Bioastronomie - La contamination extraterrestre - Des nitriles sur Jupiter (III)

 

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La contamination extraterrestre

Des nitriles sur Jupiter (III)

Dans notre quête de traces de vie, Jupiter est d'un grand intérêt pour les chercheurs parce qu'il est resté dans une phase initiale, en formation. Son atmosphère réductrice contient des traces de méthane, d'HCN, d'hydrocarbures et d'aérosols organiques. Si de l'énergie est disponible, il est prouvé que la matière organique peut se former. Lors de simulations de la matière rouge-brun, un polymère nitrile, de formule générale R-CºN, ou cyanide (-CN) fut synthétisé. Il suggère fortement la coloration de la Grande tache rouge jovienne ou des petits vortex de Saturne et d'Uranus. 

Car comme sur Terre, où les poissons existent bien dans un milieu liquide, il n'est pas besoin de quelque chose de solide pour porter la vie. La vie peut donc parfaitement évoluer dans l'atmosphère de Jupiter, mais aussi de Saturne ou d'Uranus. Il peut s’agir de bactéries telles qu'on en trouve dans notre atmosphère jusqu'à 16 km d'altitude. Mais les profondeurs de Jupiter cachent de violents courants verticaux qui menacent leur survie. Pour les biochimistes, ces bactéries évolueraient vers les 80 km de profondeur dans l'atmosphère jovienne. Il est aussi possible que ces organismes baignent dans un milieu où la température soit celle d'une confortable pièce de séjour, ce qui tendrait à renforcer l'hypothèse selon laquelle certaines formes de vie rudimentaires existeraient dans l'atmosphère supérieure du géant jovien. L'hypothèse se trouve confirmée lorsqu'on apprend que sous l'épaisse ceinture colorée, la température est proche de 0°C, niveau de liquéfaction de l'eau et qu'elle croît en se rapprochant du noyau de la planète, tout comme la pression.  

L'atmosphère de Jupiter contient des molécules prébiotiques. A une centaine de kilomètres de profondeur elle est même chaude, dense, contient des aérosols organiques, de l'eau et est parcourue d'éclairs. N'ayant pas de surface solide ce milieu est cependant propice au développement d'une vie primitive capable de supporter des pressions importantes et des perturbations météorologiques sévères. Mais jusqu'à présent les sondes qui s'y sont aventurées n'y ont découvert aucune forme de vie. Documents Andrew C.Stewart/CosmicArt.

Titan, nuages et pluies organiques

Plus gros que la Lune, Titan cache sa surface sous une épaisse atmosphère opaque de couleur orange. Lorsque Voyager 2 le survola en 1981, les informations qu’il recueillit ont permis de conclure que son atmosphère était 10 fois plus massive que celle de la Terre et contenait principalement de l'azote, jusqu’à 10% de méthane (CH4), de l'argon, un peu d’ammoniac mais pratiquement pas d'hydrogène moléculaire et aucune trace d'oxygène. Mis à part le manque d'eau, c'est l'atmosphère idéale d'une chimie prébiotique.

Et de fait, le détail le plus significatif fut la découverte d'hydrocarbures, d'acide cyanhydrique, plusieurs nitriles - HCN, HC3N et C2N2 - premiers pas dans l'élaboration de la longue chaîne des bases nitrées A, G, C, T qui synthétisent les éléments vivants.

Nous savons que le méthane est instable dans un milieu oxygéné, il s'oxyde pour former du gaz carbonique. Dans ces conditions, privé d'oxygène, Titan peut paradoxalement abriter la vie. Le phénomène apparaît obligatoire une fois les conditions chimiques et physiques réunies. Mais si l'on trouve des sucres et des acides aminés, ce n'est pas encore la vie. Physiquement Titan reste trop froid, il n'y a pas d'effet de serre, il fait -179°C en surface.

Ci-dessus en 1949 Chesley Bonestell ignorait que Titan avait une épaisse atmosphère, dix fois plus massive que celle de la Terre. Don Davis et Adolph Schaller nous présentent une image plus réaliste. Ci-dessous suite à la probable découverte par radar d'étendues liquides sur Titan, David Seal de la NASA/GSFC a imaginé que les cratères de sa surface étaient remplis de méthane. Documents (c) Bonestell Space Art, Don Davis et NASA-GSFC.

Des relevés radars[9] effectués depuis 1990 ont révélé l’existence de vastes régions présentant un pouvoir réfléchissant très élevé, ne confirmant pas le présumé océan qui semblait exister. Mais grâce aux images infrarouges recueillies par le Télescope Spatial Hubble en 1995, Stanley Dermott et Carl Sagan[10] ont découvert des variations dans l’albédo de surface ou de la topographie dont l’origine la plus probable serait liée à des phénomènes de marées, vraisemblablement provoqués par les mouvements de lacs de méthane ou d’éthane liquides bordant un continent grand comme l’Australie. En 2004 des images infrarouges et polarisées réalisées par la sonde Cassini ont confirmé l'existence de plusieurs types de reliefs. 

Dans le ciel, entre 150 et 200 km d'altitude Voyager repéra des nuages et de la pluie de méthane ainsi que des couches de brume glacées entre 200 et 300 km d'altitude. Ces brumes et ces aérosols permettent aux rayons solaires de synthétiser de l’HCN dans un milieu gazeux. Ces composés organiques sont entraînés dans la circulation atmosphérique. Quelques uns s’accumulent dans les lacs mais la plupart finissent sur le sol gelé où ils sont irradiés par le rayonnement ultraviolet solaire.

Malgré le manque d’étendues liquides, cet écosystème est similaire à la phase prébiotique que connu la Terre il y a plus de 3 milliards d’années. Des expériences prébiotiques conduites par Carl Sagan[11] ont permis de simuler l’abondance des éléments observés dans l’atmosphère de Titan. Ces expériences simulant la pression et la composition à différents niveau de son atmosphère démontrent que le rayonnement ultraviolet et le bombardement électronique associé aux aurores - simulés par des décharges électriques - suffisent à créer une matière organique orange sombre riche en composés aromatiques polycycliques et autres hydrocarbures. Cette matière est composée de “tholines”, c’est-à-dire d’un mélange de gaz N2/CH4 contenant 0.1% de CH4 produits par des électrons magnétosphériques et peut-être des hydrocarbures dérivés du C2 attaqués par le rayonnement ultraviolet. Cette substance présente le même spectre optique que celui observé dans les brumes de Titan. Combiné avec de l’eau ces molécules forment des acides aminés, des nucléotides et d’autres molécules essentielles à la vie terrestre. Si la vie est apparue sur Terre en l’espace de 100 millions d’années, 1000 ans seraient peut être suffisant sur Titan, à partir du moment ou un impact météoritique formerait de grands lacs d’eau mêlés de glace.

Illustration de la descente de la sonde Cassini-Huygens sur la surface de Titan constituée de matière hydrocarbonée. Les nuages sont constitués de matière organique dont une forte proportion de méthane. Documents ESA.

On peut aussi imaginer que la chimie du carbone peut émerger sans eau. Celle-ci peut-être remplacée par le méthane ou l'ammoniac, l'azote remplaçant l'oxygène. Dans ce cas, les macromolécules pourraient se déshydrater en libérant de l'ammoniac plutôt que de l'eau. Seules les liaisons amines des acides aminés seraient plus aléatoires. De ces associations "pseudo-peptidiques" pourraient surgir des protéines, des pseudos ADN et ARN qui pourraient se développer dans le méthane ou l'ammoniac. Titan serait ainsi le berceau d'une autre forme de vie, plus instable certainement, mais tout aussi envisageable. Si de telles créatures existaient, elles s’écriraient non pas “J’ai soif, de l’eau”, mais “de l’ammoniac, de l’ammoniac” !  

L'atmosphère de Titan est un laboratoire exceptionnel pour les biochimistes qui se sont empressés d'y envoyer la sonde Cassini-Huygens qui atteignit Saturne en 2004. La sonde Huygens fut larguée à 1000 km d'altitude au-dessus de Titan début 2005 et récoltera des données physiques et biochimiques durant les 2h30 heures que durera la descente dans l'atmosphère. Nous reviendrons en détail sur cette mission exceptionnelle, où pour la première fois nous avons découvert le visage de la chimie prébiotique extraterrestre. Toutefois, à l’heure actuelle, il est encore trop tôt pour conclure qu’il existe une chimie prébiotique active sur Titan.

 Triton, une surface fraîche de polymères

Le plus gros satellite de Neptune fut visité par Voyager 2 en 1989. Bien que sa surface soit solide et gelée, une activité volcanique intense perdure sur ce satellite isolé à plus de 4 milliards de kilomètres du Soleil. Sa surface est composée d'azote et de méthane gelés, entourée d'une atmosphère ténue jusqu'à 50 km d'altitude. 

Sa surface subit des variations saisonnières jusqu'à quelques dizaines de degrés, mais les saisons durent 41 ans. Dans les conditions d'une chimie organique, toute molécule qui traverse la brume de méthane frappe la surface et entraîne sa transformation en polymères hydrocarbonés. Périodiquement ces composants organiques sont recouverts de glaces amenés par les éruptions volcaniques. Le froid extrême (inférieur à -165°C) empêche l'évolution de la vie.  

La très légère atmosphère de Triton. Image Voyager 2/Calvin J.Hamilton/NASA

Prochains chapitres

Les comètes, boules de "CHON" sales

et Galileo à la recherche de vie sur Terre

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[9] D.Muhleman et al., Science, 248, 1990, p975.

[10] S.Dermott et C.Sagan, Nature, 374, 1995, p238.

[11] W.Reid Thompson, G.McDonald et C.Sagan, Icarus, 112, 1994, p376.



25/11/2007
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