Concept du temps - Partie 2

Conceptualisation scientifique du temps[modifier]
Articles détaillés : Le temps en physique et Temps biologique.

Le temps de la science renvoie largement à sa conceptualisation philosophique, à la fois du fait des questionnements que l’étude rationnelle suscite, mais aussi par les progrès qu’elle apporte : progrès dans la mesure, progrès dans la perception. S’il est vrai que l’essentiel du rapport scientifique au temps réside dans sa représentation — que les scientifiques souhaitent toujours mieux adaptée et plus précise — l’histoire de la « dimension temps » apprend beaucoup sur l’essence du temps. Le souci de lui conférer une objectivité propre a amené les scientifiques de toutes époques à considérer son étude avec beaucoup de pragmatisme.

Cependant, du temps « instantané » de la mécanique newtonienne au temps dépendant et paramétré de la théorie de la relativité, étroitement lié à l'espace (notion nouvelle d'espace-temps), c’est une véritable révolution par distanciation qui s’est produite dans le champ scientifique.

La thermodynamique, par ailleurs, met en exergue la notion essentielle de « flèche du temps » telle qu’elle transparaît en physique comme en biologie. Selon Ilya Prigogine, il doit y avoir deux sortes de temps : le temps réversible des physiciens et le temps irréversible (flèche du temps) de la thermodynamique (et de la biologie).

Mais on ne peut écarter la conception mathématique qui introduit cet "être mathématique" : le temps (t), indispensable pour exprimer des notions fondamentales comme la vitesse et l'accélération telles que nous les percevons par les sens, et qui est donc étrangère, voire opposée parfois, à toute conception philosophique.

Le moteur du temps[modifier]

La vision moderne du temps est donc paradoxalement à la fois plus anthropocentrique et plus distante de l’homme que celle qui prévalait jusqu’à Newton. Il fallait, des Anciens grecs jusqu’à Kant, décider si le temps était dans ou hors de nous, mais toujours de notre point de vue : voilà que la science propose un temps existant pour lui-même ! Mais ce temps-là est dépendant d’autres réalités, au premier rang desquelles l’espace et la matière – et nous vivons précisément dans l’espace, par la matière. Le temps nous est donc viscéralement acquis mais en partie masqué. Par les exemples de flèches du temps, on réalise également plus aisément pourquoi notre compréhension intuitive du temps est orientée, du passé au futur. Toutefois, là où la science a fait du temps un élément créateur, l’homme continue de subir le temps et son ambiguïté, en victime malheureuse du solipsisme.

De fait, d’anthropocentrique le temps dérive dans la pensée de certains modernes sur le terrain de l’anthropomorphisme. L’Homme a définitivement une vision schématique du temps, entre passé, présent et avenir : les raisons en sont maintenant connues. Mais si on comprend pourquoi notre conscience nous dicte une telle représentation face à l’expérience, il est plus crucial de se demander pourquoi le temps se présente à nous sous le jour de la flèche du temps. Lorsque nous donnons au temps l’image d’une droite fléchée, c’est son cours que nous représentons. En barrant cette droite d’une perpendiculaire pour marquer l’instant présent, cloisonnant passé et futur dans deux compartiments psychologiquement hermétiques, nous représentons le devenir. Pourtant, le présent est fixe, par définition. L’instant présent n’appelle rien d’autre que lui-même, mais le voilà déjà chassé par un autre moment, qui le remplace aussitôt. Sur la droite fléchée du temps, la barre du présent se déplace malgré elle : quel est ce moteur du temps ? Une approche parmi d’autres, qui vient en contradiction des plus récentes conclusions d’origines scientifiques (du champ de la science Physique, au moins), place l’Homme comme machiniste involontaire de la chronologie[13]. Si on considère que le temps est le cadre ultime de la réalité, pré-existant à toutes choses, alors nous nous faisons en effet une fausse idée de lui, en lui attribuant notre propre mouvement historique. Immuable, « rampant en lui » pour rattraper un avenir déjà écrit, nous sommes les consciences malmenées d’un déterminisme complet. Étrangement, cette vision se rapproche de celle d’Eddington, qui introduisit en 1928 le terme de « flèche du temps » – c’est qu’il présenta l’idée sous un jour bien différent de son acception actuelle, et peut-être, dans une certaine confusion conceptuelle entre cours et flèche du temps.

On peut tout aussi bien prendre le contre-pied de cette doctrine, en prétextant que rien n’indique que le temps « pur » doive se penser en termes de présent, que le passé et l’avenir ne sont tels que du point de vue de l'homme, non de celui de l'absolu. En effet, explique Henri Bergson, si le temps en soi est une sorte d’éventail déployé, de film dont les images successives sont en réalité juxtaposées sur la bobine, ce n’est plus le temps, c’est l’espace. Et si je rampe vers l’avenir, je suis quant à moi dans le temps. Le temps existe bien, au moins en moi, il n’est pas qu’une illusion. Ou bien faut-il supposer que je passe d’un état éternel de moi-même à un autre, tout en ayant l’illusion que sous le pont Mirabeau tout s’écoule et je demeure ? Mais quel est ce Je mystérieux qui transite ainsi d’un état de moi-même à un autre ? Ou encore, pourquoi celui que j’étais hier, s’il existe toujours dans le passé spatialisé, n’est-il pas encore moi ? Comment le relais s’est-il fait de l’un à l’autre, sinon dans la durée, ce temps vécu rebelle selon Bergson à la spatialisation ? Pourquoi ne pas admettre alors que le cosmos soit porté par le même mouvement ? Il est vrai qu’en procédant ainsi, on attribue au temps une marche en avant qui n’est peut-être qu’un développement cognitif propre à l’humain et à sa finitude. Il serait donc présomptueux de vouloir trancher ici la question de la nature du temps. Sur la base de l’« Histoire » informelle du temps, chaque conscience peut décider de se ranger à l’une ou l’autre des représentations du monde, ou prolonger la réflexion sur l’ambiguïté toujours renouvelée du concept du temps.

La mesure du temps[modifier]

Article détaillé : Histoire de la mesure du temps.

Comme on l’a vu, un problème essentiel a consisté (et consiste encore, par exemple en physique quantique) à choisir le rôle que le temps va jouer dans un système de lois. La façon dont le concept de temps est pensé a une implication très forte sur le résultat d’ensemble : le temps peut-être un paramètre immuable (mécanique classique), ou une grandeur malléable au gré des phénomènes (relativité générale). Il peut être donné a priori ou construit, pour apporter une réponse sur-mesure à un problème. Mais quelle que soit la conceptualisation du temps, le problème de sa mesure demeure. Trivialement, l’homme a une expérience faible du temps comparée aux concepts qu’il peut imaginer pour le définir : il a simplement l’intuition d’un temps qui s’écoule, et il n’est pas surprenant qu’il ait de tout temps cherché à utiliser cette propriété de son univers comme repère. Cela suppose de pouvoir mesurer le temps, donc de la quantifier.

Paradoxalement, le temps est un objet de mesure très simple. Il est de dimension un : pour exprimer une date, un seul nombre suffit. Ce n’est évidemment pas le cas de l’espace tridimensionnel. Cette propriété singulière du temps implique cependant une première complexité : le temps doit-il être schématiquement représenté par une droite (temps linéaire) ou un cercle (temps cyclique) ? La physique, et la cosmologie en premier lieu, a apporté la notion de flèche du temps, donc d’un temps linéaire, mais il n’en fut pas toujours ainsi. L’Éternel Retour, l’Âge d’Or sont des illustrations de la croyance en un temps cyclique.

Les premières mesures du temps[modifier]

Une façon triviale de mesurer le temps, à laquelle on ne pense pas toujours, consiste à simplement compter. La capacité à séquencer le cours du temps par des intervalles réguliers est certainement la marque d’une propriété plus profonde, mais ce sont surtout ses applications qui sont ici intéressantes. On peut distinguer deux approches, qui ont bien sûr coexisté : on peut, comme lorsqu’on compte, créer des points de repères, marquer des moments ; on peut aussi décider de créer des durées limitées, en utilisant par exemple une quantité finie. Ainsi, le temps de parole à l’Agora était-il mesuré équitablement par l’écoulement d’une quantité bien connue d’eau dans une clepsydre. En fait, les deux façons de faire se rejoignent, car marquer deux moments distincts revient à mettre à jour la durée intermédiaire, si bien que le cœur du problème n’est autre que celui-ci : est-il possible de définir une durée « de base », une unité de mesure ?

C’est l’histoire de la seconde et de sa définition, toujours plus précise.

Mesure moderne du temps[modifier]

Depuis 1967, la seconde est définie à partir d’un phénomène physique :

le temps nécessaire à un rayon lumineux bien défini pour effectuer 9 192 631 770 oscillations.

Ce rayon lumineux servant à définir la seconde est celui dont la fréquence provoque une excitation bien déterminée d’un atome de césium-133 (transition entre les deux niveaux hyperfins de l’état de base de cet atome). Ceci signifie qu’en une seconde, il y a 9 192 631 770 périodes de ce « pendule » atomique ou horloge atomique dont la fréquence d’horloge est proche des 10 gigahertz.

Ainsi pour mesurer 1 seconde il suffit de savoir produire cette émission et d’en mesurer la fréquence. Cette émission pourrait, par sa longueur d’onde (3,261226 cm), donner une unité de longueur puisqu’il faut 306 633 = (9 192 631 770299 792 458) périodes spatiales pour faire un mètre. Ceci souligne le fait qu’en l’état actuel des connaissances, la vitesse de la lumière dans le vide est constante et indépendante du référentiel, et constitue de fait l’étalon « naturel » dont sont dérivés l’étalon-temps et l’étalon-longueur.

En fait, selon les connaissances actuelles de la mécanique quantique, les rayons lumineux absorbables par un type d’atome ont toujours la même fréquence, pour une excitation (transition) donnée. Et selon les connaissances actuelles de la relativité générale, cette mesure sera toujours la même pour un observateur immobile par rapport aux atomes en question.

Avant la décision de la Conférence générale des poids et mesures de 1967 de définir l’unité de temps en fonction d’un phénomène atomique, le temps a longtemps été défini en fonction de phénomènes d’origine astronomique. La seconde est issue historiquement du jour (période de révolution de la terre sur elle-même), qui est subdivisé en heures, minutes et secondes. Le coefficient 9 192 631 770 de la définition ci-dessus vise à donner à la seconde sa valeur historique.

Mais en fait, la science moderne a montré que les phénomènes astronomiques tels que la durée de rotation de la Terre sur elle-même, ou la révolution de la Terre autour du Soleil, n’ont pas une durée constante, et ne sont donc pas un bon support pour définir une unité de temps. Par exemple, la rotation de la Terre sur elle-même ralentit (très lentement), en particulier à cause des effets de marée de la Lune. De même, l’orbite de la Terre autour du Soleil se modifie avec le temps, car le Soleil a tendance à perdre de la masse de par son rayonnement de surface (égalisé par les réactions nucléaires qui ont lieu en son centre) à la raison de 4,3 millions de tonnes/s ; auquel se rajoute son « vent solaire » d’environ 1 million de tonnes/s.

La réalisation de la première horloge atomique en 1947 a permis d’adopter par la suite la définition de la seconde que nous connaissons, et qui est plus rigoureuse, d’un point de vue scientifique, que la définition historique basée sur des phénomènes astronomiques.

La plupart des horloges modernes, (montres, ordinateurs, etc.), utilisent des cristaux de quartz ayant une fréquence d’oscillation stable pour définir leur base de temps. La fréquence employée est quasi exclusivement 32 768 Hz (215), ce qui permet d’obtenir très simplement la seconde. Ces petits quartz en coupe XY sont appelés « quartz horlogers ».

Les temps définissant les durées nécessaires à réaliser une tâche dans une usine sont généralement mesurés en centième d’heure (ch) ou décimilliheure (dmh). Ces besoins divers expliquent les options des chronomètres modernes.

Le temps en informatique[modifier]

Le temps est un paramètre essentiel en informatique. En effet, les traitements informatiques nécessitent du temps, à la fois pour les traitements d’accès aux données (entrées/sorties, input/output ou I/O), et pour le traitement des calculs et mises en forme des données (temps CPU, Central Processing Unit). Les ressources informatiques nécessaires sont une combinaison de ces deux types de traitement.

En informatique scientifique, les traitements prépondérants sont les temps de calcul. Les accès sont limités à la recherche des paramètres des calculs.

En informatique de gestion, les traitements prépondérants sont les traitements d’accès, autrement dit les entrées/sorties. Les temps de calcul (CPU) sont le plus souvent limités, sauf pour les traitements de fin de mois qui portent souvent sur des volumes importants (comptabilité), ainsi que les sauvegardes.

En informatique industrielle et en informatique dite embarquée, les traitements sont essentiellement exécutés en système temps réel.

En informatique de gestion, on avait coutume de distinguer les traitements par lots ((en)batch, ou réponse différée, Rd en initiales) et les traitements transactionnels (ou transactional processing, ou TP en initiales, ou réponse instantanée, ou Ri en initiales), selon que le traitement était réalisé un certain temps après la saisie des données, ou immédiatement après la saisie à l’écran.

Avant l’apparition de l’informatique moderne, à l’époque de la mécanographie en particulier, les techniques disponibles ne permettaient d’exécuter les traitements qu’en batch, en utilisant les cartes perforées. L’apparition des ordinateurs modernes multi-tâches a d’abord autorisé le traitement simultané de plusieurs tâches différentes sur le même ordinateur, puis le traitement en temps réel avec saisie sur un clavier couplé à un moniteur permettant d’afficher les données saisies, puis le résultat du traitement. Les terminaux dits passifs, exclusivement employés jusque dans les années 1990, avant l’apparition des micro-ordinateurs, nécessitaient d’effectuer les traitements en temps réel sur un ordinateur distant (ordinateur central, ordinateur sous Unix). L’apparition des micro-ordinateurs a permis d’exécuter certains traitements sur le poste de travail de l’utilisateur, donc en théorie de limiter la part du temps d’accès dû aux communications à distance.

Les traitements par lots les plus courants sont les traitements longs et difficilement divisibles comme les tâches comptables, le calcul de la paye, les traitements d’interfaçage, les contrôles complexes, les sauvegardes. Ils sont généralement effectués périodiquement. Les périodes de traitement peuvent être journalières, mensuelles, annuelles, ou quelquefois hebdomadaires.

Dans le client/serveur, le temps de traitement temps réel dépend du temps de traitement sur le micro-ordinateur, du temps de cheminement des informations sur le réseau (local/LAN ou grande distance/WAN), et du temps de traitement sur l’ordinateur central. Les temps de traitement sont largement dépendants de la puissance de calcul et surtout de la mémoire disponible dans l’ordinateur. Les temps de cheminement sur le réseau sont dépendants de la capacité de la ligne.

Aujourd’hui, la distinction traditionnelle entre le temps réel et le batch tend à évoluer : les possibilités techniques (mémoire, capacités de stockage, capacité des lignes télécoms) ont radicalement changé la donne. La notation Ri/Rd (réponse instantanée/différée) issue des méthodologies de conception (MERISE) n’a plus autant d’intérêt. Le choix entre temps réel et batch est le plus souvent imposé par le concepteur du progiciel de gestion intégré. Le caractère discriminant du choix entre le temps réel et le batch n’est plus le même. Pendant longtemps, les capacités techniques dictaient le choix du mode de traitement. Le traitement batch reste nécessaire pour les traitements volumineux ou nécessitant des contrôles impossibles à effectuer en temps réel. On parle souvent aussi de traitements synchrones ou asynchrones.

Les traitements effectués sur le web sont le plus souvent exécutés en système temps réel et à distance. Les contraintes de mise en cohérence des informations saisies subsistent, afin que ces informations soient conformes aux référentiels métiers, aux référentiels comptables et aux législations de plus en plus nombreuses. Ces contraintes s’expriment d’une façon plus complexe encore, et peuvent être gérées non plus par des contrôles effectués a posteriori dans chaque application, mais par la constitution de référentiels ou de normes, et par la gestion de données et de documents en communautés (forums, groupwares, espaces de travail partagés…).

Avec l'internet, la logique de traitement en temps réel avec des partenaires nécessite de plus en plus d’assurer l’interopérabilité entre des logiciels de domaines variés. Cette interopérabilité est assurée, dans les langages de balisage, par l’intermédiaire de données spéciales (métadonnées par exemple cf Resource Description Framework), parmi lesquelles on trouve la date.

Le temps dans l'Art[modifier]

La création artistique peut être assimilée à la synthèse de la fabrication et de l’action au sens d’Aristote, c’est-à-dire, dans le vocabulaire de Wilhelm von Humboldt, de l’énergie créatrice (energeia en grec) et du produit (ergon). Apprécier une œuvre d’art, c’est à la fois la considérer comme une réalité distincte de l’artiste, possédant l’ambiguïté des choses, et y retrouver la puissance vivante de l’imagination, des sentiments, d’une vision du monde. L’œuvre confère la permanence de la chose à la fugacité de l’inspiration et du geste de l’artiste. Cette tension entre Apollon et Dionysos se retrouve dans la rivalité du classicisme et du romantisme, ou encore du formalisme et de l’expressionnisme. Dans un clin d’œil à Bichat, André Malraux définissait la culture tout entière comme l’ensemble des formes qui résistent à la mort. À vrai dire, remarque Jean-Paul Sartre, si l’œuvre d’art survit en effet à l’artiste, on ne saurait la confondre avec une chose, c’est-à-dire une réalité qui demeure indépendamment de l’imagination humaine. C’est parce que nous contemplons un tableau qu’il est davantage que des pigments étalés sur une toile.

Certaines cultures ne voient dans la création que l’aspect dynamique, l’acte pur ou l’inspiration, et ne se soucient absolument pas de pérenniser le dessin ou la peinture. En Inde, par exemple, toute vie est transition : tout est pris dans un cycle perpétuel de création et de destruction. L’art ne saurait faire exception. Il est vrai qu’il s’agit surtout de communier, par l’intermédiaire d’un objet, avec l’esprit de quelque divinité. En dehors de cet instant sacré, l’œuvre n’est plus qu’un réceptacle déserté. Elle aura surtout servi à relier l’âme de l’artiste à la divinité, à la manière d’une prière.

Benedetto Croce soulignait cependant qu’il n’y a art à proprement parler que si la création se continue dans la contemplation. Contempler, ce n’est pas coïncider avec les affects de l’artiste. L’art n’est pas de l’ordre du sentiment immédiat, ce qui ne signifie pas qu’il soit un jeu frivole et froid. L’art objective les sentiments ainsi que les idées. La colère s’évanouit en se répandant. Mais l’artiste la donne à voir, donne à voir les passions, les élans du cœur, des concepts métamorphosés dans la forme ou le rythme. Il les met au passé en quelque sorte. Alain écrit à propos de la musique qu’elle n’est ni gaie ni triste. « On appelle quelquefois mélancolie, faute d’un meilleur mot, cet état où l’on contemple ses propres malheurs, et tous les malheurs, comme des objets qui passent et déjà lointains ; la musique figure merveilleusement ce souvenir et cet oubli ensemble. »

Ainsi, la contemplation esthétique ne consiste pas seulement à apprécier une forme soustraite au temps. Elle nous libère de l’urgence de l’instant, elle nous permet de contempler la condition humaine de loin, ou de plus loin. C’était aussi la raison d’être de la tragédie : contempler les malheurs de l’homme du point de vue du destin, dans un mouvement de recul par rapport au temps.

Le temps en musique[modifier]

Le temps est le paramètre principal de la musique, un des rares arts à s’inscrire dans une évolution temporelle et à créer un temps. La différenciation entre temps subjectif et temps objectif y joue un rôle primordial, puisque l’émotion procurée se mesure à l’aune de ce temps subjectif de l’écoute active, temps non quantifiable, et qui fait l’objet de plusieurs recherches en psychologie. Plusieurs compositeurs contemporains, comme Arvo Pärt, Pierre Boulez, José Manuel Lopez Lopez et bien d’autres, ont recherché des formes d’écriture, des procédés musicaux pour suspendre ce temps subjectif, pour inscrire le temps vécu dans une dimension contrôlée.

  • Dans le solfège, le temps est une subdivision de la mesure et suggère la dynamique à apporter à l’interprétation (temps fort - temps faible).

L’observation des conduites musicales enfantines permet une approche un peu différente. La musique, dans sa pratique « de concert » implique en effet un temps commun. Il s’agit d’un temps à la fois pratique et formel. Un des penseur de l’Ars Nova, au XIIIe siècle, Francon de Cologne exprime brillamment cette idée : le Tempus est la mesure de la musique émise et de la musique omise. L’observation met en évidence la construction de ce temps formalisé par les enfants, qui passent de l’activité égocentrique (dans le sens piagétien !) à un temps pratique, basé sur le concret, perceptif et actif qui le produit, puis à ce temps formalisé qui permet les activités interactives, complémentaires. Ce niveau n’est guère atteint avant la sixième année.

Notes et références[modifier]

  1. Alain in Éléments de philosophie
  2. À propos du sentiment intime et universel du temps : « (…) si mes impressions changent, aussitôt l’impression première, tout entière, prend le caractère du passé, et est en quelque sorte repoussée dans le passé par celle qui survient. » Alain, in Éléments de philosophie.
  3. Saint Augustin in Confessions XI, 14, 17
  4. Peuple aymara : Le passé est devant et le futur derrière [archive]
  5. (en)With the Future Behind Them: Convergent Evidence From Aymara Language and Gesture in the Crosslinguistic Comparison of Spatial Construals of Time, E Núñez, E Sweetser, Cognitive Science, 2006, Vol. 30, No. 3, Pages 401-450 [archive]
  6. Le passé devant soi in La recherche n°422 septembre 2008 p47
  7. À ce sujet, consulter une analyse du temps chez Saint Augustin [archive].
  8. Deux rapports de deux nombres entiers chacun ont toujours un troisième rapport intermédiaire, de sorte qu’il n’y a jamais deux divisions entières successives comme peuvent l’être deux nombres entiers.
  9. a et b Bertrand Russell in La méthode scientifique en philosophie.
  10. Emmanuel Kant, Critique de la raison pure (Théorie transcendantale des éléments, partie I, esthétique transcendantale, §4).
  11. Par exemple, l’unité, 1, est supérieure à 12, 34, 78, 1516 … dont l’ensemble est une suite au nombre de terme infini, ie. une suite compacte.
  12. Francis Kaplan, L'irréalité du temps et de l'espace - Réflexions philosophiques sur ce que nous disent la science et la psychologie sur le temps et l'espace, Cerf, 2004 
  13. Thèse déjà défendue par Hermann Weyl au début du XXe siècle.

Bibliographie[modifier]

Voir aussi[modifier]

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Articles connexes[modifier]

Astronomie[modifier]

Conceptualisation scientifique[modifier]

Le temps en informatique[modifier]

Mesure du temps[modifier]

Métaphysique[modifier]

Général[modifier]

Liens externes[modifier]

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12/08/2011
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