Chamanisme - Partie 1

 

Chamanisme

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Le chamanisme ou shamanisme est un système symbolique de médiation entre les êtres humains et les esprits de la surnature. Cette médiation a une fonction économique au sein de la communauté : gérer l'aléatoire. C'est le chaman qui incarne cette fonction, dans le cadre d'une interdépendance étroite avec la communauté qui le reconnaît comme tel.
Le chamanisme au sens strict prend sa source dans les sociétés traditionnelles sibériennes. Cependant, on observe des pratiques analogues chez de nombreux peuples, à commencer par les Mongols, qui seraient tous originaires de Sibérie, mais aussi au Népal, en Chine, au Japon, en Corée, chez les Indiens d'Amérique du Nord, chez les Amérindiens d'Amérique latine[1], chez les Africains, en Australie.

Sorcier chaman de Kyzyl
Sorcier chaman de Kyzyl

Sommaire

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Nature du chamanisme ? [modifier]

Étymologie [modifier]

Le mot chamane ou chaman est connu dès le XVIIe siècle. Il entre officiellement dans la langue française en 1842[2].
Sam est une racine altaïque signifiant s'agiter en remuant les membres postérieurs. Saman vient du toungouse qui signifie danser, bondir, remuer, s'agiter.
Ojun désigne le chamane chez les Yakoutes ; il signifie sauter, bondir, jouer.
L'équivalent turc est kam d'où dérive en russe kamljat, chamaniser, et kamlanie, séance chamanique.
Chez les Bouriates, boo murgel signifie encornement (ou affrontement) de chamane.
L'idée générale est celui d'imitation des espèces animales, notamment celles qui sont prisées à la chasse : les cervidés et les gallinacés[3].

Suivant Bertrand Hell[2] le saman est, soit "celui qui sait", soit celui qui "bondit, s'agite, danse".

Ethnologie et chamanisme [modifier]

La catégorie "chamanisme" pose problème aux anthropologues. Que peut-on appeler chamanisme, quand on utilise ce terme tant pour parler des pratiques des Toungouses que de celles des urbains européens ? Pour répondre à cette question, il faut revoir l'histoire du mot et ce qu'elle implique.

Le terme « chamane » est introduit au XVIIIe siècle et emprunté au toungouse (Sibérie) par l’Archiprêtre Avvakum. Roberte Hamayon (La chasse à l'âme, 1990) caractérise le chamanisme de Sibérie ainsi : il s’agit d’une « procédure de médiation, rudimentaire et bonne à tout faire supposant une conception spécifique de l'homme, du monde et de la société » ainsi que de leurs relations. La notion d'échange est au cœur de la pensée chamaniste : surtout il existe un lien fondamental entre la chasse, l’alliance et le chamanisme ; ainsi, elle propose que le chamanisme en soi s'enracine dans la vie de chasse, en raison d'un rapport de nécessité fondé sur ce qui semble caractériser le chamanisme au niveau le plus général : la gestion de l’aléatoire. Celle-ci se réalise par un échange avec les esprits, lors de la transe.

Le chamanisme est donc une conduite, une efficacité, une technique, à restituer dans le tout de la société. Il remplit une fonction d'adaptation à des situations démunies et difficiles, par sa souplesse, son pragmatisme (contrairement aux religions instituées), et par sa disponibilité.

Les traits essentiels du chamanisme, dans les sociétés de chasse, sont : l’alliance avec les esprits de la surnature, le voyage de l'âme, la gestion de l’aléatoire par le rapport entre chamane et esprits, mais aussi la fluidité, car le chamanisme n’est pas quelque chose de figé puisqu’il intègre.

L’institution chamanique dépasse largement la région sibérienne. Tous les continents sont touchés et on assiste aussi à des mouvements du New-age en Amérique du Nord, en Europe et en France, avec l’émergence d’un néo-chamanisme.

Si on prend le terme chamanisme stricto sensu dans le sens toungouse, alors son champ est fortement limité et ne s’étend plus qu’à cette société. Il faudrait en fait répertorier les traits du chamanisme toungouse, et on s’autoriserait alors à appliquer ce terme à toutes les institutions partageant exactement tous ces traits énumérés. Probablement cela couvrirait alors l’ensemble sinon une partie de la Sibérie, mais certainement pas tous les groupes pour lesquels on parle de chamanisme. Toutefois, si l’on en prend les traits principaux, on peut alors utiliser le terme de chamanisme, celle-ci devenant une catégorie, et le chamanisme toungouse un modèle. Car ce que l’on peut comparer ce sont les modèles tirés de ces sociétés, et non les sociétés elles-mêmes, ni leurs rituels.

Cela étant établi, pour placer des éléments, pratiques, institutions, sous la catégorie « chamanisme » il faut donc de la rigueur. Ainsi, lors du Congrès international sur le chamanisme de 1997, on a pu assister à des communications soulevant le problème du « développement des pratiques dites alors chamaniques, auprès d’Européens en mal d’exotisme » ; et à ce sujet deux avis s’opposaient, l’un déniant le caractère « chamanique » (D. Vazeilles), l’autre ne voyant pas de raison illégitime qui interdirait cette dénomination, puisque selon C. Kappler, l’Europe avait jusqu’au Moyen Âge des pratiques également « chamaniques », citant Jeanne Favret-Saada (Les mots, la mort, les sorts), donc associant la sorcellerie au chamanisme.

Le débat, loin d’être fini, pose toujours problème. Dans l’application du terme « chamanisme » à d’autres sociétés, il convient de justifier ce choix par une description précise des faits et pratiques qui forment le modèle que l’on veut comparer au modèle toungouse. Pour utiliser le « chamanisme » comme élément de comparaison, il faut en effet pouvoir comparer des modèles entre eux.

Chamanisme et religion [modifier]

La nature du chamanisme n'a pas fini de faire couler beaucoup d'encre ! Les scientifiques, ethnologues et érudits divers ne se sont guère intéressés à l'idéologie du chamanisme, certains refusant même de discuter de son éventuelle nature religieuse.
Le chamanisme est appréhendé comme tel dès le XVIIe et XVIIIe siècles par les premiers observateurs en Sibérie. C'est le contact avec les esprits qui est considéré, à la fin du XIXe siècle, comme le phénomène religieux de base. Au XXe siècle, Mircea Eliade, influencé par le mysticisme du christianisme russe orthodoxe, rattache le complexe chamaniste (croyances, rites et mythes) à la religion. C'est surtout l'expérience extatique qui est définie comme l'expérience religieuse de base. Mais cette dernière notion est actuellement très controversée, certain la considérant comme une imposture scientifique[4], d'autres lui préférant le terme de transe, la seule à impliquer un élément musical.
Ake Hultkrantz présente le chamanisme comme un complexe culturel religio-magique et conclut : puisque le monde surnaturel est le monde de la religion, le chamanisme joue donc un rôle religieux et il n'est pas interdit de supposer que toutes les expériences extatiques à l'origine de renouveaux religieux remontent aux chamans des temps anciens [5].
Wilhelm Schmidt considère le chamanisme comme de la magie, voire comme une dégénérescence religieuse. Pour Bertrand Hell, le chamanisme, à l'instar de la possession, est placé sous le signe de l'efficacité pratique et pragmatique, rejoignant par là Marcel Mauss pour qui la magie est la manipulation des forces immanentes, alors que la religion s'attache plus à la métaphysique, la transcendance et à un au-delà meilleur.
D'autres considèrent le chamanisme comme de la sorcellerie (Roland Dixon), voire comme une imposture entretenus par le chaman.
Inversement certains auteurs présentent la religion des peuples du nord de la sibérie comme chamanique !
L'observation, par les médecins et administrateurs coloniaux, de l'aspect thérapeutique et du comportement du chaman ont mis un doute sur ce caractère religieux, rejoignant l'échec des théories sociologiques à le définir comme tel, notamment du fait de l'absence de doctrine, de clergé et de liturgie.
L'anthropologie contemporaine ramène plutôt le chamanisme à un mode d'organisation des expériences des individus chamanes. Pour Roberte Hamayon, le chamanisme s'enracine dans la vie de chasse, et, à ce titre, est conditionné "par la donnée empirique qu'est le caractère imprévisible de l'apparition du gibier", "la pensée chamanique s'interprète comme la création de moyens symboliques pour agir sur cet aléa"... "les changements dans la place et la nature des aléas commandent l'évolution du chamanisme"[6]. Au centre des rituels chamaniques Bouriate, il y a le jeu, jeu rituel dont l'issu rappelle les aléas de la vie de chasse, et "qui récuse la transcendance et impose l'altérité". Il est remarquable que les Bouriates se définissaient eux-mêmes comme peuples à chamanes, par opposition aux peuples à Dieux pour se différencier des Russes lors de la colonisation.

Enfin, la question de l'assimilation ou non du chamanisme à la religion a permis de se (re)poser des questions quant à la nature du phénomène religieux, conduisant par là à une reconceptualisation de celle-ci.

Chamanisme et préhistoire [modifier]

La première tentative sérieuse d’expliquer l'art pariétal européen par un chamanisme paléolithique a été proposée par Horst Kirchner en 1952[7]. Déjà critiquée dès cette époque, cette hypothèse fut pourtant considérée comme acquise par Andreas Lommel qui, dès 1960, écrivait: "« On a pu prouver, grâce à l’art de chamans qui vivent à notre époque, que de nombreuses peintures rupestres franco-cantrabriques, même anciennes, sont ‘chamanistes’, c’est-à-dire qu’elles sont l’œuvre de chamans et s’inspirent de leur mode de pensée. Pour comprendre les peintures rupestres, il est donc indispensable de bien expliquer ce qu’est un chaman". En plus de cette affirmation erronée (car il est faux d'écrire à ce propos : "on a pu prouver"), Lommel commettait une autre erreur — qui sera largement reprise par la suite — celle qui consiste à systématiquement associer chamanisme, transe et extase: "Le chaman", écrivait-il en effet, "fait office de prêtre et de médecin, mais à la différence du guérisseur, il agit toujours dans un état de transe. Lorsqu’il conjure les esprits ou tente une guérison, il n’est jamais tout à fait conscient mais, le plus souvent, opère dans une sorte d’extase. Ceci explique la présence de phénomène psychique" [8]. À partir de ces deux erreurs s'est construite la théorie selon laquelle se retrouveraient partout dans le monde, depuis la préhistoire, les mêmes éléments chamaniques. Ainsi s'est également construite la notion d’un art universel dont la motivation (chamanique) unique serait indépendante des cultures, d’un art anhistorique échappant par nature aux analyses des ethnologues et historiens.

Plusieurs auteurs, dont les plus éminents sont André Leroi-Gourhan parmi les préhistoriens spécialistes de l'art pariétal[9] et Roberte Hamayon parmi les ethnologues spécialistes du chamanisme[10], se sont vigoureusement élevés contre cette façon de voir. Pourtant, depuis quelques années, quelques préhistoriens mal informés[11], arguant de considérations neuropsychologiques obsolètes ou fausses[12], considèrent que certaines peintures pariétales de l'Europe (comme les personnages hybrides en partie humain et en partie animaux) représenteraient des scènes et des symboles de type chamaniques et seraient liées à ces rituels.

En outre, Michel Lorblanchet a démontré que dans des sociétés chamaniques actuelles où sont effectuées des peintures dans un cadre rituel, il est impossible, sans recourir à l'avis du chamane lui-même, de deviner quelles sont les peintures qui sont chamaniques, et quelles sont celles qui ne le sont pas[13].

Bien que le chamanisme soit toujours vivant, y compris celui qui se déclare comme tel dans les sociétés occidentales modernes, il demeure donc incertain de rapprocher sa nature et ses fonctions d'avec le chamanisme des sociétés traditionnelles actuellement disparues. Cela ne signifie pas qu'il n'y aurait jamais eu de chamanisme préhistorique. Simplement, malgré son succès médiatique, cette idée n'est toujours pas prouvable par les seuls moyens de la science préhistorique actuelle, et elle reste donc l'une des nombreuses hypothèses d'interprétation de l'art pariétal qui n'ont pas été validées.

le culte des cervidés célestes

C'est Spitsyne[14] qui a révélé au public la découverte de plaques chamaniques coulées dans le bronze, nommées les plaques de Perm, sur les bords de la Kama et de l'Ob, dans l'Oural. Elles datent du Moyen-Âge.

le vol du chamane
le vol du chamane
Recouvertes de figurations mi-humaines mi-cervidés, de têtes d'élans, de dragons, de bêtes à fourrure et d'oiseaux, dont certains à masque humain sur la poitrine. Les créatures bipèdes à figures animales ont été appelé par Spitsyne souldé [15].

Sur certaines d'entre elles, il s'agit de figuration de deux femmes-élanes, debout sur un énorme dragon et formant, à l'aide de leurs têtes d'élanes, la voute céleste sous laquelle on peut voir soit de petites silhouettes humaines, soit une silhouette masculine coiffée d'un masque d'élane.

Pour certaines de ces plaques, un parallèle a été fait, par A.V. Schmidt, avec la littérature orale laponne fixée en 1926-1927 et relatant la légende de l'homme-renne[16]. Pour Boris Rybakov [17]le culte des cervidés célestes, qu'on retrouve également sur certaines de ces plaques, est très répandu chez les peuples sibériens : chez les Evenki de la Toungouzka il y a l'élane céleste Bougady Enintyne, chez les Kéty il y a la déesse Tomane, chez les Selkoupy il y a Yliuonda Kotta. Le culte des deux maîtresses célestes du monde, semi-femmes semi-cervidés est également répandu (Nganassanes, Evenki, Dolganes, Nivkhi des îles Sakhaline).

Les femmes-rennes :
En entrant, la chamane aperçut deux femmes nues, semblables à des rennes : elles étaient couvertes de poils, portaient des bois sur la tête. Le chamane s'approcha du feu, mais ce qu'il avait pris pour du feu, c'étaient les rayons du soleil. Une des femmes était enceinte. Elle mit au monde deux faons... La deuxième femme mit aussi au monde deux faons... Ces faons doivent devenir les ancêtres des rennes sauvages et domestiques.
Cité par Boris Rybakov citant Anissimov.

La coiffure chamanique décorée d'un museau d'élane est attesté également par des données archéologiques. On la trouve sur une sculpture d'os provenant de la nécropole mésolithique de l'île au Renne de l'Onéga (Vè millénaire avant notre ère) et coiffant un officiant s'élevant vers le monde céleste, entouré de deux femmes, la tête tournée vers le chamane . Spitsyne l'identifie au casque de souldé des plaques de Perm. On la trouve aussi dans l'île au Renne de la Mer de Barents, dans la tourbière de Chiguir dans l'Oural, près de Palanga sur les bords de la Baltique.

Pour Boris Rybakov, le culte des cervidés célestes, étroitement associé au chamanisme, est ainsi attesté au mésolithique il y a cinq mille ans, au cours de la période du folklore de bronze du VIIe au XIe siècles siécle, et dans les mythes cosmogoniques sibériens collectés au XIXe et XXe siècles. Son étendu géographique est celui de l'ensemble ethnique tongouze, samoyède et ougrien, mais s'étend bien au-délà d'après ses conclusions (Europe et Asie). Par contre, d'après cet auteur, aucune base ne permet de supposer qu'il ait existé chez les chasseurs de l'époque glaciaire. Bien que les figurations de cervidés soient fréquentes dans l'art paléolithique, elles ne se distinguent pas de la masse des autres animaux. Concernant peut-être la seule exception, le Dieu Cornu ne pourrait-être finalement, selon Rybakov, qu'un simple chasseur ayant mis sur lui une peau de renne pour approcher un troupeau, dans le cadre d'un déguisement. L'interprétation de l'anthropologue Margaret Murray, suivant laquelle le Dieu cornu serait invoqué dans un rituel chamanique, semble controversée.

Principes du chamanisme [modifier]

Le chamane [modifier]

Le chamane est un être complexe chez qui on a voulu voir un guérisseur, un sorcier, un prêtre, un magicien, un devin, un médium ou un possédé[18].

  • Il existe en fait une polyvalence dans ses attributions. Celles-ci s'effectuent dans un cadre rituel bien précis, au sein de sa communauté. Elles varient d'une région à l'autre, mais aussi et surtout d'une époque à l'autre[19]. Les plus importantes sont :
-faire du tort à un ennemi
-traitement des maladies nerveuses et mentales
-fonctions thérapeutiques
-nommer un enfant
-faire tomber la pluie
-faire venir le gibier
-retrouver un objet perdu
  • Pour communiquer avec les esprits, le chamane se met en transe au cours des rituels. Ceux-ci se caractérisent par une expression corporelle et un état psychique particulier, dont les tremblements sont l'élément le plus évocateur (un esprit est présent dans le corps du chaman). La transe est toujours associée à un élément musical et dans son étymologie il y a la notion de passage et de changement. Enfin, la transe s'effectue au service de la croyance. On considère parfois que le chaman se met aussi en rapport avec l'au-delà par le moyen de songes ou de visions (Quête de vision)
  • Le rituel du chamane n'est pas figé, il existe une personnalisation de sa pratique. Chaque chamane fait différemment des autres, il n'y a pas de liturgie et il possède un talent personnel à exercer une fonction héréditaire.
  • L'expression du chamane lorsqu'il est en contact avec les esprits donne une apparence de folie. En fait elle est trompeuse[20]. Le chamane est normal en dehors des séances. Son comportement pendant le rituel n'affecte ni son autorité ni son sens des responsabilités. Sont confiées au chamane des fonctions capitales pour la vie de sa communauté.

Le chamanisme de chasse [modifier]

Natif Américain "conjurant" un mauvais sort dans une gravure datant de 1590.
Natif Américain "conjurant" un mauvais sort dans une gravure datant de 1590.

Le chamanisme de chasse a pour but de répondre à un besoin essentiel : trouver du gibier. Certains peuples de Sibérie ou d'Amérique du Nord vivant de la chasse ont conservé ses fonctions primitives. On croit que les animaux sont animés par des esprits. Le chaman les rejoint dans le monde non sensible de la «surnature». Pour ce faire, il doit lui-même se transformer en animal et épouser la fille de l'esprit donneur de gibier (l'esprit de la forêt), qui lui servira de guide[21],[22]. Cet esprit a souvent la forme d'un cerf. Les gesticulations du chaman, que les Européens ont parfois pris pour de la folie, ne sont rien d'autre que la manifestation de sa nature animale. De son épouse, à l'aide de séduction et de ruse, il obtient des promesses de gibiers, animaux qui viendront donner aux chasseurs leur principe vital. Mais la chasse est un échange: les esprits des chasseurs sont eux-mêmes dévorés, ce qui leur cause des maladies et conduit à une mort inéluctable. Le rôle du chaman n'est pas, normalement, d'y remédier. Il doit seulement faire en sorte que l'échange se produise, mais de façon à retarder le plus possible l'échéance de la contrepartie, c'est-à-dire la seconde phase de l'échange, par le biais d'une manipulation.

Le chamanisme d'élevage [modifier]

Le chamanisme est marqué par des changements et des mutations lorsque la chasse cède le pas aux activités agricoles et d'élevage[23]. La survie de la communauté ne dépend alors plus des esprits des animaux, mais d'esprits à caractère humain, notamment de ceux des ancêtres[24]. Le monde des esprits, auparavant confiné à la forêt, s'étire vers le haut et le bas, vers ce qui deviendra le Ciel et les Enfers. Ce monde non phénoménal est souvent perçu comme étant une échelle à barreaux ou encore parfois un arbre, avec ses branches et ses racines. Le chaman est celui qui a la capacité de monter et descendre le long de ces différents niveaux de réalité, vers le Ciel ou les Enfers, de rencontrer des entités des mondes supérieurs et inférieurs (des esprits, par exemple) et de ramener de son voyage conseils, soins et pouvoirs "magiques", expansion de conscience etc.

Ainsi, pour effectuer un soin, le chamane entre d'abord dans un état de conscience modifié par le biais de transes et d'extases provoquées, par exemple, par des techniques de visualisation, de respiration, la musique, la danse ou l'utilisation de plantes psychoactives. Cet état est censé lui permettre d'accéder au monde non phénoménal. Il est souvent aidé par un ou plusieurs esprits alliés (animaux, plantes, objets ou même ancêtres) et doit alors faire face à la maladie de son patient, qui peut être visualisée sous la forme d'un monstre ou d'un mauvais esprit. Il utilise un ensemble de techniques choisies en fonction de sa situation et de sa culture, et qui peuvent aller de l'aspiration du mauvais esprit au don d'énergie... À la fin du processus, le patient est souvent censé avoir récupéré un morceau de son âme qui lui aurait été volé, ou avoir fait sortir hors de son corps un mauvais esprit.

Les thèmes majeurs du chamanisme [modifier]

===La "maladie initiatique"===[25]

Elle révèle l'élection du futur chamane. Les symptômes sont conventionnels, attendus, plus ou moins provoqués, voire simulés. Elle est interprétée comme une absence de l'âme qui est partie dans la surnature, vers son électeur. L'évanouissement est le symptôme caractéristique de la maladie. Dans le cas du chamanisme d'élevage, les esprits se sont humanisés, et l'électeur est l'esprit d'un ancêtre. L'évanouissement est le moment particulier où les ancêtres emmènent l'âme du future chamane pour y être instruit.
Elle donne l'apparence de la folie et exprime la présence d'un danger de mort. Elle indique une future carrière.
L'élection du futur chamane est vécue, en général, comme un fléau, aussi bien par le candidat que par la famille de celui-ci. Le danger de mort est lié au refus d'assumer la fonction de chamane. C'est l'électeur qui s'en charge.

Le dépècement et la dévoration du corps [modifier]

[25] [26]

Le morcellement du corps, ou dépècement, ou dévoration est une mort rituelle qui est suivie d'une résurrection. Elle marque le passage du profane au sacré, l'initiation par les esprits, et s'inscrit dans le cadre de la "maladie initiatique".

Ces souffrances physiques correspondent à la situation de celui qui est "mangé" par le démon-fauve, est dépecé dans la gueule du monstre initiatique, est digéré dans son ventre[26].


Dans le chamanisme de chasse, le morcellement du corps est le fait des esprits auxiliaires qui mangent la chair et boivent le sang du future chamane. Il s'agit surtout d'une dévoration interne. À la fin du rituel, le chaman peut alors incorporer les esprits auxiliaires dans les accessoires que la communauté lui a confectionné. Chaque séance chamanique sera par la suite l'occasion de nourrir les auxiliaires, ce qui est le prix à payer pour le service rendu : il s'agit donc d'un processus continue qui a lieu toute la vie du chamane, ce qui est à mettre en rapport avec son teint blème.

les esprits lui coupent la tête qu'ils mettent de côté (car le candidat doit assister de ses propres yeux à sa mise en pièces) et le taillent en menus morceaux qui sont ensuite distribués aux esprits des diverses maladies. C'est à cette condition seulement que le futur chaman gagnera le pouvoir de guérir[26].


Dans le chamanisme d'élevage, le dépècement s'effectue généralement en une fois, lors de la "maladie initiatique". C'est une dévoration externe, c’est-à-dire qui a lieu en général en dehors du corps du chamane. Il existe certaines particularités comme la cuisson de la chair et le comptage des os. Elle est l'œuvre des ancêtres. Cependant, dans le chamanisme d'élevage, coexistent des éléments du chamanisme de chasse, ce qui se traduit par l'existence parallèle d'esprits animaux et d'esprit des ancêtres : la dévoration interne continue persiste donc parallèlement.

Tout autre est la dévoration de la chair humaine consécutive à la prédation des esprits, dont l'action entraine la maladie par le biais du départ de l'âme, voire la mort en cas de départ définitif. Ce cadre est celui de tout un chacun qui peut devenir la proie d'un esprit :

Les hommes sont le butin de la chasse des esprits, comme les rennes sont le butin de la chasse des hommes... le monde des esprits est un monde d'affamés en quète perpétuelle de gibier humain[25].


18/11/2007
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