther ne pouvait être détecté d'après les équations de Maxwell et Lorentz. D'après le rasoir d'Ockham l'éther devait être éliminé.
  • Le principe a aussi été utilisé pour justifier l’incertitude en mécanique quantique. Heisenberg a déduit son principe d’incertitude de la nature quantique de la lumière et de l'effet de la mesure.
  • Nous pouvons toujours imaginer qu’il existe une série de lois qui détermine complètement les événements pour un être surnaturel, qui pourrait observer l’état actuel de notre univers sans le perturber. Toutefois, de tels modèles de l’univers ne nous intéressent pas nous autres mortels. Il semble préférable d’utiliser le principe connu sous le nom de Rasoir d'Occam et éliminer toutes les effets de la théorie qui ne peuvent être observés [4].
  • Mais l’incertitude et la non-existence de l'éther ne peuvent être déduites du seul rasoir d'Ockham. Ce dernier peut trancher entre 2 théories qui engendrent les mêmes prédictions, mais ne peut rendre caduques d'autres théories qui conduisent à des prédictions différentes. Les preuves empiriques sont aussi nécessaires et Ockham lui-même plaidait pour l'empirisme, et non contre lui.

A double tranchant

Ernst Mach soutint une version du rasoir d’Occam qu'il appela le principe de l'économie, qui s'énonce : Les savants doivent utiliser les concepts les plus simples pour parvenir à leurs résultats et exclure tout ce qui ne peut être perçu par les sens. Menée jusqu’à sa conclusion logique, cette philosophie devient le positivisme (i.e. la conviction qu’il n’y a pas de différence entre ce qui existe mais n'est pas observable et ce qui n’existe simplement pas).

Mach influence Einstein en clamant que l’espace et le temps ne sont pas absolus, mais applique aussi le positivisme aux molécules. Il annonce — comme le feront ses successeurs — que les molécules sont des concepts métaphysiques, car trop petites pour être détectées directement, et ce en dépit du succès de cette théorie à expliquer les réactions chimiques et la thermodynamique. Il est ironique que bien qu'utilisant le principe d’économie pour se débarrasser du concept d'éther et d'un référentiel absolu au repos, Einstein publia presque en même temps un article sur le mouvement brownien qui confirmait la réalité des molécules et opposait donc un contre-exemple à l'utilisation du positivisme. Einstein indiquera dans ses notes autobiographiques : Ceci est un exemple intéressant du fait que même des élèves ayant l'esprit audacieux et un instinct affiné peuvent être bloqués dans l’interprétation de faits par des barrières philosophiques.

Parcimonie n'est pas Ockham

On devrait tout rendre aussi simple que possible, mais pas plus [5]

Le principe d’Ockham est souvent décrit comme le fait de donner préférence à la plus petite théorie possible (avec le moins d'objets possibles dans le modèle attendu, et le moins d'hypothèses ad hoc possibles) en oubliant de dire qu'Ockham ne recommande ce choix que toutes choses étant égales par ailleurs. (i.e. les autres aspects comparables ne différant pas).

On trouve ainsi, énoncés différemment, des formes dérivées du rasoir qu'Ockham le voulait, que l'on devrait plus correctement qualifier de principes de parcimonie ou de simplicité :

  • Si on a 2 théories qui expliquent toutes 2 les faits observés alors on devrait utiliser la plus simple jusqu’à ce que d’autre preuves soient découvertes.
  • L’explication la plus simple pour un phénomène est vraisemblablement plus juste que des explications plus compliquées.
  • Si vous avez 2 solutions à un problème qui semblent de même valeur, prenez la plus simple.
  • L’explication nécessitant le moins d’hypothèses possibles est vraisemblablement plus correcte.
  • ou, dans la seule forme ou il garde sa signification propre... Gardez les choses simples !

Pour Ockham, on ne peut par exemple choisir entre des théories faisant des prédictions différentes. Ce principe remonte à aussi loin qu’au temps d'Aristote qui écrivait La nature utilise le chemin le plus court possible. Aristote alla trop loin en croyant que les expériences et l’observation n’étaient pas nécessaires. Le principe de simplicité fonctionne comme une règle "avec les mains" heuristique, mais certaines personnes le citent, à tort, comme un axiome de la physique. Il fonctionne bien en philosophie ou en physique des particules, mais moins souvent en cosmologie ou en psychologie, où les choses deviennent plus compliquées qu’on ne pouvait s’y attendre quand on les approfondit. Peut-être qu’une citation de Shakespeare pourrait être plus appropriée que le rasoir d’Occam : Il y a plus de choses dans le paradis et la Terre, Horatio, que celles auxquelles on rêve dans notre philosophie.

La simplicité est un concept subjectif et l'univers, ou notre voisin, n’a pas toujours les mêmes idées que nous sur la simplicité. Les théoriciens qui réussissent parlent souvent de symétrie et de beauté autant que de simplicité. En 1939, Dirac écrivait : Le chercheur, dans son effort pour exprimer les lois fondamentales de la Nature en langage mathématique devrait en priorité tenter d'obtenir la beauté mathématique. Il arrive souvent que les exigences requises pour la simplicité et la beauté soient les mêmes, mais quand elles sont en désaccord c’est la dernière qui doit être prioritaire. La loi de parcimonie n’est pas un substitut de la perspicacité, la logique et la méthode scientifique. On ne devrait jamais compter sur elle pour établir ou défendre une conclusion. Comme gage d’exactitude seules la cohérence logique et les preuves empiriques sont absolues. Dirac a eu beaucoup de réussite avec sa méthode. Il a construit l’équation relativiste du champ pour l’électron et l’a utilisée pour prédire l’existence du positron. Mais il ne suggérait pas que la physique devait être basée uniquement sur la beauté mathématique. Il a pleinement compris le besoin de vérifications expérimentales.

Ce principe, s'il est intéressant, n'est pas une règle absolue, comme le rappelle Philip Morrison : C'est un critère purement économique ; ce n'est pas le seul guide pour la science — ce n'est en aucune manière un guide sûr pour la science. C'est simplement un guide, mais je le trouve assez intéressant [6]Pour Morrison le témoin doit être considéré comme un instrument complexe, avec ses avantages et ses inconvénients comme les autres, et ce qui compte avant tout est de prendre en compte correctement l'ensemble des liens reliant le phénomène observé à la mesure.

Sur le même principe, il existe le rasoir d'Hanlon, qui dit N'attribuez jamais à la malice ce qui peut être expliqué de façon adéquate par la stupidité.

A la mort de Jean 22, son successeur Benoît 12 devient à son tour la cible d'Ockham. Ockham meurt à Munich le 10 avril 1347.

Auteur de :

  • Commentaire des sentences (1318-1319),
  • Petite somme de philosophie naturelle (1319-1321),
  • Exposition sur les livres de l'art logique (1321-1323),
  • Traité sur la prédestination et la prescience divine concernant les futurs contingents (1321-1323),
  • Exposition sur les réfutations sophistiques (1321-1323),
  • Courte somme des livres de physique (1322-1323),
  • Somme de toute la logique (1323),
  • Exposition sur la physique d'Aristote (1322-1324),
  • Questions sur la physique (1323-1324),
  • Quodlibets (1324-1325)
  • Brévilogue sur la puissance du pape (1334-1343).

[7] [8] [9]

  1. souvent mal orthographié Occam

  1. Molé, Phil: "Ockham's Razor cuts both ways: The Uses and Abuses of Simplicity in Scientific Theories", vol. 1, 10, 1er avril 2003, pp. 40–47
  2. Leibniz, L'identité des observables
  3. Newton, I.: Principia : The system of the world
  4. Hawking, Stephen: Une brève histoire du temps
  5. Einstein, A.: Notes autobiographiques
  6. [Morrison 1969].
  7. Nicoladec: Des choses et de leurs rapports - Présentation de 8 questions quodlibetiques de Guillaume d'Ockham suivies de leur traduction.
  8. "Qu'est-ce que le rasoir d'Occam ?"
  9. Gernert, Dieter: "Ockham's Razor and Its Improper Use", Journal of Scientific Exploration, vol. 21, n° 1, pp. 135-140, 2007



09/06/2012
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